Accablées de procès-verbaux pour stationnement, les infirmières de Cagnes-sur-Mer tapent du poing sur la table. Souvent contraintes de se déplacer dans l'urgence, elles dénoncent l'intransigeance du maire de la ville à leur égard.
“On se retrouve à devoir faire le tri parmi les patients”, nous explique Deborah Mansilha, excédée. Cette infirmière libérale exerce dans le périmètre de Cagnes-sur-Mer (Alpes-Maritimes). Dans la ville de 50.000 habitants, stationner devient mission impossible pour elle : les procès-verbaux pleuvent à tout va.
“C’est simple, entre la société Indigo et les caméras de surveillance, on est traquées de partout !”, critique-t-elle, évoquant des situations d’urgence où elle n’a pas été épargnée.
Il m’est arrivé de me déplacer en urgence pour un massage cardiaque. Une fois que je suis redescendue, j’avais un PV sur ma voiture !
Deborah Mansilha, infirmièreà France 3 Côte d'Azur
L’une de ses collègues, assure-t-elle, a par exemple écopé d’un total de près de 1.000 euros d’amendes depuis le mois d’avril. La situation est devenue intenable et pourrait poser de sérieux problèmes de santé publique.
Le maire pointé du doigt
Les infirmières libérales de Cagnes-sur-Mer se retrouvent dans une impasse alors que leur maire semble ne pas vouloir écouter leurs doléances. “On travaille dans beaucoup de communes voisines où ça se passe très bien, mais il n’y a qu’ici que le maire refuse catégoriquement d’appliquer la circulaire Joxe.”
Publiée en 1986, cette circulaire, du nom du ministère de l’Intérieur de l’époque, conseille aux agents de faire preuve de bienveillance vis-à-vis des professionnels de santé. Néanmoins, cette circulaire n’a pas force de loi : elle peut être interprétée librement par les autorités locales, comme c’est le cas à Cagnes-sur-Mer.
Déjà soumise à une pression constante, cette infirmière doit aussi composer avec la probabilité d'être verbalisée. "On travaille plus pour gagner moins et donner plus", se désole-t-elle, soulignant une détérioration de ses conditions de travail.
"Pas une situation d'urgence", se défend le maire
Louis Nègre, maire Les Républicains de Cagnes-sur-Mer, se dit surpris de cette montée au créneau des infirmières.
Il ne faut pas confondre l’urgence et les soins réguliers. Nous avons une position de principe qui est républicaine : tout citoyen doit être traité de la même façon, quelle que soit sa profession.
Louis Nègre, maire (LR) de Cagnes-sur-Merà France 3 Côte d'Azur
Le maire ajoute néanmoins qu’un abonnement “sur-mesure” a été mis en place pour les infirmières : “nous sommes conscients que les infirmières ont un travail un peu particulier. C'est pour cela qu'elles peuvent, pour 50 euros par mois, se garer dans toute la ville à Cagnes-sur-Mer. C’est une somme qui est déductible des frais généraux.”
Les infirmières critiquent néanmoins l’application d’un tel abonnement, qui représente 600 euros par an. Certaines d'entre elles refusent de le payer. “Moi, je vois que c’est de la gratuité qu’elles veulent, ça n’a rien à voir avec une situation d’urgence”, conclut le maire, qui rappelle notamment que sa porte "est ouverte à toute personne qui comprend notre position".
La santé des patients en jeu
Au-delà du problème logistique que représentent ces difficultés de stationnement, un enjeu de santé publique est également sur la table. Dans ce cas précis, les infirmières de Cagnes-sur-Mer assument de devoir limiter leurs déplacements dans la ville. "Il y a un triage des patients qui se fait selon leur habitation... Soit on y va très tôt pour ne pas se faire sanctionner, soit certains se retrouvent sans soins."
Avec le syndicat Convergence Infirmière des Alpes-Maritimes, Déborah Mansilha a interpellé la mairie à maintes reprises. La municipalité reste pourtant inflexible. "Le maire nous prend de haut (...) On ne lâchera pas l’affaire", prévient l’infirmière.
Une zone d’ombre juridique
La question du stationnement des infirmiers et médecins libéraux revient régulièrement sur le devant de la scène politique, comme lors des questions au Sénat, ou médiatique, comme à Poitiers (Vienne) où ce problème a déjà été rencontré.
Depuis sa publication, la circulaire Joxe - visant à offrir aux professionnels une forme de tolérance en matière de stationnement - a été inégalement appliquée. Les recours juridiques sont moindres pour les professionnels de santé pénalisés par des procès-verbaux.
En 2023, une proposition de loi avait été déposée pour tenter de prendre à bras-le-corps ce problème. Le texte visait notamment à créer une carte de stationnement pour les infirmiers libéraux, leur permettant d’obtenir la gratuité sur les places de stationnement ouvertes au public dans le cadre de leurs déplacements professionnels.