Coronavirus dans un Ehpad de Mougins : 38 personnes décédées depuis le début de l'épidémie

A ce jour, 38 personnes sont décédées dans l'Ehpad La Riviera à Mougins des suites d'une suspicion de Covid-19. Dix plaintes ont été déposées.

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Ce jeudi 30 avril, le bilan est donc de 38 morts à l'Ehpad le Riviera à Mougins. Un terrible décompte dans cette maison de retraite au dessus de Cannes. Près d'un résident sur trois est donc décédé d'une suspicion du Covid-19 depuis la mi-mars dans cet établissement du groupe Korian,  qui comptait 109 résidents avant le début de l'épidémie.

Des tests pour tous

Le 9 avril dernier, le bilan des tests effectués sur les pensionnaires de l'Ehpad de Mougins a été révélé par la direction.
Sur les 75 résidents encore présents, 33 tests sont positifs, 19 autres "non conclusifs" et 23 sont négatifs.
Pour 19 personnes, le doute sur la présence du virus devait être levé grâce à un nouveau prélèvement.
Trois secteurs distincts ont été mis en place dans différentes ailes de la maison de retraite, un pour les résidents testés négatifs, un pour les résidents testés positifs et symptomatiques, un pour les résidents testés positifs mais asymptomatiques et pour les résidents testé inconclusifs. Chacun a son personnel dédié.
Les familles des pensionnaires testés négatifs sont désemparées et inquiètes. La mère de Michèle Cauquil a 91 ans. Sa fille aimerait qu'elle puisse quitter le bâtiment.
L’Agence régionale de santé (ARS) a ouvert une enquête pour déterminer la cause des décès et confirme qu'ils sont liés à l'épidémie de coronavirus.
 


Les 14 soignants positifs aussi

En première ligne face à l’épidémie, les 50 soignants de l’établissement ont été testés au coronavirus ce samedi 4 avril. 14 sont positifs et restent désormais chez eux, le temps de guérir de la maladie. 

Pour faire face au manque de personnel, l’établissement a fait appel à la réserve sanitaire et transmit ses besoins sur la plateforme de l'ARS renfort Covid-19.

Une infirmière de l’Ehpad, qui a souhaité garder l’anonymat, dénonce des négligences dans la gestion de la crise par l’établissement.
« En 23 ans de diplôme, je n’ai jamais vécu ça. J’ai fait de l’humanitaire dans des pays où la peste et le choléra existent. Et là, je me suis retrouvée dans un Ehpad en 2020, où on était censé avoir des protections pour le personnel, mais on était démunis », explique-t-elle. L’infirmière affirme que le personnel médical fait son maximum pour prendre soin des résidents de l’Ehpad, mais n’a pas eu toutes les informations nécessaires dès le début de la crise.

Il y a rapidement eu un effet de panique chez le personnel soignant. On ne savait pas vraiment ce qu’il fallait utiliser, quelles étaient les consignes pour se protéger concernant les masques, les blouses …

Elle affirme également que les troubles cognitifs de certains résidents ne permettent pas toujours le confinement de rigueur. « Ils sont désorientés, ils ne comprennent pas pourquoi ils doivent rester enfermés.  J’en ai vu certains déambuler dans les chambres de ceux qui étaient malades. »

L'infirmière affirme également qu'elle a vu les couches souillées des résidents jetées dans la poubelle des ordures ménagères, « alors que le Covid-19 est présent dans les excréments. Ces couches devraient être traitées comme des déchets à risque infectieux, il y a un véritable danger de contamination », assure-t-elle.

Antoine Ruplinger, directeur régional du groupe Korian, nie les accusations.

Le mode de transmission de ce virus est le même que celui de la grippe annuelle. Toutes nos équipes sont donc habituées à suivre les protocoles pour se protéger et éviter la contamination.

Le groupe Korian n’explique pas le nombre élevé de décès dans cet Ehpad. « Mais au vu de l’explosion épidémique, on peut penser que le virus était là depuis un moment et que la contamination s’est faite bien avant, d’où la situation que nous vivons malheureusement aujourd’hui », précise Antoine Ruplinger.

Interview de Romain Alexandre, délégué départemental de l'Agence régionale de santé, mardi 31 mars, lorsque le bilan s'élevait à 19 décès :Les familles des victimes sont sous le choc depuis l'annonce de cette série de décès.

C’est terrible, confie la fille d’une résidente de 94 ans qui a perdu la vie. On a appris la catastrophe dans le journal.

« On a téléphoné à la maison de retraite hier vers 17 heures, on nous a dit qu’elle allait bien et ce matin, ils nous ont appelés pour nous dire qu’elle était décédée hier à 22 heures. On est sonné, on ne comprend pas … » ajoute-t-elle.

Le petit-fils de la victime est en colère d’avoir appris ce qui se passait dans la presse, et de ne pas avoir été averti par l’établissement de l’état de santé de sa grand-mère, qu’il imagine avoir été malade ces derniers jours.

Je suis très triste, absolument choqué et déterminé à ne pas me laisser faire, confie-t-il.

« Depuis 1 an et demi qu’elle vivait ici, on allait la voir presque tous les jours. Depuis qu’elle est confinée, on ne peut même pas l’avoir au téléphone. »

On laisse mourir nos anciens seuls, sans informer les familles. D’accord nous vivons une crise sanitaire, mais on ne peut pas négliger le côté humain !

La famille de cette résidente de 94 ans affirme qu’elle va intenter une action contre le groupe Korian.
 

De son côté, l'établissement affirme que le premier cas de Covid-19 ayant été détecté le 15 mars à 23h30, toutes les familles ont été prévenues par téléphone dès le lendemain. Le porte-parole de l'Ehpad assure également que le personnel met tout en oeuvre pour protéger la centaine de résidents. Ils utilisent des masques, des gants, des sur-blouses et les patients sont en confinement individuel dans leur chambre.

Une ligne téléphonique a également été mise en place pour soutenir psychologiquement les soignants, notamment dans la culpabilité d’avoir pu contaminer les résidents.

Dix plaintes


Dès la réception d'une plainte le 2 avril dernier, le parquet de Grasse a ouvert une enquête préliminaire pour homicides involontaires et omission de porter secours à personnes en péril.
Au total, dix plaintes ont été déposées, dont une par la mairie de Mougins le 14 avril, et une plainte collective concernant 4 familles.

Selon Me Fabien Arakelian, qui représente plusieurs familles, la dixième plaine, déposée mercredi 29 avril, concerne une résidente de 85 ans décédée le 26 mars. Selon l'avocat interrogé par l'AFP, les plaignants indiquent notamment ne pas avoir été "tenus informés de la dégradation de l'état de santé" de leur parente et n'avoir appris que le 3 avril, le jour de sa crémation, que son certificat de décès portait la mention "suspicion de Covid-19".

Trois services d'enquête sont saisis : la brigade de recherches de Cannes, la section de recherche de Marseille et l'Office central de lutte
contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique.


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