Que se passe-t-il dans les grandes écoles françaises et en particulier à Sciences Po Menton ? L'ambiance serait devenue délétère suite à l'attaque d'Israël par le Hamas le 7 octobre dernier. Des étudiants juifs se disent ostracisés. France 3 Côte d'Azur s'est rendue sur place.
La direction a hésité longtemps puis a finalement accepté de rencontrer l'équipe de France 3. Le directeur de Sciences Po Menton se réjouit ce jour-là de la prochaine venue en ses murs de l'ancien ministre Philippe Douste-Blazy. Le lieu accueille souvent des invités prestigieux venus du monde entier. Des diplomates pour beaucoup, il faut dire que bon nombre d'élèves embrasseront des carrières diplomatiques, notamment au quai d'Orsay.
Le bâtiment est un décor digne d'un film de Fellini, tant il est fastueux. Une vue imprenable sur la Méditerranée, avec au loin l'Italie. Un signe pour cette institution composée à 60% d'étudiants étrangers.
La terrasse surplombe la vieille ville de Menton. La bibliothèque à elle seule vaut le détour avec au plafond de superbes moulures. Autrefois, l'édifice, qui date du 19ᵉ siècle, accueillait un hôpital.
Pas le temps ce jour-là pour Youssef Alaoua, qui dirige l'école, de parcourir la magnifique terrasse qui jouxte son bureau. Le ton se veut grave face à l'hypermédiatisation de ces dernières semaines.
Tweet ravageur
Tout a commencé le 8 octobre dernier, au lendemain de l'attaque du Hamas en Israël. Sur sa page, le groupe d'étudiants Sciences Palestine inscrit à Menton, publie alors : "Hier, des résistants palestiniens de Gaza ont lancé une attaque contre Israël".
Ce post sera retiré à la demande de la direction de Sciences Po. Pour autant, pas de sanction. Dès lors, les choses se sont dégradées entre les étudiants de différentes confessions. Au total, ce sont une trentaine de messages individuels de cette teneur qui ont été portés à la connaissance de l'institution.
Pour Samuel Lejoyeux qui préside l'UEJF, l'union des étudiants juifs de France, la situation est devenue intenable : "Être étudiant juif ici, c'est devoir accepter que, dans une indifférence quasi généralisée, il y ait des messages faisant l'apologie du terrorisme, ce qui est un délit pénal."
Ce à quoi, Sciences Palestine et sa porte-parole, qui ne souhaite pas donner son nom, répond : "Nous n'avons absolument rien à nous reprocher, on n’est pas responsable de la situation, si actes graves il y a, une enquête doit être menée."
Au lieu d'aller vers une forme d'apaisement, à n'en pas douter voulue par la direction parisienne, la situation s'est encore détériorée. L'événement est récent. Lors d'une conférence organisée sur le site de Menton le 27 mars dernier, à l'initiative de La France Insoumise, nouveau dérapage.
Des propos condamnables ont été tenus par un participant dont on ignore l'identité : "Le 7 octobre n'a rien à voir avec l'antisémitisme".
Pour le directeur de Sciences Po, il est important là encore de temporiser : "Ces propos ont été tenus, nous confirme Youssef Alaoua, nous avons fait le signalement à la direction juridique, pour s'assurer que la loi était bien respectée, comme on le fait à chaque fois qu'on a un doute, mais cela ne nous permet pas d'aller plus loin."
Il y a du racisme à Sciences Po comme partout dans le monde
Une étudiante.
Selon nos informations, les conférences seraient désormais modérées pour éviter tout débordement.
Au sein du campus, l'air jovial des étudiants que nous rencontrons laisse penser que tout cela serait finalement bien vécu. Mais les images sont peut-être trompeuses. Ainsi, une étudiante américaine nous confie : "il y a du racisme ici comme partout dans le monde, mais je ne souhaite pas en parler par respect pour l'institution". Un autre étudiant, français, parle-lui de "discussions plutôt enrichissantes" après les événements terribles survenus le 7 avril.
Des problèmes analogues ont été constatés dans des universités françaises. En particulier à Strasbourg où des tags sont apposés tous les jours sur le campus depuis le 7 avril. Plus généralement, depuis cette date, selon le quotidien Le Monde, dans son édition du 16 avril, 67 actes antisémites ont été relevés dans des établissements de l'enseignement supérieur.
Dans une tout autre affaire, Sciences Po, à Aix-en-Provence cette fois, est aussi sous le feu des projecteurs, il s'agit là de l'ancien directeur, condamné le 16 avril à 18 mois de prison pour une affaire de diplômes douteux.