Qu'elle soit fraîche et pétillante, c'est tout ce que le client demande... Vraiment ? Depuis quelques années, la bière est également largement appréciée lorsqu'elle est locale. Cela tombe bien, le nombre de brasseurs de bières croît quasiment de jour en jour. En ce 5 août, Journée mondiale de la bière, on fait le point sur les petites mousses "Made in Côte d'Azur".
Bien malin celui qui pourrait donner le nombre de fabricants de bières artisanales présents dans les Alpes-Maritimes et le Var. Depuis quelques années, comme partout en France, les brasseries se multiplient sur la Côte d'Azur.
A chacun son créneau : certains misent sur le marketing local en mettant en avant les palmiers et la mer, d'autres sur la fabrication bio ou encore sur le savoir-faire venu de l'étranger, des pays comme la Grande-Bretagne ou les Etats-Unis où la craft beer (bière artisanale en français) a déjà connu son explosion il y a quelques années.
Solène Ronnaud-Baron s’est lancée il y a sept ans dans le business avec sa marque B06 Bière d’Antibes. “A l’époque, on était trois ou quatre micro-brasseries dans le département. J’arrivais à suivre l’ouverture des brasseries et rendre visite aux nouveaux collègues mais plus maintenant ! ”, confie-t-elle.
Dès son arrivée sur le marché, elle a souhaité se démarquer. Elle choisit de se spécialiser dans la vente de bières pour les établissements hauts de gamme, les palaces et les restaurants gastronomiques. “J’avais toujours l’amertume de voir qu’il n’y avait pas de bonne bière dans les bons restaurants gastronomiques. Je voulais faire de l’évangélisation”, explique la brasseuse.
Depuis, ses bières rencontrent un franc succès. Elle collabore avec des lieux comme l'Eden Roc à Antibes et la Guérite sur l'île Sainte-Marguerite et remporte de nombreuses médailles.
En bouteille ou en canettes
Par ailleurs, Solène se singularise aussi en proposant ses bières dans des bouteilles en aluminium - “plus écolo que le verre et pour une meilleure conservation” - avec des étiquettes personnalisées suivant les établissements où elle distribue ses produits.
Chez Gekko, à Tourrettes dans le Var, la famille Reilly a opté pour l’aluminium également mais plutôt sous forme de canettes.
“Au début, on brassait en bouteille mais on a vite arrêté parce que c'est impossible pour les bières qu'on fait à cause de la lumière qui crée de l'oxydation”, explique Peter Reilly, le patriarche écossais. Avec son épouse, son fils, sa belle-fille et le meilleur ami de son fils, ils se sont lancés dans l’aventure de la micro-brasserie en 2017.
Pendant deux ans, nous étions une nano-brasserie : on brassait notre bière dans le jardin en petite quantité. Quand on a compris qu’on avait créé un produit que les clients aimaient bien, on s’est dit “soit on arrête là, soit on investit.
Peter Reilly
La famille signe alors pour un entrepôt de 300 m2 et reçoit son équipement en mars 2020. “C’était le jour où le président a annoncé le premier confinement, se souvient Peter Reilly, encore amer. A partir de là, ça a été 18 mois de galère…” Mais finalement, en 2022, “ça a explosé, comme il fallait !”
La production des bières Gekko est à son maximum et leurs ventes en expansion. “On a trouvé des distributeurs nationaux en plus des clients qui se trouvent à moins de 50 km de chez nous”, annonce fièrement Peter Reilly. Sur leur route vers le succès, la brasserie Gekko n’oublie pas ses valeurs familiales, comme le partage.
Après une bière en juin 2020 dont les bénéfices sont revenus aux hôpitaux de Draguignan et Grasse, en avril 2022, la famille Reilly crée la No War Please, une bière blonde dont une partie des bénéfices est reversé à une association caritative pour les victimes de la guerre en Ukraine.
Les brasseurs que nous avons interrogés ne s’inquiètent nullement de la concurrence. Peter Reilly témoigne d’une véritable solidarité entre les fabricants de bières azuréens. “Si j’ai besoin de grain et que la livraison tarde, je sais que je peux aller en demander au voisin”, assure-t-il. “Il y a un certain respect de la part des brasseurs, on n’est pas dans un marché où on se tire dans les pattes”, salue Solène Ronnaux-Baron.
“C'est le bon moment pour se lancer, renchérit Peter Reilly , juste avant la vague.”
Un conseil qu’a suivi Adrien Leboeuf, avec trois de ses amis avec qui il a bâti Brassitorium en avril 2021, à Callian dans le Var.
Quand il y a eu le Covid, on était intermittents du spectacle ou dans la restauration, alors on s’est tous remis en question. On a eu cette idée d’ouvrir un bar, une brasserie et une entreprise d’événementiel. On avait un peu de fonds, alors on s’est dit que c’était le moment !
Adrien Leboeuf dit Adrien Leboeuf.
Le lieu a rapidement séduit les Varois en proposant, en plus de la bière fabriquée sur place, des concerts et des soirées à thèmes. “Parfois, on invite des food trucks locaux à venir, ça crée des moments conviviaux”, dit Adrien Leboeuf.
IPA, blanche, stout, il y en a pour tous les goûts
La bière Gekko se distingue par son goût, celui “d’une bière qui n’est pas vraiment française” . Et pour cause, non seulement elle est fabriquée par des Ecossais mais en plus, elle est faite à partir de houblons et de grains venant de partout en Europe, de Nouvelle-Zélande, d’Australie ou encore d’Amérique du Nord.
A partir de ces bases, Peter Reilly et son équipe créent des bières très houblonnées, des stout ou encore des bières acides (appelées sour chez les connaisseurs).
Pour marquer l’origine de sa boisson jusque dans son goût, Solène Ronnaux-Baron utilise elle des ingrédients locaux pour aromatiser certaines de ses bières. Une stout au rhum de Mougins, une IPA à la rose de Grasse, une bière à l’eucalyptus, une autre au miel de Biot ou encore à la fleur d’oranger de Vallauris… Sans oublier l’eau d’Antibes !
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Chez Brassitorium aussi, on insuffle la Côte d’Azur dans les bouteilles.
Framboises de Caillan, roses Centifolia du Var, le basilic et la coriandre de Claviers, les bières de saison fleurent bon le sud de la France.
S’il est difficile de compter le nombre de brasseries présentes dans les Alpes-Maritimes et le Var, une chose est sûre, le Sud de la France semble vouloir rattraper son retard sur le Nord bien connu pour ce breuvage.
Que ce soit la Brasserie du Comté de Saint-Martin-Vésubie, la Riviera Beer de Saint-Raphaël, la Monte-Carlo Beer ou encore la bière A la Fût de Cagnes-sur-Mer, elles sont nombreuses à s’exporter en dehors de la Côte d’Azur et à être consommées avec modération.