Plus d'un an après le début de la pandémie de Covid-19, rien n'a changé : les masques chirurgicaux peuplent toujours la nature et finissent dans la mer. A l'occasion de la journée mondiale du ramassage des ordures sauvages, France 3 revient sur ce "nouveau fléau".
En seulement trois heures, 750 kilos de déchets et 70.000 mégots ont été ramassés. A Nice, près de 500 bénévoles se sont rassemblés sur la plage à l'occasion du World clean up day, samedi 18 septembre. Lors de cette journée mondiale de ramassage des ordures sauvages, les habitants du monde entier sont invités à rammasser les ordures sauvages, jetées négligemment, qui s'amassent dans la nature.
mobilisation à @VilledeNice ce matin sur les plages avec des dizaines de bénévoles pour ramasser le maximum de déchets ?? @F3cotedazur #peopleforcleanplanet #WCUD2021 pic.twitter.com/ZFcPi4zZwA
— Ali Benbournane (@alibenbournane) September 18, 2021
"Lorsque je vois tous ces mégots, je me dis qu'il y a encore des citoyens qui prennent la ville pour un cendrier permanent", a déploré le maire, Christian Estrosi, auprès des participants.
Un cendrier... et une poubelle permanente.
Depuis plus d'un an, un nouveau type de déchet vient s'ajouter à la liste des ennemis publics n°1 : les masques chirurgicaux, utilisés pour lutter contre la pandémie de Covid-19. Déjà, en mai 2020, dès les premiers jours du premier déconfinement, ils avaient envahi la Méditerrannée.
A cette époque, Laurent Lombard nous faisaient part de ses inquiétudes. "Ca va devenir un vrai désastre écologique. Il y a une semaine, je ne voyais qu'un gant de temps en temps, ensuite, j'ai commencé à en voir de plus en plus", s'alarmait le fondateur de l'association Opération Mer Propre, qui, avec des équipes de plongeurs, organise régulièrement des ramassages citoyens sur le littoral azuréen.
Maintenant que le masque fait partie de notre quotidien depuis plus d'un an, force est de constater que rien n'a changé. Au détour d'une balade, on remarque rapidement qu'il y en a toujours autant dans les rues, dans les forêts, dans les cours d'eau, dans la mer.
Des dizaines de masques retrouvés à chaque sortie plongée
"Le problème, ce sont les incivilités", souligne Pascal Calmels, président d'Opération Mer Propre. "Si les gens arrêtaient de jeter des masques partout, on en aurait pas dans la Méditerrannée". D'autant plus que peu d'entre nous voudraient ramasser et toucher un masque usagé, qui a possiblement été en contact avec un virus. Alors, le masque reste dans la rue, jusqu'à ce que le vent l'emporte. Il finira dans la mer, phénomène aggravé par les orages et les intempéries.
"A chaque sortie plongée, on trouve des masques. Cela varie, mais c'est minimum une dizaine", note Pascal Calmels. Il souffle : "C'est un vrai fléau".
Les masques font désormais partie du paysage marin. Quand ils ne flottent et ne dérivent tout simplement pas, ils s'accrochent aux filets, aux rochers, parfois mêmes aux animaux. C'est ainsi que les plongeurs d'Opération Mer Propre avaient retrouvé une étrille, un petit crabe de la région, prit au piège dans les élastiques d'un masque.
Aucune région de France ni du monde est épargnée. Une étude, publiée au mois de décembre 2020 par l'ONG de défense des océans OceansAsia, affirme que plus d'1,56 milliards de masques se sont retrouvés dans les eaux du globe l'année dernière (lien en anglais). Ce chiffre doublera, triplera-t-il d'ici la fin de la pandémie ?
Chaque mois, dans le monde, 129 milliards de masques seraient utilisés, selon une étude publiée en juin 2020 par l'American Chemical Society (lien en anglais).
Le masque chirurgical est un cocktail polluant : il est composé d'une tige en fer ou en aluminium, des élastiques en caoutchouc et des fibres en polypropylène, une forme de plastique.
"Des études en laboratoire ont montré que le polypropylène en masse met 500 ans à se fragmenter et se dégrader", souligne Maria-Luiza Pedrotti, chercheuse du CNRS à l’Institut de la mer de Villefranche-sur-Mer.
Des conséquences dramatiques
Mais avant cela, dans la mer, le masque se délite jusqu'à devenir des particules de plus en plus petites, souligne l'étude d'OceansAsia. Ces particules de microplastiques vont s'ajouter à celles déjà en suspension dans les mers du globe – il y en aurait 24,4 milliards de milliards, selon une étude publiée le 9 septembre dernier dans la revue Microplastics and Nanoplastics (lien en anglais).
Ce qui a des effets catastrophiques pour la faune marine. "Des expériences montrent que les microplastiques nuisent aux espèces aquatiques, ainsi qu’aux tortues et aux oiseaux : tube digestif bouché, appétit diminué, comportement alimentaire modifié", explique National Geographic. "Résultat, ces animaux grandissent et se reproduisent moins bien. Avec leur estomac rempli de plastique, certains meurent de faim".
Ainsi, devant l'urgence, Pascal Calmels aimerait que le jour de ramassage des déchets soit appliqué toute l'année, et pas seulement un jour par an. Il conclut : "On a déjà gâché la planète, autant faire un petit effort pour nos enfants".