Le Prix Nobel de Littérature, le péruvien Mario Vargas Llosa, dénonce le retour du nationalisme, estimant qu'il s'agit de "la plus grave menace pour la construction de l'Europe". L'écrivain est l'invité d'honneur de la "Fête du livre", qui se déroule à Aix-en-Provence durant tout ce week-end.
Pour sa 31ème édition, la Fête du Livre, organisée comme chaque année à la Cité du Livre d'Aix-en-Provence, invite des écrivains prestigieux dans un tour du monde des littératures.
Cette année, le Prix Nobel de Littérature, le péruvien Mario Vargas Llosa est l'invité d'honneur de cette manifestation. Il a accordé hier une longue interview à quelques journalistes, revenant sur le nationalisme, selon lui "la plus grave menace pour la construction de l'Europe".
"C'est incroyable que cela réapparaisse en Europe, où l'on pensait avoir dépassé cet état si limité"
s'est alarmé l'auteur de "La tante Julia et le scribouillard"
Fustigeant "une vision tellement sectaire, limitée, de la vie, qui produit toujours la guerre, la discrimination, le racisme", le prix Nobel de littérature 2010, a jugé que
"c'est exactement le contraire de ce qu'est la civilisation, l'intégration dans la diversité".
"Quand il y a une crise, il y a ce que (Karl) Popper appelait le retour à la tribu, à cette protection collectiviste", a-t-il ajouté, or, selon lui, "s'enfermer dans ce qu'on connaît, c'est la régression!"
affirme-t-il dans un français parfait."C'est la menace la plus grave pour la construction de l'Europe"
Auteur d'une trentaine d'oeuvres (romans, théâtre, essais...), Mario Vargas Llosa, 78 ans, se montre en revanche "plutôt optimiste pour l'Amérique latine", où "avance la culture démocratique".
"Aujourd'hui en Amérique latine, il y a un consensus en faveur de la démocratie et même de l'économie ouverte de marché, ce qui auparavant été impensable", se félicite cet intellectuel qui se présente comme "libéral", même si ce mot a été, selon lui "satanisé" et "associé à tous les malheurs de l'humanité".
"Il n'y a pas de dictature militaire. Il y a certes Cuba, qui est une dictature plus ou moins anachronique, et le Venezuela, qui marche vers la dictature, mais n'y est pas encore totalement, car il y a une opposition très vivante", constate ce farouche opposant au régime castriste.
Il observe d'ailleurs, non sans un certain amusement, que des gouvernements classés très à gauche, comme celui d'Evo Morales, en Bolivie, et de José Mujica, en Uruguay, adoptent des mesures qu'il juge libérales.
"En Uruguay, ce gouvernement d'extrême gauche, au début, est exemplairement démocratique et a mis en oeuvre des réformes libérales extraordinaires comme le mariage gay, et la libéralisation de la marijuana. Bienvenu à un socialisme comme celui de Mujica! Cela n'a rien du socialisme, seulement le nom".
Clin d'oeil au gouvernement français
Et de souligner, en forme de clin d'oeil au gouvernement français que "même en France, on propose des mesures libérales pour répondre à la crise. On ne les appelle pas libérales, mais elle le sont, objectivement. Ce sont des mesures libérales, pas exactement des mesures socialistes...".
Outre le regard acéré qu'il porte sur le monde, l'écrivain fourmille de projets littéraires.
Il vient de terminer l'écriture d'une pièce de théâtre, "Les contes de la peste", inspirée "de manière très libre" du "Décaméron" de l'écrivain italien de la fin du Moyen-Age Boccace, "une oeuvre qui m'a toujours impressionnée", explique-t-il.
Dans cette pièce "qui sera montée début 2015 à Madrid", il retrace l'histoire de "jeunes gens, enfermés dans un jardin de Florence", frappée par la peste, et "qui décident d'échapper à la mort en se racontant des histoires".
L'écrivain "commence aussi" un roman situé au Pérou", son pays natal, mais ne sait "pas encore très bien ce qu'il va s'y passer".
Se félicitant de la vigueur d'une littérature latino-américaine "très vivante", où
notamment en raison d'un cosmopolitisme croissant et "de plus de sympathie de la part du public local pour les auteurs "natives", Mario Vargas Llosa demeure un admirateur définitif de la littérature française."il est plus facile pour un jeune écrivain d'être publié que voici 50 ans",
Il en lit "surtout les écrivains du passé", car "je suis devenu un peu vieux..." dit-il, et "toujours les mêmes": Hugo, Flaubert, Stendhal, et Malraux "pas toujours reconnu alors que "La condition humaine" est un chef d'oeuvre du XXe siècle", dit-il.
A Sartre, il préfère désormais Camus "et son idée tout à fait juste qu'on ne peut écarter la morale de la politique", qui sinon conduirait "à la violence, à la brutalité, à l'intolérance, c'est-à-dire au despotisme et au totalitarisme".