On le dit et le redit, le secteur du jeu de société ne s'est jamais aussi bien porté. Effet heureux du confinement, les Français ont redécouvert le plaisir de joueur en famille, entre amis et même en solo. Comment le secteur se prépare pour la suite ? Nous avons posé la question aux professionnels à l'occasion du Festival international des jeux qui se tient à Cannes.
1 200 nouveaux jeux de société sortent chaque année sur le marché français. Ce chiffre, mis en avant par le Festival international des jeux de Cannes, est un indice de la bonne santé du secteur.
Alors que ce rassemblement se déroule à Cannes jusqu'à ce dimanche 27 février, on fait le point avec les professionnels du monde ludique sur cette bonne dynamique et les enjeux à venir.
Effet Covid
À force d'être enfermés chez eux, devant leurs écrans d'ordinateur (télétravail et cours en distanciel obligent), les Français ont redécouvert le plaisir d'une bonne partie.
Pour répondre à la demande croissante, le secteur a dû s'adapter aux contraintes de la pandémie.
Pour Catch Up Game, maison d'édition lyonnaise, le premier confinement a été source de quelques sueurs froides. Leur nouveau jeu, sorti alors que les magasins étaient fermés a fait un flop.
Ce n'est pas la seule explication, mais pour le jeu de société, nous travaillons sur un cycle très court. La vente d'un jeu se joue sur les premières semaines de sa sortie
résume Sébastien Khim.
L'arrivée de nouveaux clients et la mise en place du click and collect par les magasins a finalement favorisé la bonne dynamique des ventes.
"Quelques jours après le début du deuxième confinement, un de nos jeux est sorti et il a bien marché".
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Une bonne dynamique depuis plusieurs années
Les Français se sont pris au jeu. Près de 20 millions de boîtes ont été vendues en 2021, indique le Festival international des jeux.
La crise sanitaire a été un coup d'accélérateur à une tendance qui s'observait depuis plusieurs années. Pour la maison d'édition d'Iello, située à Nancy (Meurthe-et-Moselle), le bilan est très bon.
"Notre maison d'édition enregistrait une progression régulière de 15-20 % tous les ans, indique Patrice Boulet, cofondateur de Iello. En 2020, la croissance a été de 30 % et en 2021 de 44 %."
Les nouveaux enjeux du monde post covid
Si la période du Covid a favorisé l'arrivée de nouveaux joueurs, les éditeurs doivent maintenant faire face à de nouveaux défis.
Le premier : la pénurie de matières premières.
Pénurie de papiers dans les usines allemandes, difficultés à trouver des conteneurs, il faut maintenant attendre jusqu'à 6 mois pour être réapprovisionné
calcule Patrice Boulet.
L'éditeur fait donc le pari de commander plus de boites, au risque de ne pas tout vendre. Il arrive aussi, en cas de succès, que les stocks ne suffisent pas. "On avait commandé 100 000 boites de The Crew: Mission Sous-Marine, mais tout a été vendu en trois mois."
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Un marché concurrentiel
Autre conséquence de la hausse du prix des matières premières, le prix des jeux à l'achat "Il y a un mouvement général d'augmentation du prix des jeux en ce moment, analyse Sébastien Khim. Mais on se demande jusqu'où on va pouvoir aller, jusqu'où le public va suivre."
Face à la forte demande et à la grande offre de jeux, les éditeurs doivent donc réussir à se différencier. "On va renforcer nos party games : des jeux facile à comprendre, qui durent moins de 10 minutes.", annonce Patrice Boulet.
Et un professionnalisation
Au fur et à mesure des années, le monde du jeu se professionnalise. Les noms des auteurs apparaissent dorénavant sur les boites, même si tous ne vivent pas de leurs créations.
Certains noms sont même célèbres comme l'allemand Klaus Teuber, auteur du jeu Catan, le britannique Alan Moon, auteur des Aventuriers du Rail, ou le français Antoine Bauza, auteur de 7 Wonders Architect , qui vient de remporter l'As d'or de l'année.
Les confinements ont permis l'émergence de nouveaux talents expliquent les éditeurs. "Les jeunes auteurs ont pu envoyer des prototypes assez poussés, constate Patrice Boulet. On vient justement de signer avec trois auteurs qui n'avaient jamais édité de jeux."
Espaces de jeux
Les jeux se font à la maison, mais aussi dans des lieux qui leur sont dédiés. Associations, ludothèques et bars à jeux, tous ont dû fermer pendant les confinements.
"Pour certaines ludothèques, dès leur réouverture, le public s'est précipité, constate Antonin Mérieux, de l'Association des ludothèques. Pour d'autres, c'est plus difficile de faire revenir les joueurs, qui ont pris de nouvelles habitudes."
"On a trouvé une solution pour faire revenir le public, précise Anne-Marie Chaminade, référente pour les Alpes-Maritimes. On organise des événements jeux à l'extérieur et ça marche très bien : les ludothèques ont toujours autant de succès."
Une confiance partagée par Jeremy-Jordan Mozin, vice-président de l'association Trolls de Jeux à Antibes "On a une croissance constante de 2-3 personnes chaque années et les habitués sont revenus depuis la réouverture."
Des lieux pour découvrir des nouveaux jeux, trouver des adversaires ou des alliés, qui profitent du Festival international du jeu pour recruter de nouveaux joueurs.