Le réalisateur iranien primé Jafar Panahi, emprisonné à Téhéran depuis six mois, a entamé une grève de la faim pour protester contre les conditions de sa détention. La mobilisation mondiale pour la faire libérer est passé notamment par Cannes. On apprend ce vendredi soir, qu'il est libéré sous caution.
Les habitués du Festival de Cannes gardent en tête une image. Quand on évoque le cinéaste iranien Jafar Panahi, c'est sa chaise restée vide en conférence de presse en 2018 qui marque encore aujourd'hui les esprits. Il était alors assigné à résidence dans son pays après avoir été condamné pour "activités contre la sécurité nationale et propagande contre le régime". Et donc, n'était pas sur la Croisette.
Âgé de 62 ans, le réalisateur a depuis été arrêté en juillet dernier et a été contraint de purger une peine de six ans de prison prononcée en 2010 pour "propagande contre le système" de son pays.
Le 15 octobre, la Cour suprême a annulé la condamnation et ordonné un nouveau procès, laissant naître chez ses avocats un espoir de libération. En vain.
Ce vendredi soir, l'AFP a annoncé que le cinéaste avait été libéré sous caution après ces sept mois de prison.
Aujourd'hui, comme beaucoup de personnes piégées en Iran, je n'ai d'autre choix que de protester contre ce comportement inhumain avec ce que j'ai de plus cher : ma vie
Le réalisateur iranien Jafar Panahi.
Jafar Pahani reste détenu à la prison d'Evin à Téhéran. Selon une déclaration publiée jeudi par
sa femme et reprise par l'AFP, il a commencé une grève de la faim ce 1er février. "Je resterai dans cet état jusqu'à ce que, peut-être, mon corps sans vie soit libéré de prison" déclare le cinéaste.
Michèle Halberstadt, productrice, dont la société ARP Sélection distribue les films de Jafar Panahi, se dit "inquiète" ce jeudi 2 février sur franceinfo.
Cannes et Jafar Panahi
En 2011, le Festival de Cannes demandait déjà la libération du réalisateur.
En 1995, Jafar Panahi révélait son nom et son talent au Festival de Cannes avec « Le ballon blanc », son premier film récompensé par le prestigieux prix de la « Caméra d'or ».
Sur les réseaux sociaux, cette institution du cinéma "lui réaffirme tout son soutien en appelant, comme de nombreux artistes, festivals et organisations à travers le monde, à sa libération immédiate".
Lors de l'arrestation en juillet dernier le Festival redisait déjà dans un communiqué :
Le Festival de Cannes souhaite d’autre part réaffirmer son soutien à toutes celles et ceux à travers le monde, subissent violences et représailles. Le Festival reste et restera toujours refuge des artistes du monde entier et se mettra sans relâche à leur service afin de po haut et fort leurs voix, pour la défense des libertés de création et d’expression.
Le Festival de Cannes en juillet 2022.
Jafar Panahi a gagné un Lion d'or à la Mostra de Venise en 2000 pour son film "Le Cercle". En 2015, il a été récompensé d'un Ours d'or à Berlin pour "Taxi Téhéran" et, en 2018, il a remporté le prix du meilleur scénario pour "Trois Visages" au Festival de Cannes.
Son dernier film "Aucun Ours", qui, comme la plupart de ses oeuvres récentes, le met directement en scène, a été projeté en 2022 à la Mostra de Venise alors qu'il était déjà emprisonné. Le film a remporté le prix spécial du jury.
"Aucun ours" est son 10e film :
Son arrestation en juillet est intervenue après qu'il avait assisté à l'audience au tribunal d'un autre réalisateur, Mohammad Rasoulof, interpellé quelques jours auparavant.
Ce dernier a été libéré de prison le 7 janvier après avoir bénéficié d'une permission de deux semaines pour raisons de santé.
Le courant de soutien à Panahi a notamment pris la forme d'un mot clef : #FreeJafarPanahi.
En décembre, le Festival de Cannes avait aussi demandé la libération de l'actrice iranienne Taraneh Alidoosti, arrêtée pour avoir exprimé sa solidarité avec le mouvement de contestation en Iran. Elle occupait le rôle principal du film "Leila et ses frères" en compétition pour la Palme d'or en mai dernier.
