Au troisième jour du procès dans lequel elle doit répondre, avec trois autres prévenus, d'homicide involontaire, la directrice de l'Ehpad de Biot où trois résidentes ont perdu la vie lors des inondations du 3 octobre 2015, a fondu en larmes à plusieurs reprises.
Elle n'avait pas encore trente ans et n'était directrice du Clos Saint-Grégoire à Biot (Alpes-Maritimes) que depuis un mois lorsque son établissement a été ravagé par 1,25 mètre d'eau, causant la mort de trois résidentes, le 3 octobre 2015.
Ce jeudi matin, au troisième jour du procès de ces inondations mortelles, Anaïs Gledel n'a pu retenir ses larmes après une heure trente de questions, ce jeudi 18 janvier.
"Être mise en examen pour un mois… ça a complètement détruit ma vocation… ça a détruit ma vie !"
Anaïs Gledel, directrice de l'Ehpad de Biot en 2015
La directrice de l’Ehpad, vêtue d'un gilet beige avec sequins dessinant des ailes d’ange le dos, est appelée à la barre par le président du tribunal correctionnel. Depuis la salle, les huit parties civiles présentes et le public ne peuvent voir son visage. Elle revient sur cette soirée dramatique...
"A 21h34 j’étais bloquée à Mandelieu, tout était bloqué". Elle parvient alors à joindre par téléphone l’une l’une des deux employées présentes à l’Ehpad, qui lui apprend que de l’eau entre de toutes parts dans l'établissement malgré la fermeture d'une partie des portes anti-inondation.
La jeune directrice leur demande alors de monter les résidents à l’étage. Aujourd’hui, elle reconnait qu’il était déjà trop tard. "La vague est passée 5 ou 10 minutes après que je les ai eues au téléphone. Il faut une ou deux heures pour transférer les 21 résidents... Si on avait été prévenus avant…"
Pour les parties civiles, Me Philippe Soussi se lève : "C'est raisonnable de placer 21 personnes en rez-de-chaussée dans une maison de retraite déjà inondée ?", demande l'avocat niçois.
"On a repris un établissement avec des lits au rez-de-chaussée, nous avions eu un courrier de la mairie rassurant sur le risque d'inondation disant qu'il y avait des bassins de rétention, qu'on était protégés", répond la directrice.
"C’est pas la même rentabilité avec vingt lits de moins…"
"La rentabilité, je m’en moque" tranche Anaïs Gledel, qui semble touchée par cette remarque.
"C’était le chaos et l’apocalypse"
Me Emilie Farrugia, qui représente la famille Chaix, prend le micro : "Qui vous envoie par mail un bulletin météo à 18h, pourquoi pas évacuation ?"
"Nous étions en alerte orage, pas inondation. Je n’ai pas reçu de mail, j’ai reçu un appel de mon directeur régional". Elle poursuit : "Tout était coupé, c’était le chaos et l’apocalypse. J’aurais préféré être avec [les salariées]".
La jeune femme, aujourd'hui âgée de 37 ans, va craquer émotionnellement : "On m’assaille de questions, on me dit qu’il faut de la rentabilité ! Mon objectif, c'était le bien-être. Être mise en examen pour un mois… ça a complètement détruit ma vocation… ça a détruit ma vie" lance-t-elle en larmes.
Quelques minutes plus tard, elle s'effondre de nouveau après qu'une avocate évoque "la maltraitance" des pensionnaires dans cette affaire. "C’est pas entendable, dire qu’il y a de la maltraitance c’est inadmissible. C’était un établissement familial, aucune famille ne pourra dire qu’il y avait de la maltraitance."
Le procès se poursuit ce jeudi avec l'audition de Lionnel Luca, maire de Villeneuve-Loubet, cité par la défense. Les plaidoiries des parties civiles et les réquisitions sont attendues dans l'après-midi.