Deux ans que la vie de Sylvain et de sa famille a basculé dans l'horreur. Les locataires qui occupent leur maison familiale au Cannet dans les Alpes-Maritimes, ne payent plus le loyer depuis 17 mois. Pire, ils refusent de quitter les lieux, malgré une décision de justice.
Dans les Alpes-Maritimes (06), c’est une énième "affaire de squat" qui fait des remous.
Après les squatteurs de Théoule-sur-Mer (Var), qui avaient profité de l’absence des propriétaires pour prendre possession des lieux :
Cette fois-ci, ce sont des locataires, peu scrupuleux, qui ont décidé d'arrêter de payer les loyers du logement qu'ils occupent. Ils refusent même de quitter les lieux, malgré une demande du tribunal.
Depuis 17 mois, la vie de Sylvain Le Muet et de sa famille s'est transformée en véritable bataille juridique.
Les faits
En juin 2019, les enfants du couple Le Muet décident de louer la villa de leurs parents, achetée dans les années 90. Une décision prise afin de payer les frais de la maison de retraite du père.
Les locataires emménagent dans cette propriété de 100 m2, avec jardin et garage, malgré "un dossier financier fragile." Mais ils affirment à l'époque à Sylvain Le Muet qu'ils disposent d'un garant solide.
Nous sommes trois enfants, dont moi le fils cadet, il fallait louer la maison pour financer la maison de retraite de notre père. Les frais s'élèvent à 2500 euros par mois.
Mais très vite la situation dégénère, les loyers sont payés avec difficulté, jusqu'à ne plus être versés. En tout, seulement l'équivalent de six mois de loyer sera récupéré par les propriétaires de cette bâtisse au Cannet :
Sylvain Le Muet décide donc de faire appel à la justice. Le 20 janvier 2021, après 14 mois de procédure, une ordonnance de référé est rendue par le tribunal de Cannes : les locataires doivent quitter les lieux.
On a voulu faire des saisies sur les comptes bancaires mais ils étaient tous à découvert. Selon moi, ils organisent leur insolvabilité. Je ne sais pas dans quel état je vais retrouver la villa de mes parents.
Mais la décision ordonnant l'expulsion ne peut pas, en principe, être exécutée avant l'expiration d'un délai de deux mois, à compter de la demande de quitter les lieux.
Aujourd'hui, les locataires ne sont toujours pas partis.
3500 euros en frais de justice et d'avocat
Les locataires rencontrés par nos équipes télé ont expliqué qu'ils étaient dans une grande précarité financière : "ma femme est au chômage et moi je touche le RSA...", témoigne le mari devant notre caméra.
Une excuse jugée insuffisante pour le propriétaire qui nous confie ensuite : "chacun rencontre des difficultés, et la crise les a peut-être aggravées, mais ce n'est pas une raison pour vivre dans un bien qui ne vous appartient pas, sans payer, c'est scandaleux !"
Depuis le début de cette affaire, 2700 euros de frais d'huissier et 800 euros de frais d'avocat ont été déboursés par les plaignants.
Sans compter, les frais supplémentaires engendrés avec les 26350 euros de loyers impayés depuis 17 mois.
Un recours aux forces de l'ordre
Face au non-respect de l'ordonnance de référé, Sylvain Le Muet a demandé un concours de la force publique. Un dispositif utilisé pour procéder à l'expulsion.
Nous ne sommes pas pour la violence, nous souhaitons simplement faire appliquer la loi, c’est tout ce qu’on demande. C’est injuste cette situation !
Un squatteur c'est quoi ?
Un "occupant sans droit ni titre", communément appelé "squatteur", est une personne qui occupe un logement illégalement.
Cette occupation est jugée illégale au regard du droit de propriété soit parce qu'il ne possède pas de titre de propriété (contrairement au propriétaire) ou alors de droit à la jouissance de la propriété (contrairement au locataire).
Il y a différents cas de figures "d’occupant sans droit ni titre" :
- L’individu entré dans le logement illégalement. Cette intrusion peut être par effraction (avec violence), ou bien sans effraction (si la porte était ouverte, par exemple).
- L’individu entré dans le logement à l’aide d’un bail (contrat d’habitation), mais résilié depuis. Soit parce que la résiliation a été prononcée par un juge, par exemple après des loyers impayés ou un non-respect des termes du bail, soit parce que la résiliation a été prononcée par le propriétaire.
- L’individu entré dans le logement à l'aide d’un bail qu'il pense valable, mais qui ne l'est pas aux yeux de la loi.
Ce que dit la loi
Emmanuelle Wargon, la ministre déléguée au logement, a annoncé : "mettre en place début mai, avec l'aide des préfectures, un observatoire sur les squats."
L'objectif est de recenser le nombre de cas de squats et le nombre d’évacuations forcées afin de prévenir les situations complexes et de vérifier que la nouvelle loi soit bien appliquée.
Les outils de lutte contre les squats, ont été renforcés en octobre 2020 pour accélérer les procédures administratives d’expulsion. Ils visent à expulser les occupants illégaux en 72 heures maximum.
Pour espérer récupérer son logement dans les 72 heures, il faut remplir néanmoins trois conditions. D'abord, déposer une plainte. Ensuite, il faut prouver que le logement squatté est bien sa résidence. Il faut ensuite faire constater l'occupation illicite par un officier de police judiciaire.
En raison des plaintes fréquentes des propriétaires démunis face aux squatteurs, ce nouveau dispositif élargit la notion de “domicile” évoquée dans la loi Dalo - droit au logement opposable - votée en 2007, en intégrant les résidences secondaires ou occasionnelles.
Mais dans la pratique, le texte ne fonctionne pas aussi bien :
Aujourd'hui, je n'ai toujours pas eu de retour de la préfecture pour expulser les squatteurs par la force,
Le propriétaire n’a pas le droit de se faire justice lui-même
C'est la loi. Il doit attendre. Sylvain Le Muet conclut : "j’ai des réveils nocturnes, ça me détruit, où est mon droit à la propriété? Les squatteurs sont toujours là. Une société qui dérive à ce point-là, c’est grave."
Le droit de propriété ainsi que le droit au respect de la vie privée constituent des principes à valeurs constitutionnelles. La violation de domicile, est passible d'un an de prison et de 15.000 euros d’amende pour l’occupant illégal, s’il est reconnu fautif.