Ce coquillage endémique de la Méditerranée est au bord de l'extinction. Depuis 2016, un redoutable parasite a ravagé les populations de nacres à plus de 99%. Le film "Avant que la grande nacre meure" raconte la course contre la montre des scientifiques pour essayer d'enrayer cette catastrophe écologique.
La grande nacre de Méditerranée, ou Pinna nobilis, est le second plus grand coquillage au monde. Espèce sentinelle, elle est la parfaite illustration des menaces que le changement climatique fait peser sur la biodiversité de notre planète.
Exploitée depuis des siècles, la grande nacre a déjà manqué de s’éteindre une première fois il y a 50 ans en raison de la pression exponentielle des chalutages, des ancres de bateaux et surtout des aménagements à outrance du littoral. Depuis 1992, c’est une espèce protégée.
Mais voilà que ce noble coquillage méconnu est depuis quelques années la proie d’un parasite. Réveillé par le réchauffement de la mer ou introduit en Méditerranée, cet adversaire sournois et microscopique décime aujourd’hui les populations de nacres de manière foudroyante. Sur l’ensemble du bassin méditerranéen, la mortalité de l’espèce frôle les 100% !
Une véritable catastrophe écologique, qui entraîne la perte de centaines d’espèces associées.
Le plus grand spécialiste de la nacre, Nardo Vicente, en est convaincu. "Si la grande nacre disparaît, cela démontre que d’autres espèces vont disparaître, certaines espèces que l’on ne voit pas forcément, qui existent et qui constituent cette biodiversité méditerranéenne que l’on considère comme étant de 8 à 10% de la biodiversité de l’océan mondial."
La grande nacre est une espèce emblématique de la Méditerranée, c’est notre rhinocéros à nous.
Nardo Vicente, professeur émérite de biologie - Université Aix-Marseille
Une collaboration inédite
Le film de Caroline et Jérôme Espla relate comment l’alerte est donnée dès l’automne 2016 par des scientifiques espagnols : un mal mystérieux et fulgurant est en train de provoquer une hécatombe parmi les grandes nacres.
Très vite, une collaboration inédite se met en place entre biologistes marins. Jose Rafael Garcia-March, coordinateur scientifique à l'IMEDMAR (Institut de recherche en environnement et science marine – Université de Valence) se souvient : "dès le début, nous avons essayé de communiquer avec tous les autres pays, nous avons publié des rapports et contacté autant de collègues que possible pour leur dire de se préparer car ce qui se passait en Espagne allait se produire dans leur pays."
L'origine de cette mortalité massive est bientôt identifiée : le tueur de nacres est un parasite, jusque-là inconnu, que l’on va baptiser Haplosporidium pinnae.
A-t-il été introduit par les élevages de coquillages ou par les eaux de ballast des cargos, réveillé par le réchauffement de la mer ou la mutation d’un parasite déjà présent ? Son impact sur la nacre est en tout cas redoutable, l’eau qu’elle filtre étant la porte d’entrée de cet agent pathogène. "L’Haplosporidium renferme des spores qui sont toxiques. Elles entrent dans l’appareil digestif, déversent leur produit toxique et en 24 heures, la nacre est morte" résume Nardo Vicente.
Je ne pensais pas de ma vie voir vraiment une extinction d’espèce en temps réel, sous mes yeux, sans pouvoir faire quoi que ce soit.
Jean-François Dagenais, plongeur
Transporté par les courants marins d’ouest en est, le parasite va infester en 5 ans l’ensemble des populations de nacres, d’un bout à l’autre de la Méditerranée, jusqu’en Grèce et en Turquie. Une crise silencieuse qui avance à une vitesse phénoménale.
"Nous devons tout essayer"
En 2018, plusieurs laboratoires, espagnols, français, italiens et grecs, s’unissent et le projet européen Life pinnarca voit le jour : il va permettre aux scientifiques d’échanger leurs connaissances et d’en acquérir de nouvelles dans le but ultime d’empêcher l’extinction de la grande nacre.
Différentes études sont actuellement menées, explorant notamment les pistes immunitaires et génétiques. "C’est une situation vraiment importante et nous devons tout essayer, avec tous les outils que nous avons" insiste Francesca Carella, professeure associée de pathologie vétérinaire à l'Université de Naples.
Aujourd’hui, quelques nacres éparses subsistent dans des lagunes, en Corse, dans le sud de la France, mais aussi en Espagne. Le film révèle même, dans une séquence touchante, comment une petite miraculée a été découverte par un plongeur cassidain...
Ces rares poches de résistance sont l’unique lueur d’espoir des biologistes qui luttent ensemble pour parvenir à sauver l’espèce. Leur engagement est viscéral mais le temps ne joue pas en leur faveur. Une course contre la montre est désormais lancée avant que la grande nacre meure…
Avant que la grande nacre meure
Un film de 52 mn de Caroline et Jérôme Espla.
Une coproduction 13 Prods / Cinètica produccions avec la participation de France Télévisions et d’Ushuaïa TV.
Diffusion jeudi 15 juin 2023 à 23h40 sur France 3 Provence-Alpes-Côte d’Azur.