Ce weekend les adeptes du bronzage et les promeneurs sur la Croisette ont eu la surprise de voir passer dans leur champ visuel, un bateau diffusant des annonces publicitaires sur un grand écran. Est-ce la fin des bâches publicitaires aériennes et le début de l’écran navigant ?
Souvenez-vous, cette image de vacances de bord de mer, avec un petit coucou tractant une publicité, voire, pour les plus romantiques, une demande en mariage, au-dessus du littoral méditerranéen. Si l’époque du message dans les cieux a du plomb dans l’aile, la relève est déjà assurée, directement au milieu des vagues cette fois ci.
Notre bateau est sorti, pour la première fois ce weekend. Et ce, entre Théoule-sur-Mer et Juan-les-Pins, au large des bouées matérialisant la zone de baignade. Il a sillonné les flots en passant par Cannes, Golfe-Juan, Antibes et Juan-les-Pins avec un écran à led suffisamment grand pour être vu depuis la plage.
En Chine et aux Etats Unis, le support hante les lieux de villégiatures de masse depuis déjà belle lurette mais, sur la Côte d’Azur, il a fallu attendre ce samedi 22 mai et le long weekend de la Pentecôte pour découvrir cette nouvelle manière d’alpaguer, quelques instants de l’attention des consommateurs potentiels à l’esprit détendu, alanguis sur les plages.
Si, selon son directeur, de nombreux appels arrivent, depuis, au siège de la société pour demander des renseignements tarifaires, sur les réseaux sociaux cannois, certains ne se sont pas gênés pour dire tout le mal qu’ils pensent du procédé :
- Pollution visuelle, écrit celui-ci.
- Il ne manquait plus que ça ! enchaîne celle-là.
- A quand le gabian publicitaire et la mouette crieuse ? ironise cet autre.
Pour Jean-Pierre Nevoret, le bateau qui est toujours en déplacement n’est pas une pollution visuelle puisqu’il n’est pas fixe. Il explique : "De 10h à 18h, il navigue à trois nœuds soit à peu près à 5 km/h. Le temps est calculé pour diffuser, en boucle, entre trente à quarante spots de 10 à 15 secondes chacune. Le bateau passe devant une plage en huit minutes."
Vocation écologique
Pour l'entrepreneur, ce catamaran de quatre mètres de large, spécialement conçu à cet usage est une solution d’avenir : « Notre bateau a été construit en 2019 avec, dès le départ, l’idée de faire des franchises avec la Corse ou des pays comme Israël, l’Espagne et les Emirats arabes unis que nous avons démarché. Sur le littoral méditerranéen nous avons contacté toutes les communes du Var et des Alpes Maritimes. Dès sa mise à l’eau, Fréjus, s’y est intéressé et nous avons initié quelques activités dans le port, le soir de la fête de la musique ou lors d’une soirée cinéma pour promouvoir la mer. L’année 2020 a été difficile pour notre société mais tout s’arrange car nous ne visons pas que des annonceurs. Le bateau peut être privatisé comme aujourd’hui où il est réservé par un groupe de rappeurs de Marseille qui tournent leur clip vidéo. C’est un media interactif et nous faisons aussi des alertes méduses par exemple, des annonces autoroutières ou des informations COVID. »
Quand on lui oppose la pollution marine, Jean-Pierre Nevoret explique que si ce premier bateau fonctionne avec de l’essence, il est déjà prévu que le second soit tout électrique.
Entre les flotteurs du catamaran il y a de grands filets tractés qui ramassent les déchets sur plus de 6 millions de m2 tous les mois. Ça en fait un media écologique.
Avis très défavorable à Cannes
La mairie de Cannes est loin de partager la même opinion : « Lorsque la Préfecture maritime nous a demandé, en avril 2020, ce que nous en pensions, explique le directeur de cabinet du premier magistrat cannois, Thierry Migoule, nous avons émis un avis très défavorable."
Son argumentaire est clair : "D’abord, parce que ça enlaidi le paysage, à proximité de la Croisette et du littoral avec les îles de Lérins. Ensuite, parce qu’il va très vite y avoir un problème de sécurité puisque nous avons, en saison estivale, des sports tractés, dans la baie de Cannes, qui vont au-delà de la bande des 300 mètres. Par ailleurs nous trouvons incongru que la loi impose des contraintes importantes en matière de publicité sur le côté terrestre alors qu’on autoriserait ce que l’on veut au large. Il y a deux poids deux mesures. »
Du côté de la Préfecture maritime de la Méditerranée, le point de vue est un peu similaire quoiqu’a plus vaste échelle. La capitaine de vaisseau, Christine Ribbe, porte-parole du préfet maritime explique que sur les 43 communes contactées par la Préfecture maritime seules 2 se sont déclarées favorables : Fréjus et Saint Mandrier. « Les communes ne sont pas compétentes au-delà de la zone des 300 mètres. C’est nous qui prenons la main et, outre la pollution visuelle, nous craignons que l’espace de liberté qu’est la mer se transforme en espace de publicité. Le problème est qu’il n’y a pas de règlementation suffisante au niveau nationale pour interdire ce dispositif de bateau de publicité maritime."
"N’est pas interdit mais qu’en sera-t-il demain ?"
La Préfecture maritime de la Méditerranée s’est rapprochée du Ministère de l’Environnement dans le cadre de ses travaux sur la loi climat et résilience afin qu’il puisse mettre en place une base juridique par le biais d’une réglementation.
La capitaine de vaisseau, Christine Ribbe est claire : « En l’état actuel des choses, ce genre de dispositif n’est pas interdit mais qu’en sera-t-il demain ? »
La mairie de Cannes a l’intention de saisir à nouveau la Préfecture maritime et lui demander de prendre les mesures qui s’imposent.
En 2019, David Lisnard avait déjà officiellement demandé à l’Etat que les maires puissent avoir compétence sur leur baie.
Depuis le weekend dernier, la société Boatcom réceptionne plusieurs demandes de particuliers qui souhaitent faire leur demande en mariage via le media marin.
Pas certain que la lune de miel soit au programme du catamaran à pub et des villes azuréennes du littoral.