Façonner la roche à l'image de soldats tombés pour la France, Victor Tuby sait faire. Non seulement car c'était un sculpteur émérite, mais aussi parce qu'il a connu les tranchées et terminé la Grande Guerre, décoré.
Le 11-Novembre est le jour de l'Armistice de 1918, celui du souvenir des combattants et des morts tombés pour la France. C'est aussi l'occasion de se remémorer les artisans, ces tailleurs de pierres, qui ont exécuté dans nos villes et villages les monuments aux morts auprès desquels nous nous recueillons aujourd'hui.
Engagé au combat
Victor Tuby répond à toutes ces catégories. Et bien d‘autres encore. Il est également peintre, félibre et biologiste. Descendant d’une famille installée en Provence depuis le XVIIIème siècle, il naît à Cannes-la-Bocca le 8 juin 1888, au « Castéou dou Fouéry ». Son père avocat est même conseiller municipal de la cité des festivals. Il serait même l’un des descendants de Jean-Baptiste Tuby, sculpteur de l’emblématique Char du Soleil qui baigne dans le bassin d'Apollon, devant le Grand Canal du palais de Versailles.
Victor Tuby effectue ses études à Cannes, à Stanislas, avant de rejoindre les Beaux-Arts de Paris qu’il quitte en 1912. Un début de carrière de courte durée car Tuby rejoint les rangs pour effectuer son service militaire à Aix-en-Provence. Il est ensuite mobilisé pour le premier conflit mondial en tant que sous-lieutenant, dès 1914.
Il devient lieutenant en 1915. C’est à cette période qu’il organise la défense de l'observatoire du Bois-le-Prêtre, en Moselle, face aux troupes allemandes, avec les 112e et 312e régiments d'infanterie. L'observatoire du Bois-le-Prêtre est vite surnommé par l’Etat-Major l’« Observatoire Tuby ». Conservée, cette position amène Victor Tuby vers le grade de capitaine. Il est gravement blessé et reçoit la Croix de Guerre, une décoration créée cette même année pour récompenser les soldats qui ont fait preuve d'une conduite exceptionnelle.
Cette décoration pour acte de bravoure sera notamment rappelée par une parution provençale en 1934, date à laquelle Victor Tuby est fait chevalier de la Légion d’honneur.
Gravé dans la roche
A son retour du front, Victor Tuby retrouve les arts, son exutoire. Il se porte volontaire pour la création de monuments aux morts dans sa région natale. Il réalise celui de Saint-Raphaël, Sainte-Maxime, Allos, mais aussi celui du Cannet, de Cannes-la-Bocca ainsi que le monument du Souvenir Français du Grand-Jas, là où il reposera après sa mort.
Son œuvre la plus monumentale sur la Côte d’Azur reste le monument pour centenaire de la naissance de Frédéric Mistral, l’écrivain et contributeur hors norme de la culture provençale et de la langue d’oc. Il est dévoilé à Cannes en 1930 et installé au sein de l’ancien square Brougham, aujourd’hui le square Mistral. L’écrivain y a été immortalisé par le sculpteur parmi six personnages, deux oliviers entourent l’installation. Le modèle féminin a été inspiré par Marcelle Mourgues, auteure de livres sur les danses provençales.
Provençal le Cannois !
Victor Tuby est membre du Félibrige, ce mouvement qu’il rencontre pendant son service militaire et fondé par Frédérique Mistral. Il devient un fervent défenseur de la cause provençale et un admirateur de son fondateur qu’il rencontre à Marseille. Parmi les nombreuses réalisations de Tuby en faveur de cette culture, il crée l’Académie provençale de Cannes en 1919, une école, « l’étoile de Lérins », organise surtout le congrès du Félibrige de 1922, à Cannes, et se trouve à l'origine de la réintroduction du costume provençal dans les processions.
Victor Tuby va créer aussi un musée, au Suquet, destiné à accueillir sa collection d’objets provençaux. Il fait l’acquisition d’un ancien moulin à huile du quartier Forville pour le transformer en temple provençal.
Un endroit qu’il est toujours possible de découvrir, où mobilier et outils d’époque sont visibles. Le musée est accessible tous les lundis après-midi et chaque premier samedi du mois. Des visites gratuites et commentées y sont même organisées par les membres de l’association du Moulin.
De quoi se replonger dans l'héritage d'un homme, Victor Tuby, et dans ces traditions provençales qu'il a longtemps permis de protéger. Le sculpteur cannois et ancien héros de guerre s'est éteint la dernière année de la Seconde Guerre mondiale, en 1945. Il est inhumé au Grand-Jas, à Cannes, non loin de son "Souvenir Français".