La Chambre régionale des comptes vient de valider le compte administratif 2022 de la commune de Vallauris Golfe-Juan. Pour le maire (LR) Kevin Luciano, c'est un argument-choc contre l'opposition municipale qui l'a mis en minorité au début de l'été. Cela suffira-t-il pour qu'il reprenne les rênes de la commune ?
Au cœur de la chaleur de l'été, le maire de Vallauris Golfe-Juan (Alpes-Maritimes) affiche sur sa page Facebook ce qu'il considère indubitablement comme une victoire :
J’ai le plaisir de vous indiquer que, par avis notifié le 18 août 2023, la Chambre régionale des comptes vient de valider en tous points le compte administratif de la Commune. Monsieur le Préfet et la juridiction financière infligent ainsi une cuisante humiliation à l’opposition.
Kevin Luciano, maire de Vallauris Golfe-Juan
L'opposition dont il parle, ce sont ces 18 élus, dont 7 anciens membres écartés de son équipe, qui lors du dernier conseil municipal, le 28 juin 2023, ont voté contre ce fameux compte administratif, et ont bloqué le budget. 18 élus sur 35, le nombre suffisant pour que le maire perde sa majorité et voie son action bloquée.
"Cette décision révèle, à la fois, l’incompétence des opposants et leur volonté de nuire" poursuit le maire dans son post. On saisit bien l'atmosphère qui règne aujourd'hui au sein du conseil municipal de cette commune littorale de 28 000 habitants. L'avis rendu par la Chambre régionale des comptes suffira-t-il à faire rentrer les opposants dans le rang ? Rien n'est moins sûr.
Recours contre le budget primitif 2023
Pour Emmanuelle Cantoni, élue de sensibilité écologiste, sans étiquette, et membre de l'opposition, "cet avis de la Chambre régionale des comptes n'est pas une surprise". "Jamais nous n'avons contesté le compte administratif dans le sens où il aurait été déséquilibré. Notre vote contre était un vote politique. L'utilisation de l'argent ne nous convient pas. En revanche, nous estimons que le budget primitif 2023 est entaché d'irrégularités".
Quels griefs les 18 élus d'opposition nourrissent-ils contre ce budget qu'ils ont, comme un seul homme, décidé de rejeter ? Les prétendues irrégularités portent essentiellement sur la politique en matière de subventions aux associations. "En tant qu'élu, si on est membre du conseil d'administration ou président d'une association, on n'a pas le droit de voter une subvention à son profit. C'est la loi", poursuit Emmanuelle Cantoni. Selon elle, une dizaine d'élus, dont le maire lui-même, seraient de ce point de vue dans une position ambigüe. Le maire aurait ainsi voté la subvention au club de tennis dont son fils de 5 ans "est membre" selon l'opposition, "n'est plus membre depuis décembre 2022" selon le maire lui-même.
Le maire n'a jamais séparé le vote des subventions aux associations du budget général. Il a même refusé de le faire. Il est professeur de droit, il n'a pas d'excuses.
Emmanuelle Cantoni, élue d'opposition à Vallauris Golfe-Juan
Contre ce budget primitif 2023, l'opposition a lancé des recours tous azimuts : signalement auprès du Procureur de la République de Grasse pour prise illégale d'intérêt concernant plusieurs élus de l'équipe du maire. Recours au Tribunal Administratif de Nice. Demande de déféré préfectoral.
Contrôle de légalité du préfet
Et les regards se tournent vers le préfet des Alpes-Maritimes, qui exerce son contrôle de légalité. "Le préfet peut demander l'annulation du budget auprès du Tribunal Administratif. C'est ce que nous attendons", explique Emmanuelle Cantoni.
Sur ce point, le maire Kevin Luciano se montre très serein. "A la fin du printemps les services de la préfecture nous ont demandé des pièces complémentaires, des éclaircissements. Mais le préfet n'a pas jugé utile de nous questionner sur les subventions aux associations". Depuis, aucun retour négatif de la part de la préfecture qui a jusqu'à fin août pour exercer son contrôle de légalité.
Action municipale bloquée
En attendant ces dénouements administratifs et judiciaires, l'action municipale pâtit de la situation.
L'opposition est prête à tout dans sa stratégie d'obstruction.
Kevin Luciano, maire de Vallauris Golfe-Juan
"En votant contre le budget primitif, l'opposition a voté contre un jardin public pour les enfants. Contre une rampe d'accès PMR pour un bâtiment recevant du public. Contre l'emploi de saisonniers pour les services municipaux pendant l'été. Ils n'ont pas le sens de l'intérêt général", estime Kevin Luciano.
Après le conseil municipal fin juin, l'adjoint au maire en charge de la sécurité n'avait d'ailleurs pas hésité à publier les noms des 18 membres de l'opposition, "les noms de la honte" dans ses termes, des personnes qui selon lui bloquaient l'emploi de gardes d'enfants pour les centres aérés de la commune. Il avait également menacé de divulguer leurs adresses personnelles.
De son côté, le maire parle de "méthodes mafieuses, de menaces". "Quelqu'un est allé jusqu'à faire photographier mon fils de 5 ans venu voir un copain jouer au tennis, pour prouver qu'il fréquentait le club". Ambiance.
Et le prochain conseil municipal ?
Alors au-delà des procédures, quelle issue politique pour la commune ?
Nous resterons unis face à ce qui se passe, en mettant nos étiquettes de côté.
Emmanuelle Cantoni, élue d'opposition
L'élue évoque elle-même un "groupe de circonstance votante".
Le maire ne se fait pas d'illusions, le groupe d'opposition est bien décidé à continuer à lui tenir tête lors du prochain conseil municipal. Pour l'heure, d'ailleurs, aucune date n'est prévue.
Si aucune défection n'intervient parmi les opposants, seules des démissions pourraient permettre de faire bouger les équilibres. Du côté du groupe d'opposition, l'hypothèse n'est visiblement pas à l'ordre du jour. Le maire Kevin Luciano, ironise : "Ils savent qu'ils ne peuvent pas gagner ! Il y a des Nupes, des macronistes, des LR, il n'y a pas de logique politique. D'ailleurs ils ne tomberaient pas d'accord : au moins quatre d'entre eux voudraient devenir maire !"
Quant à sa propre démission ?
Démissionner au sein du conseil municipal pour les laisser se partager les postes ? Jamais. En revanche, me retrouver devant les électeurs ne me ferait pas peur.
Kevin Luciano, maire (LR) de Vallauris Golfe-Juan
Il faudrait, pour déclencher de nouvelles élections, qu'un tiers du conseil municipal présente sa démission. Ce sera peut-être la seule issue, à terme, pour débloquer la vie de cette petite ville de bord de mer.
