Jean-Luc Godard est mort à l'âge de 91 ans : un habitué des coups d'éclat au Festival de Cannes

Le cinéaste, l'une des figures de proue de la Nouvelle Vague, est mort à l'âge de 91 ans. "A bout de souffle", Mai 68, "Sauve qui peut", la tarte à la crème : revivez ces moments mémorables au Festival de Cannes avec qui il entretenait une histoire teintée d'amour et de haine.

Jean-Luc Godard, a qui l'on doit notamment A bout de souffle, Le mépris ou encore Pierrot le fou, est mort à l’âge de 91 ans, a-t-on appris ce mardi 13 septembre selon une information d'abord publiée dans le journal Libération

Avec ce monstre du 7e art s’envole tout un pan du cinéma français.

L'artiste, qui souffrait de "multiples pathologies invalidantes" selon l'AFP a eu recours à l'assistance au suicide. Interrogé sur la mort en 2014 par la télévision suisse RTS, le cinéaste s'était déclaré "pas anxieux de poursuivre à toute force", et s'était dit disposé à recourir au suicide assisté, qui est possible en Suisse, s'il était "trop malade".

Après la disparition de François Truffaut, Jacques Rivette, Claude Chabrol, Éric Rohmer, Jean-Luc Godard était l'une des dernières grandes figures de la Nouvelle Vague. Comme eux, il avait débuté comme critique de cinéma dans les années 50 avant de passer derrière la caméra en 1954 avec Opération béton, un court métrage documentaire suisse sur la construction du barrage de la Grande-Dixence.

Cinq ans plus tard, il signe A bout de souffle, film iconique de la Nouvelle Vague qui révèle Jean-Paul Belmondo, dans le rôle d'un voyou, et Jean Seberg, une jeune étudiante américaine dont il s'éprend.

Dans cette œuvre, la musique, qui ne fait qu'un avec les bruits de la rue, offre un discours parallèle à celui amené par l'image. Avec cette bande originale et cette double narration, Godard bouscule et réinvente les codes de l'écriture cinématographique de l'époque.

"A bout de souffle", une première déception 

Comme les plus grandes histoires d’amour, son histoire avec Cannes débute sur une discorde.

Nous sommes en 1960. Dans le cinéma, le concept de Nouvelle Vague, porté notamment par François Truffaut et Jean-Luc Godard, est encore flou. Le jeune réalisateur franco-suisse arrive à Cannes avec justement ce premier long-métrage A bout de souffle. Un film qui pose les fondations de l’école de la Nouvelle Vague.

Pourtant, le Festival de Cannes ne lui fera pas de place au sein de la sélection officielle. La mythique histoire de Michel et Patricia sera projetée dans une petite salle de la rue d’Antibes.

Interrogé par le journaliste François Chalais au sujet de son absence de la sélection, Godard répondra :"Ça m’aurait fait plaisir d'être sélectionné mais parce que ça m’aurait fait une chambre à l’œil". 

La révolte de 68 au Palais des Festivals

La fièvre contestataire touche le Festival de Cannes, en mai 68 comme l'ensemble de la France. Alors que le pays est en grève, Jean-Luc Godard, Roman Polanski, François Truffaut et Louis Malle mènent des débats passionnés, enfermés dans le Palais des Festivals, pour répondre à la question : faut-il arrêter le festival ?

Aux côtés de François Truffaut, Godard prend la tête de la révolte pour exiger l'arrêt de la compétition par solidarité avec le mouvement étudiant et ouvrier.

Je vous parle solidarité avec les étudiants et les ouvriers, et vous me parlez travelling et gros plan !

 Les mots que Godard hurle alors installé dans le palais des Festivals afin d’empêcher la projection de Peppermint frappé de Carlos Saura, réalisateur complice qui s'accrochera aux rideaux de la salle afin d’entraver la diffusion de son propre film.

"Ils dépêchèrent, entre autres, pour provoquer le trouble et l'arrêt de la compétition, Jean-Luc Godard qui, toujours fidèle à lui-même, démontre qu'un Helvète anarchiste peut être parfois plus sectaire et plus fanatique encore qu'un moine défroqué", peut-on lire dans le compte-rendu moral du Festival de Cannes de 1968 rédigé par Robert Favre Le Bret, directeur du festival à l'époque.

Le 19 mai, le festival sera finalement annulé.

Première sélection en 1980

Dans les années 70, et après plusieurs tentatives de suicide, Jean-Luc Godard pose ses bagages à Grenoble. L’homme y découvre alors une passion pour la vidéo. En 1980, le cinéaste fait son grand retour dans le cinéma commercial avec Sauve qui peut (la vie), qui le propulse en compétition officielle à Cannes.

La caméra de Godard se concentre sur trois personnages écrasés par la société. D’un côté, Denise Rimbaud (Nathalie Baye) quitte Paul Godard (Jacques Dutronc) avec qui elle travaille à la télé.

Elle décide de partir de la ville pour s’occuper d’animaux à la campagne.

Paul, lui, est coincé entre son ex-épouse et sa fille en ville, et son ex-compagne partie pour vivre à la montagne. Isabelle Rivière (Isabelle Huppert) quant à elle est une prostituée venue de la campagne pour s’installer en ville.

Vacillants constamment entre rupture et départ, les trois personnages n’ont pour autant pas grand-chose en commun et pourtant, les fils tirés par chacun des personnages finissent par les lier. Si Jean-Luc Godard décroche sa première nomination en compétition officielle avec ce long-métrage, Sauve qui peut ne suffira pas à convaincre le jury pour la Palme d’Or.

L'épisode de la tarte à la crème

Après Passion, le réalisateur retente sa chance sur la Croisette en 1985 avec Détective, film au casting cinq étoiles dans lequel on retrouve notamment Johnny Hallyday. Alors qu’il se rend à sa propre projection, Noël Godin bondit et lui lance une tarte à la crème en plein visage.

La raison ?

L’entarteur belge, considéré comme un agitateur anarcho-humoristique, avait l’habitude de s’en prendre à différentes personnalités dont il voulait en quelque sorte désacraliser l’image. Il aurait également été motivé par le film Je vous salue, Marie qu'il estime être une apologie de l'Eglise.

Jean-Luc Godard, loin d’être énervé, se léchera les doigts et verra cet incident comme “un rappel au cinéma muet”. Il refusera de porter plainte et ira jusqu'à convaincre la direction de lever l’interdiction à vie du Festival de Cannes visant le plaisantin belge.

Déserteur du tapis rouge depuis 2004

En 2004, Jean-Luc Godard revient sur la Côte d’Azur pour présenter hors compétition Notre Musique. Avec ses 28 700 entrées, cette dernière création rencontre très peu de succès à l’époque. Le franco-suisse n’y retournera pas, et cela même quand son film Adieu au langage est présenté en sélection officielle en 2014. 

Quatre ans plus tard, les projecteurs se braquent de nouveau sur un Godard toujours absent du tapis rouge. Alors qu’il est en sélection officielle avec Le livre d'image, il daigne participer à une conférence de presse à distance enregistrée à travers l’application FaceTime.

Une Palme d'Or "spéciale" lui sera décernée pour ce film.

Une nomination et une récompense particulièrement symboliques, 50 ans après le Festival interrompu de mai 1968.

"JLG" aura d'ailleurs aussi l'honneur de l'affiche de ce 71e Festival de Cannes, avec un baiser entre Jean-Paul Belmondo et Anna Karina dans Pierrot le fou, son film culte de 1965.

"Picasso du Cinéma"

"Et Godard créa le Mépris et c’est à bout de souffle qu’il a rejoint le firmament des derniers grands créateurs d’étoiles...", a poétiquement tweeté Brigitte Bardot ce mardi 13 septembre.

Son tweet s'accompagne d'une photo tirée du tournage Le Mépris, dans lequel elle campe l'un de ses plus grands rôles.

"Godard emporte avec lui un certain âge d’or du cinéma français, celui de la Nouvelle Vague qui sublima Bardot, Karina, Belmondo. Parmi ses chefs d’œuvre : à bout de souffle" écrit de son côté David Lisnard, maire de Cannes.

"Ce fut comme une apparition dans le cinéma français. Puis il en devint un maître. Jean-Luc Godard, le plus iconoclaste des cinéastes de la Nouvelle Vague, avait inventé un art résolument moderne, intensément libre. Nous perdons un trésor national, un regard de génie" a salué de son côté le Président Emmanuel Macron.

"Jean-Luc Godard, c’est le Picasso du cinéma. Avec ses intuitions et ses fulgurances. En avance sur son temps, il a joué avec les mots les images les sons les couleurs. Il improvisait des films-jalons, obscurs et séduisants.  Le cinéma mondial est orphelin", a réagit l'ancien président du Festival de Cannes Gilles Jacob sur son compte Twitter.

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité