Ils proposaient des sorties en mer dans le but de nager avec les dauphins. Trois entrepreneurs et deux de leurs sociétés ont été condamnés pour la pratique de cette activité désormais interdite. Ils devront s'acquitter en tout de 26.700 euros d'amende et 4.500 euros de dommages et intérêt.
La décision rendue par le tribunal correctionnel de Grasse est la première jurisprudence en France sur ce sujet. C'est dire son importance.
Ce jeudi, le tribunal a reconnu coupables de "pratique commerciale trompeuse" et "perturbation volontaire d'espèce animale non domestiquée protégée" l'ensemble des prévenus poursuivis dans ce dossier :
- La société DOMTOM Sud-Est Outillage basée à Mandelieu-La Napoule et son responsable Thierry Pourrère ont été condamnés à un total de 13.500 euros d'amende.
- La société Exocet (Antibes) et son gérant Jean-Christophe Cane devront s'acquitter de 8.700 euros d'amende.
- Martial Fremont, qui comparaissait en nom propre, a lui été condamné à 4.500 euros d'amende.
Le tribunal n'a pas prononcé de prison avec sursis, contrairement à ce qu'avait requis le parquet lors de l'audience du 14 décembre 2022.
Il n'a pas non plus retenu la saisie des bateaux. Les entreprises pourront donc poursuivre leur activité en mer, pour peu qu'elles cessent leur activité illégale.
L'association France Nature Environnement qui s'était portée partie civile se verra attribuer 4 500 euros de dommages et intérêts. Par la voix de son avocate, elle se dit satisfaite de ce jugement :
Notre but était que ces entreprises soient reconnues coupables. Qu'il soit reconnu qu'on ne peut pas s'approcher à moins de 100 mètres des dauphins. Que cette activité cesse, et qu'on arrête de perturber ces espèces qui ont besoin de repos.
Isabelle Vergnoux, avocate de France Nature Environnement.
"Ces sociétés pratiquaient plusieurs sorties par jour, pendant 10 mois sur 12 !", s'insurge encore l'avocate.
"Ce sont les dauphins qui viennent vers les bateaux"
Les trois entrepreneurs condamnés ont un délai de 10 jours s'ils souhaitent faire appel de ce jugement. L'un d'entre eux, Martial Fremont, a réagi à la sortie du tribunal. Il estime cette condamnation injuste. "C'est une énorme hypocrisie de la part de ces associations qui se disent écologistes, et qui ne font rien pour les 12.000 dauphins pris dans les filets de pêche chaque année sur la façade atlantique. Nous, notre activité consistait à attendre que les dauphins s'approchent".
En 20 ans d'activité nous n'avons jamais touché et encore moins blessé un dauphin. Aucun d'entre eux n'a jamais été perturbé, j'en suis persuadé, sinon j'aurais changé de métier.
Martial Fremont, entrepreneur condamné
Pour 300 euros par personne, ces professionnels faisaient des sorties en mer qu'ils estimaient faire partie "d'un écotourisme responsable".
La justice française avait fait saisir leurs bateaux pour stopper cette activité de nage avec les cétacés.
Ce que dit la loi
Depuis un arrêté ministériel du 3 septembre 2020, entré en vigueur le 1er janvier 2021, "on n'a plus le droit de s'approcher à moins de 100 mètres d'un dauphin, encore moins de se jeter à l'eau avec un dauphin" dans les eaux méditerranéennes françaises, avait indiqué le parquet lors de l'audience. Après une première réunion d'information avec les trois opérateurs en décembre 2020, "nous avons constaté en février 2021 que l'activité était toujours proposée sur leur site internet", avait-il ajouté.
Pour leur défense, les trois entreprises regroupées dans un syndicat, le collectif des opérateurs marins azuréens et français (COMPA), avaient assuré qu'elles organisaient ces nages avec dauphins "dans les eaux internationales." Un argument balayé par le parquet. Selon ses investigations, "98% de ces activités se faisaient dans les eaux territoriales françaises."
Elles avaient déjà reçu plusieurs rappels à l'ordre. La loi s'applique dans l'ensemble de cette zone rouge, le sanctuaire Pelagos :
La Méditerranée abrite plus de 10.000 espèces. 21 sortes de cétacés sur les 87 recensées dans le monde ont été observées dans ses eaux et celles de la mer Noire. L'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), rappelle que la plupart sont "en danger". Outre les rencontres avec des touristes trop entreprenants, ces animaux risquent des collisions avec les navires, dans une mer concentrant 25% du trafic mondial.