Ce 21 octobre se tient l'hommage national à Samuel Paty, professeur d'histoire-géographie décapité en pleine rue à Conflans-Sainte-Honorine vendredi dernier. Face à l'horreur et l'incompréhension, les témoignages affluent.
"J'ai été choquée, j'ai pleuré et aujourd'hui mercredi, je suis encore bouleversée..." Pour Marie, professeure d'histoire-géographie dans un collège d'Antibes dans les Alpes-Maritimes, la mort de Samuel Paty, son homologue, est un vrai traumatisme.
Comme de nombreux collègues de la région, elle a défilé lors des premiers temps d'hommage le week-end dernier.
J'aimerais qu'au-delà de ces minutes de silence dans les classes prévues à la rentrée, nos hommages soient visibles. Il ne faut pas se limiter à des dates pour s'opposer à ces actes. J'ai peur que ce drame soit trop vite considéré comme un événement de plus, presque devenu banal...
Pour elle, il faut se servir de l'histoire, "notre métier c'est de développer l'esprit critique des jeunes. Leur donner la capacité à réfléchir... Ils seront ceux qui transmettront à leur tour les valeurs. Il faut qu'ils sachent argumenter et aient le courage de savoir s'opposer. Ce Monsieur en a avait le courage".
Son collègue Jean-Paul Cot de Nice, croit aussi que c'est "par le débat assuré par les enseignants, par les temps d'explications et la connaissance que l'on peut respecter l'autre."
Julie Therenty, est aussi professeur dans un collège. Durant cette période de vacances, elle réfléchit à l'approche qu'elle aura de ce drame avec ses élèves à Nice :
Comme elle le dit, il va falloir "qu'elle digère" la mort de l'enseignant de Conflans Saint Honorine avant de trouver les mots d'en parler "dans le calme, dans le respect de chacun et avec la sensibilité de chacun" :Cela me bouleverse que l'on puisse tuer quelqu'un parce qu'il à la vocation d'éduquer et de transmettre...
"Demain, j'ai cours. Demain matin, je serai seule face à mes élèves..."
Dimanche soir, une enseignante en IUT à Nice, nous a adressé ce message. Elle ne souhaite pas être filmé. Nous avons décidez de le publier dans son intégralité."Demain, j'ai cours. Demain matin, je serai seule face à mes élèves, devant ces grands gaillards, pas encore tout à fait adultes mais plus enfants qui font tous deux têtes de plus que moi. C'est la 1ère fois que j'ai ce blues du dimanche soir moi qui d'habitude vais au travail d'un pas léger. Je ne sais comment réagir face à mes étudiants : en parler ? Faire comme si de rien n'était ? Faire un blackout total ? Prétexter mon devoir de neutralité ? Je ne me vois pas ne pas répondre à leurs questions, s'il y en a.
Ce serait manquer à mon devoir car je suis là précisément pour ça : les élever en répondant à toutes leurs questions. Alors que faire ? Ce soir je vais avoir du mal a trouver le sommeil...comme chaque veille de rentrée, mais cette fois ci c'est une boule au ventre qui ne partira pas une fois la journée lancée car je suis consciente de devoir faire attention a tout ce que je dis.
"Je ne pensais pas risquer ma vie à chaque heure de cours"
C'était déjà le cas bien sûr, mais je ne pensais pas risquer ma vie à chaque heure de cours. Quelle ironie, demain j'anime un cours ayant pour thème l'argumentation. Comme je batis chaque cours pour mes élèves, je prends toujours un thème qui les fasse réagir, pour les rendre acteurs de leur apprentissage ; la théorie vient plus naturellement ainsi. Demain, pour ne prendre aucun risque, nous argumenteront à propos de l'obsolescence programmée. Un sujet fade a souhait, mais qui, je l'espère, aura la vertu de me laisser en vie. Mon mari aussi est inquiet, il a mon emploi du temps en tête et je sais que mon téléphone sonnera à 12h16 et a 18h01, il aura hâte de m'avoir en ligne pour savoir si ça va et me gardera au téléphone jusqu'à ce que j'atteigne ma voiture, au cas ou... Demain matin j'y penserai.Et si nous allons boire un verre en terrasse après ma journée avec mon mari et mes enfants nous aurons ça en tête aussi. Ce sentiment de peur ne me quittera donc pas de la journée, ni des suivantes. Pourtant ce travail je l'aime et je l'ai choisi, sur le tard mais mon engagement éducatif n'en a que plus de sens.Puis comme je travaille à Nice, lors de ma pause déjeuner, j'irai manger mon sandwich sur la Prom'. Cette promenade que j'aime tant face a la mer et lorsque je passerai sous ce auvent de bois, la même ou ce camion... J'y penserai aussi, comment oublier ?
On ne fait pas ce métier pour l'argent, entre mes vacations de l'année dernière toujours pas payées... On ne le fait ni pour la reconnaissance, soyons clair, il n'y en aucune.
Les vacances ? Dans l'enseignement supérieur, nous en avons moins, d'ailleurs nous travaillons cette semaine. Ce sont mes élèves qui me tiennent, et le sentiment de leur être utile ...leurs petits mots touchants me remerciant chaque fin d'année me suffit amplement...ou me suffisais je ne sais plus.
Sûrement faut-il remonter en selle immédiatement. Demain en tout cas, je ferai cavalier seule et je vais tenter de passer par-delà tous les nombreux obstacles."
Ce message, mais aussi des photos d'enseignants nous parviennent via les réseaux sociaux :
Notre métier : l'humain, la transmission d'un savoir, l'empathie, la bienveillance, l'accompagnement. De tout cœur avec les enseignants. Ce qui s'est passé, ne doit plus arriver !
► A 19h ce mercredi soir, le syndicat enseignant SNES FSU de l'Académie de Nice souhaite un rassemblement, dans les jardins d'Albert 1er, devant le kiosque à musique.
Il demande à chacun d'apporter une bougie ou une fleur qui seront déposées sur les marches du Kiosque, lieu symbolique de l'attentat du 14 juillet.
Une gerbe sera également déposée.