L'objet datant de l'époque hellénistique était exposé au Musée d'art classique de Mougins dans les Alpes-Maritimes depuis douze ans. Suspecté de provenir d'un trafic d'antiquités pillées, il a été retiré d'une vente qui se tient aux États-Unis mardi 30 janvier.
D'où provient la cuirasse en bronze romaine ?
La question est énigmatique depuis le discret retrait de l'objet d'une vente qui a lieu à New York (États-Unis) ce mardi 30 janvier. Il devait être vendu avec toute la collection du financier britannique Christian Levett, passionné d'art et d'archéologie, qui exposait depuis douze ans ses œuvres dans le Musée privé d'art classique qu'il a créé en 2008 à Mougins, dans les Alpes-Maritimes.
C'est ce que révèle le journal Le Monde, qui a mené l'enquête pour tenter de retracer le parcours de cette pièce datant de l'époque hellénistique (300 avec J-C).
La cuirasse en bronze romaine a eu plusieurs propriétaires. D'après Christos Tsirogiannis, archéologue grec en charge de la lutte contre le trafic d'antiquités auprès de l'Unesco, elle aurait appartenu à Gianfranco Becchina, un antiquaire sicilien installé en Suisse. Celui-ci s'en serait séparé en 1985 lors d'une vente chez la maison de vente aux enchères américaine Sotheby's, toujours selon Christos Tsirogiannis, sollicité par Le Monde. La cuirasse en bronze aurait alors été reprise par l'acheteur d'armes anciennes Axel Guttmann, avant que ce dernier ne la revende, enfin, à Christian Levett en 2010.
La cuirasse en bronze a-t-elle été pillée ?
Ces multiples reventes entre collectionneurs ne seraient pas un problème si la provenance de l'objet était connue. Sauf qu'elle ne l'est pas. Pis, le vendeur originel Gianfranco Becchina a été condamné en 2011 pour trafic d'objets pillés. Dès lors, une question se pose : "l’objet proviendrait-il d’un pillage, comme la grande majorité des objets ayant transité par le sulfureux marchand ?", s'interroge Le Monde, qui a recoupé plusieurs témoignages mettant en cause l'origine douteuse des pièces de l'escroc italien.
D'autant qu'en 1985, lorsque Gianfranco Becchina revend la cuirasse, "experts, conservateurs et collectionneurs concentrent leur attention sur l’authenticité des œuvres, en oubliant de se préoccuper de leur origine. Du pain bénit pour les trafiquants qui les mettent aux enchères sans être inquiétés. Les objets pillés repassent ainsi de main en main et acquièrent une virginité au gré des acheteurs successifs", écrit Le Monde.
"La maison de ventes et le collectionneur n’avaient apparemment pas fait toutes les recherches nécessaires", confie Christos Tsirogiannis au quotidien national.
"Difficile de trouver des objets avec des provenances acceptables"
De son côté, le collectionneur britannique Christian Levett, dernier acquéreur de la cuirasse en bronze romaine, s'est détourné de l'archéologie après un enchaînement d'expériences malheureuses ces dernières années.
En juin 2024, son Musée d'Art Classique de Mougins (MACM) rouvrira sous le nom de Femmes Artistes du Musée de Mougins (FAMM) et sera consacré aux artistes femmes en Europe.
Cela devenait difficile de trouver des objets avec des provenances acceptables
Christian Levett au Monde en 2023
Le musée proposait sur 400 m² une riche collection d'antiquités égyptiennes, grecques et romaines, d'arts moderne et contemporain. Sa collection reste visible en ligne durant les travaux.
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En ce qui concerne la cuirasse de bronze, la société de vente aux enchères Christie's, qui appartient au milliardaire français François Pinault, a expliqué au Monde l'avoir retirée de la vente de New York "dans le cadre de recherches de provenance en cours".
Pour l'instant, le mystère reste entier... Et nul ne sait ce qu'il adviendra de l'objet antique. Le musée, fermé pour travaux, n'est pas joignable.