Durant ce 75e Festival de Cannes, la rédaction de France 3 Côte d'Azur vous propose d'évoquer les long-métrages en faisant une pause sur la 75e minute des films. Projeté ce 23 mai, « Crimes of the future » de David Cronenberg avec Léa Seydoux, Viggo Mortensen et Kristen Stewart.
Une pièce aux murs décrépis, deux hommes et une femme. Ou plutôt un couple et un homme qui les reçoit. A la 75e minute ce dernier ouvre un congélateur, à l’intérieur, un cadavre, que l’on ne voit pas tout de suite. Mais on l’imagine car on sait qui est étendu, mort, dans ce congélateur.
Frissons. C’est un enfant. On l’a vu au tout début du film jouant sur la plage, et quelques minutes plus tard étouffé par sa mère. Le petit garçon se nourrissait de plastique.
Pour sa mère, ce n’était pas un être humain, c’était un monstre. Bienvenu dans l’univers fantasmagorique de David Cronenberg. Le couple est venu évaluer le cadavre en vue d’une autopsie.
Mais attention, une autopsie artistique. Nous sommes dans un futur plus ou moins proche. Les hommes mutent, à force de jouer aux apprentis sorciers. Les artistes eux se réinventent. Leurs performances sont basées sur la mutilation, mais ils vont plus loin dans l’expérimentation sur leurs corps.
Ils s’inoculent des cancers, regardent croitre leurs tumeurs, et se font tatouer leurs organes.
Le public les regarde souffrir, voyeur abject d’une douleur visiblement jouissive. On nage en plein cauchemar, mais qui sait si notre avenir ne ressemblera pas un jour à cela ?
Le cinéaste nous invite bien sûr à la réflexion sur l’art et sur notre triste propension à nous auto détruire. Dans le rôle de l’artiste jusqu’au boutiste un Viggo Mortensen presque christique, prêt à sacrifier et scarifier chaque parcelle de son corps martyrisé.
Autour de lui, des hommes et des femmes, plus ou moins bienveillants comme sa muse incarnée par Léa Seydoux, ou cette étrange « responsable de l’enregistrement des organes » interprétée par Kristen Stewart.
Beaucoup de personnages improbables, dans une ville qui l’est tout autant, à moitié détruite, comme si la guerre consumait petit à petit tout ce qu’il reste d’humanité…
Avant, pendant et après la 75e minute.
Tout savoir sur ce film
Le Canadien David Cronenberg fouille les corps et les âmes depuis un demi-siècle dans des films cathartiques tournés comme des cauchemars, où s'exprime une violence refoulée faite de sexualité déviante et de technologie dévorante.
Toujours avant-gardiste, lui qui présente ici un film sur les organes vitaux en tant qu'oeuvres d'art, a déjà montré l'exemple en mettant aux enchères un NFT d'une photo de ses calculs rénaux il y a quelques semaines.
Un réalisateur à l'imagination sauvage. "J'ai une vie incroyablement non violente", se défend-il.
Il se dit déjà que les spectateurs devront attacher leur ceinture.
Le Canadien de 79 ans sait y faire : dès ses débuts en compétition en 1996, il faisait scandale, divisant la critique mais remportant un Prix spécial du jury, avec "Crash". Ce film tout de sexe, de violence et d'accidents de voiture a inspiré une certaine Julia Ducournau, Palme d'or 2021, pour "Titane".
Après huit ans d'absence, celui qui pensait en avoir fini avec la réalisation renoue avec la course à la Palme d'Or, avec ses thèmes de prédilection, le corps et ses métamorphoses.
"Je m'attends à ce que des spectateurs quittent la salle. Il y a des scènes très
impressionnantes", se délectait récemment Cronenberg dans la presse américaine.
"Un homme a même dit avoir presque fait une crise de panique", poursuivait le
réalisateur .
Ce cocktail gore et arty séduira-t-il le jury de cette 75e édition du festival, présidé par Vincent Lindon ?
Sortie en salles ce 25 mai.