"Les feux d'artifice racontent des histoires" : quatre questions au prix Goncourt Jean-Baptiste Andrea, président du jury du Festival d'art pyrotechnique de Cannes

Il a remporté le prix Goncourt 2023. L'écrivain Jean-Baptiste Andrea, cannois, endosse cet été le rôle de président du jury du Festival d'art pyrotechnique. Avec les quatre autres jurés, il devra départager les cinq feux d'artifice en compétition, tirés par des compagnies parmi les meilleures au monde.

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Qu'avez-vous ressenti lorsque vous avez été choisi comme président du jury ?

Jean-Baptiste Andrea : "J'ai été très honoré en tant que Cannois et en tant que spectateur habituel des feux d'artifice. Je me suis rappelé qu'il y avait une grande scène de feux d'artifice dans mon dernier livre, j'ai donc trouvé qu'il y avait de la magie dans cette proposition !

C'est un hasard total : la famille Ruggieri, des frères italiens venus de Bologne au XVIIe siècle à la cour de Louis XIV et qui ont fondé cette dynastie d'artificiers, ont également été partenaires des premières années du Festival d'art pyrotechnique de Cannes, ici, à partir de 1967. Ma scène se déroule en 1922 : j'ai fait venir cette grande famille italienne d'artificiers dans mon livre, c'est une coïncidence absolue ! J'adore ces coïncidences, j'adore cette magie, ces recoupements, ça m'a beaucoup plu ! Ça m'a plu qu'il y ait cette longue histoire du festival, ce n'est pas un épiphénomène. C'est un des très grands festivals de feux d'artifice du monde, c'est cannois, donc j'étais très fier !"

Vous aussi, vous avez été désigné prix Goncourt par un jury... Quand vous êtes passé de l'autre côté de la barrière, est-ce que votre regard a changé ?

Jean-Baptiste Andrea : "Oui, ça change le regard, d'abord parce qu'on a une formation technique par le régisseur du festival. On apprend à regarder les choses différemment, à s'intéresser à l'envers du décor, aux mains dans le cambouis, à la technique. Mais on les regarde quand même fondamentalement en spectateur. On essaie de ne pas perdre ce plaisir-là. On reste des spectateurs et des enfants émerveillés, c'est la position idéale pour regarder un feu d'artifice."

Selon vous qui êtes romancier, y a-t-il une écriture pyrotechnique ?

Jean-Baptiste Andrea : "Oui, tout à fait ! Je ne crois pas que le parallèle avec les romans soit difficile à faire, au contraire ! Il y a une construction, une narration. Pour moi, toute manifestation artistique consiste à raconter une histoire. C'est ce que font les artificiers tous les soirs ici avec leurs fusées. Ce ne sont pas juste des couleurs qui sont balancées dans le ciel au hasard. Il y a d'autant plus une histoire qu'elle se coordonne, se synchronise avec une bande son : il y a même un côté chorégraphique, cinématographique. C'est ce qu'on recherche quand on juge : est-ce que la musique fonctionne ? Est-ce qu'elle s'intègre à la pyrotechnie ? Il y a tout ça à prendre en compte dans notre travail de jury."

Au final, sur quels critères allez-vous attribuer le prix, la Vestale ?

Jean-Baptiste Andrea : "Les critères, c'est comme dans toute forme d'art : on apprend des choses, et après, on s'en affranchit ! Nous, membres du jury, nous avons appris des choses sur certains critères de couleurs ou de synchronisation, mais nous avons aussi nos critères personnels que l'on amène. Au fond, une fois que tout ça est digéré, qu'est-ce qu'il reste... ? Est-on surpris positivement alors que certains critères ne sont pas respectés ? À l'inverse, est-ce qu'on s'aperçoit que finalement les critères sont importants ? Ça se vit chaque soir. Notre jugement se forge et change chaque soir."

"D'ailleurs, nous faisons tous l'effort de re-regarder en vidéo les feux qu'on a déjà vus pour éviter la prime au dernier qui passe ! Nous discutons tous les soirs de ce qu'on a vu la semaine précédente pour savoir ce qu'il reste de l'émotion. En veillant à toujours garder une place importante à l'émerveillement, à la surprise. Il y a plein de choses qui s'expliquent, et il y a des choses qui ne s'expliquent pas ! Et on ne sait pas ce qui va en ressortir. C'est ça qui est bien !"

Entretien réalisé par Henri Migout, journaliste à France 3 Côte d'Azur.

La compétition se poursuivra encore les 7 et 15 août. La clôture du festival aura lieu le 24 août, jour du 80ᵉ anniversaire de la libération de Cannes, avec un feu hors compétition.

Les spectateurs peuvent, eux aussi, participer en attribuant le Prix du Public. Il faut pour cela se connecter au site du Festival d'art pyrotechnique jusqu'au 22 août.

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