Baisser ou éteindre l'éclairage public, limiter la température des piscines, le chauffage des bâtiments et trouver des alternatives à l'électricité. Les communes des Alpes-Maritimes tentent de limiter l'envolée de leurs factures.
C'est beau une ville la nuit. Surtout avec toutes ses lumières ! Oui mais voilà, l'envolée des factures incite les communes à la sobriété. Le bon vieux slogan des années 70, la "chasse au gaspi" refait même surface.
A Paris, la Tour Eiffel disparaîtra dans l'obscurité avant minuit, au lieu d'une heure du matin. Une mesure symbolique.
Marseille a décidé l'extinction des feux à 23h30, et à 22h30 en hiver, pour ses 140 monuments, avec Notre-Dame-de-la-Garde pour seule exception.
Alors les lumières de la Croisette seront-elles éteintes la nuit ? Le Fort Carré d'Antibes sera-t-il toujours paré des couleurs du drapeau français ? Les Bouddhas en lévitation de la place Masséna à Nice resteront-ils illuminés ?
Ces questions agitent les élus des communes de la Côte d'Azur, peu importe leur couleur politique. Car les hausses de prix touchent tous les secteurs de l'énergie et donc toutes les infrastructures des services publics.
"Baisser la consommation nationale de 1 à 5 %"
L'hiver sera rude sur le front de l'énergie. "Le risque de tension" sur le réseau électrique cet hiver est "accru", mais reste "maîtrisable grâce à une forte mobilisation" en faveur d'économies d'énergie et de la sobriété. C'est le tableau brossé, ce mercredi 14 septembre, par RTE, le gestionnaire du réseau de transport d'électricité.
"Le risque de coupure ne peut pas être totalement exclu, mais il pourrait être évité en baissant la consommation nationale de 1 à 5 % dans la majorité des cas, et jusqu'à 15 % dans les situations météorologiques les plus extrêmes", a détaillé RTE.
Le gouvernement doit présenter les nouvelles modalités du bouclier tarifaire pour 2023.
Éclairage public
Face au risque de coupure de courant, à Cannes le maire a décidé de prendre le virage écologique à toute vitesse.
David Lisnard (LR) a une grande ambition écologique : que sa ville produise de l'électricité grâce à la mise en route d'un un grand plan photovoltaïque.
Cannes veut installer des panneaux photovoltaïques sur les toitures des bâtiments pour convertir les rayons du soleil en électricité. La ville dispose également de nombreuses surfaces adaptées pour des projets d’autoconsommation collective photovoltaïque. Ceux-ci consistent à partager la production d’électricité entre sites producteurs et sites consommateurs proches et reliés entre eux.
L'idée est de composer une première « grappe d’autoconsommation ».
Concrètement, début 2023, 178 modules photovoltaïques de 2 m2 chacun et 216 autres seront installés respectivement sur les toitures de la Maison des Services Publics de Ranguin et du groupe scolaire Frédéric Mistral. Coût de l'investissement municipal : 250 000 €.
L’énergie annuelle produite va permettre de répondre aux besoins de ces sites ainsi qu’à ceux de la crèche Les Elfes, de l’école Saint-Exupéry et du gymnase Ranguin. Un tiers de la consommation totale de ces bâtiments pourrait venir de la production électrique.
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Vers l'autosuffisance énergétique à Cannes
L’ agglomération Cannes Lérins souhaite même aller plus loin en s'engageant vers l’autosuffisance énergétique. Ce sont des projets innovants qui seront effectifs à plus long terme.
Hydrogène, biogaz, bornes électriques, déchets verts, récupération de l'énergie calorifique de la mer. Voici les différentes idées :
- la création d’une unité de production d’hydrogène vert pour alimenter notamment les bus du réseau Palm Bus et les véhicules urbains (camions-bennes, bateaux, hélicoptères). Ce projet est soutenu à hauteur de 8,4 millions d’euros par l’ADEME. Dès 2024, une station de production par électrolyseur sera opérationnelle.
- Le renouvellement de la flotte du transporteur intercommunal est en cours : 22 bus électriques sont en circulation depuis début 2021.
- 54 bus et 9 bennes de collecte d’ordures ménagères seront alimentés par de l’hydrogène vert d'ici 2033
- le déploiement d’une centrale de production d’énergie (biogaz) par la méthanisation des déchets ménagers
- l’installation de 57 bornes (WiiiZ) de recharges pour véhicules électriques sur le bassin cannois pour répondre à la demande croissante des usagers
- la production d’énergie à partir de déchets verts (centrale biomasse), pour le quartier de la Frayère, le stade Coubertin, la piscine du Grand Bleu et les bâtiments scolaires
- la réalisation d’une centrale de thalassothermie (récupération de l’énergie calorifique de la mer) en vue d’assurer une partie des besoins en chauffage et climatisation de bâtiments situés le long de la Croisette d’ici 2026
A Nice : "Pas plus de 19 degrés pour le chauffage"
A Nice, la métropole Nice Côte d'Azur a invité ce mercredi 14 septembre les maires des 51 communes pour réfléchir aux meilleures mesures et lancer un vaste plan de sobriété énergétique.
- La métropole s'engage sur une diminution de 10% des consommations d’énergie dès cet automne
Même si l'achat d'électricité pour la métropole est à prix bloqué, dans les rues, la métropole prévoit une extinction des feux à partir de 23h jusqu'à 5 heures du matin.
Les éclairages des façades et des musées de la ville et de la métropole seront éteints
Pour la Promenade des Anglais, l'extinction de l'éclairage public sera partiel (1 boule sur 3 candélabres).
Il sera total pour la voie Mathis, au secteur ouest de Nice comme Carros, Gattières, Saint Jeannet, La Gaude ou plus à l'est de Beaulieu, Villefranche sur mer, Eze, Colomars, Levens, La Roquette-sur-Var.
Richard Chemla, adjoint à l'environnement de la ville de Nice, a répondu à nos questions dans l'édition du 12/13.
"On va passer les 10 % avec une notion positive, (...) il n'y aura pas de fermeture de piscine", affirme l'adjoint.
Et cet hiver ? "Pas plus de 19 degrés pour le chauffage dans tous nos bâtiments, c'est possible", maintient Richard Chemla. Et pour inciter les particuliers, il ajoute : "on va déplafonner les aides pour les changements de chaudière, on va proposer un guichet unique pour les aides".
Et l'autonomie énergétique ? "Pour être autonome, c'est d'abord une réduction de tout ce qui est superflu, supprimer ce qui n'est pas nécessaire", explique l'élu.
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Christian Estrosi maire de Nice et président de la Métropolie Nice Côte d'Azur a annoncé des mesures concrètes pour un impact direct à court terme :
- Diminution des surfaces de locaux administratifs : 18.000 m² en moins en 3 ans
- 90% de véhicules électriques d’ici 2026 pour la flotte de la Métropole
Le maire veut accélérer le plan de rationalisation pour l'immobilier et les véhicules de Nice et la métropole. Ce plan était prévu sur 5 ans, il se fera sur deux ans. L'objectif est d'avoir 90 % de véhicules électriques d'ici 2026.
Des mesures pour baisser d’ici 2026 les consommations de 18% et porter la part d’énergies renouvelables à 18% :
- Développement des réseaux thermiques urbains sur l’ensemble de la Métropole
- Développement du solaire photovoltaïque pour augmenter de 110GWh/an d’ici 2026 avec la mise à disposition des surfaces et bâtiments publics pour des porteurs de projets privés.
- Un appel à manifestation d’intérêt sera lancé cet automne pour créer un écosystème solaire.
- Un outil cartographique en open data, est mis en ligne sur le site de la métropole pour visualiser le potentiel solaire des maisons et copropriétés de la Métropole.
Christian Estrosi demande au gouvernement de lever les freins administratifs et réglementaires autour de cette filière qui dissuadent les porteurs de projet.
- Relancer le sujet de l’hydroélectricité
- Renforcer la rénovation énergétique des bâtiments et des logements
- « C’est l’alpha et l’oméga de toute stratégie énergétique car tous les efforts seraient vains si nous continuons à vivre ou travailler dans des passoires thermiques. C’est un sujet écologique et économique, créateur d’emplois et de préservation du pouvoir d’achat ».
La Métropole va renforcer dès le prochain conseil métropolitain la puissance de frappe de ces dispositifs :
- Déplafonnement de l’aide de 4.000 € pour le financement des audits énergétiques
- Augmentation à 6.000 € de l’aide pour le remplacement des chaudières thermiques par des pompes à chaleur
- Lancement d’un dispositif de soutien à la rénovation énergétique des bâtiments doté de 1 million € par an
Puissance lumineuse réduite de 30 % à Antibes
A Antibes, on reste sur des mesures classiques.
Sur l’ensemble du réseau d’éclairage, la commune a choisi d’optimiser les heures d’allumage et d’extinction des luminaires à l’aide d’une horloge astronomique.
Le temps d’éclairage annuel baisse ainsi de 204 heures, passant de 4300 heures à 4096 heures.
Pour l'éclairage public, les lanternes à décharge, sont remplacées par des LED. Cela réduit la puissance installée et donc la consommation.
Une réduction de la puissance lumineuse de 30 % est aussi appliquée de 23h à 5h du matin.
Selon la mairie d'Antibes, cet éclairage économique permettrait d’assurer la sécurité des biens et des personnes. D'autres pistes sont actuellement à l'étude, elles seront annoncées prochainement.
Des piscines très énergivores
L'autre poste très énergivore concerne les piscines. La mairie de Toulon (Var) a prévu de baisser la température de l'eau de ses piscines de deux degrés, de 28°C à 26°C, "sauf pour une piscine qui accueille des maternelles et des bébés".
Toulon réfléchit également à des fermetures "ponctuelles" de ces établissements énergivores lors des vacances scolaires. A Menton (Alpes-Maritimes), on envisage aussi de baisser la température de l'eau des piscines.
A Menton, "nous rattrapons notre retard"
Sur France Bleu Azur, le maire de Menton, Yves Juhel (LR), assume un certain retard. Elle va équiper ses lampadaires d'ampoules à LED, moins énergivores. "Nous rattrapons notre retard, explique-t-il. Et donc nous changeons le type d'ampoules. Mais nous allons essayer d'aller plus loin. Nous allons réfléchir avec les commerçants comment baisser l'intensité des éclairages à 23h. Nous allons aussi au niveau de la mairie y réfléchir pour certains secteurs."
Prise en charge des abonnements de transport
Après l'éclairage et les piscines, l'autre poste de dépense gourmand en énergie, ce sont les transports publics. Philippe Tabarot, sénateur des Alpes-Maritimes a proposé une meilleure prise en charge des abonnements de transport.
Jusqu’à présent, les employeurs prenaient en charge 50% de l’abonnement de transport public de leurs salariés et disposaient, en retour, d’une exonération de cotisations et contributions sociales.
La loi de finance étend désormais cette exonération jusqu’à 75% de prise en charge de l’abonnement par l’employeur pour 2022 et 2023.
- Pour Cannes et son agglomération : sur un abonnement annuel de 360 euros, cela correspond à 90 euros d'économies pour le salarié.
- Pour Nice et sa métropole : sur un abonnement annuel de 326.50 euros, c'est 81 euros d'économies pour le salarié.
- Pour Antibes et son agglomération : sur un abonnement annuel de 200 euros, cela correspond à 50 euros d'économies.
Des économies bienvenues pour les consommateurs qui risquent voir leurs factures de gaz ou d'électricité s'envoler si le bouclier tarifaire est modifié ou abandonné.
Par exemple, en janvier 2023, si l'augmentation se situait autour de 15%, la dépense annuelle moyenne en électricité d'un ménage grimperait autour de 140 euros.