Dans le grand chantier du quartier Marenda Lacan, à Antibes, des fous d'histoire et de patrimoine ont aperçu un pan de mur antique qu'ils ont eu le temps de photographier. 24h plus tard, la tranchée avait été remblayée et plus rien n'apparaissait.
Sur le site du ministère de la Transition écologique la grosse opération de renouvellement urbain, Marenda Lacan en plein centre d’Antibes parait prodigieux. Quelque 200 logements dont 35% de logements sociaux, 4 200 m2 de locaux commerciaux et un cinéma. L’enjeu de ce nouvel écoquartier parait stratégique pour le développement de la ville antiboise mais à y regarder de plus près, la réalisation n’est point rose bonbon. Entre les retards de livraison et les malfaçons, les problèmes s’accumulent dans ce programme immobilier que certains propriétaires ont acquis au tarif de 12 000 euros le m2.
À présent, c’est l’histoire qui vient y rajouter une nouvelle problématique dans ce quartier en travaux. Photos à l’appui, des habitants ont signalé des vestiges archéologiques là où les travaux s’opèrent encore.
Des vestiges mis au jour...
« C’est malheureux, dit Luc Pefau, le président fondateur de l’ Association Mémoire de la Fontonne à Antibes, le passé est complément, ignoré. C’est dommage pour une ville comme ça. Très différent de Nice ou Marseille qui ont un musée d’histoire et qui y sont attachées. Ici, il n'y a que le musée d'Archéologie installé dans le bastion Saint-André.»
Cet historien amateur s’appuie sur la mémoire des anciens et à partir de là, comme il le dit lui-même, fouinent.
Il y a une quinzaine de jours, je me gare au port et je traverse à pied, par la vieille ville. Comme toujours, je jette un œil sur le chantier devant moi. Il y a deux belles fresques à côté d’une vielle maison rasée. C’est là que je vois deux tranchées. Dans l’une, rien, dans l’autre, un mur en ruine. J’ai immédiatement prévenu mon collègue Galliano,
Luc Pefau, passeur de mémoire.
Jean-Pierre Galliano est membre du Cercle d’Histoire et d’Archéologie des Alpes-Maritimes. Né à Antibes, le retraité, comme son acolyte, est passionné par l’histoire extraordinaire de sa ville : "elle a plus de 3 000 ans, s’exclame-t-il, enthousiaste. Ligure, Grecque, Romaine. Au départ, elle s’appelait Antipolis, étymologiquement cela signifie la ville d’en face. Mais on ignore encore en face de quoi… Puis avec le Moyen-Age et au fil du temps, elle est devenue Antibes."
... et bien vite remblayées !
Il y a une dizaine de jours, lors de travaux effectués à 80 m du rivage, dans le nouveau quartier Marenda Lacan, il aperçoit lui aussi un mur ancien qu’il photographie immédiatement.
« À l’origine, le port grec entrait bien plus profondément dans ces terres marécageuses. Dès qu’on creuse dans cette ville, on trouve des choses intéressantes comme, par exemple, en 1866, le galet de Terpon. C’est une pierre d’une trentaine de kilogramme recouverte d’une des plus anciennes inscriptions grecques de France. Dès que j’ai pris la photo du mur dans la tranchée, je l’ai montré autour de moi pour essayer de savoir de quoi il s’agissait, parce qu’on cherche, depuis très longtemps, où était le forum romain. Comme Antibes était entourée de remparts avec des bastions comme celui de Rosny, c’est peut-être ça. Ou un château d’eau, une partie d’aqueduc romain, un moulin, un bout du couvent des Cordeliers…"
L'amateur de vestiges regrette de ne pas avoir eu le temps de fouiller parce que, dès le lendemain, tout avait été rebouché.
... Et c'est normal !
Interrogée, la mairie d'Antibes nous a précisé que dans ce chantier, comme dans tous ceux de la ville, la procédure a été respectée. Durant trois jours, les agents de l'Inrap, Institut national de recherches archéologiques préventives ont effectué un dernier diagnostic avant l'installation du jardin et la suite du chantier. Ils ont alors rendu leur rapport à la DRAC, direction régionale des affaires culturelles.
"Tous les travaux se font dans les règles de l'art, celui-ci comme les autres" précise la ville d'Antibes.
Comme prévu pas la procédure lors d'une découverte, le chantier peut être refermé en attendant la décision de la DRAC d'engager des fouilles plus approfondies. C'est elle qui décide de relancer les travaux ou pas.
Nous en saurons plus lorsque le rapport aura été rendu et les vestiges calés sur les différents cadastres !