Jardins de Menton : une subvention de près de 3 millions d'euros de la mairie retoquée par la préfecture

La municipalité avait demandé à une association d'entretenir trois jardins ouverts au public. La préfecture estime qu'il s'agit d'une commande publique et que la mairie a contourné les règles de publicité et de mise en concurrence.

Le courrier, signé de la sous-préfète "Nice montagne" Carine Roussel, date de mi-octobre. Dans un argumentaire détaillé de 5 pages, la préfecture pointe du doigt une subvention accordée en mai 2022 par la ville de Menton (Alpes-Maritimes) à l'Association de sauvegarde des Jardins d'exception du mentonnais (ASJEM).

En échange d'une aide financière de 2.925.000€, l'ASJEM a pour "objectif la préservation, le renouveau et la valorisation de ces jardins d'exception", est-il indiqué sur le site internet de la ville. Une somme versée sur quatre ans et demi pour "couvrir 50% des frais de fonctionnement, d'investissement ou d'études" au sein des jardins Serres de la Madone, Carnolès et Maria Serena.

"Délibération illégale"

Mais, dans son contrôle de légalité, la préfecture pointe plusieurs points litigieux :

  • "Toute subvention [...] ne doit pas être spontanément octroyée par l'administration", précise-t-elle, en se basant sur la jurisprudence administrative. Or, elle n'a jamais reçu de document "formalisant la demande de subventions émanant de l'association".
  • Le fait que la ville mette à disposition de l'association d'"importants moyens publics" (agents, logements et matériels), qu'elle "contrôl[e] étroitement [son] action" et que "la collectivité n'aurait pas été en capacité financière de gérer les jardins d'exception" font dire à la préfecture qu'il s'agit là d'"une prestation de service d'entretien de jardins municipaux, répondant ainsi à un besoin de votre commune". Il aurait donc fallu passer par une commande publique, avec publicité et mise en concurrence.
  • Lors du vote de la subvention en conseil municipal, l'adjointe au maire Stéphanie Jacquot ne s'est pas abstenue alors que son père est le secrétaire général de l'ASJEM. Ce dernier a depuis démissionné de cette fonction associative.

Je considère que la délibération susvisée est illégale et vous demande de procéder à son retrait ainsi que, par voie de conséquence, à la résiliation de ladite convention.

Préfecture des Alpes-Maritimes

La préfecture demande au conseil municipal "de délibérer sur un dispositif juridique conforme" et "de veiller à prévenir tout conflit d'intérêts concernant [les] conseillers municipaux".

"Erreur" ou "faute" ?

Chez nos confrères de Nice Matin, Yves Juhel, le maire de Menton, reconnaît une "erreur". "On aurait dû passer par une délégation de service public", reconnaît-il.

"Le 21 février 2022, soit quelques jours après mon élection [...], j'ai reçu du préfet de la région une lettre m'informant de la suspension du label Jardin remarquable", précise Yves Juhel, dans une lettre écrite que nous avons reçue. "La Ville ne disposant pas des financements suffisants pour porter seule le réaménagement des jardins, nous avons été sollicités par un opérateur privé. Il s'agit d'une association constituée par un mécène et composée de personnalités connues et reconnues pour leur expertise en botanique."

La délibération a été adoptée à l'unanimité des suffrages exprimés, au vu et au su de tous les Mentonnais, grâce à la retransmission de la séance en direct sur les réseaux sociaux.

Yves Juhel, maire de Menton

La mairie va désormais se conformer au contrôle de légalité. Il n'y aura "plus de relations financières" avec l'ASJEM, assure-t-elle. Lors d'un conseil municipal extraordinaire prévu le 9 février, la convention établie avec l'association sera résiliée.

Ce n'est pas une erreur, c'est une faute !

Sandra Paire, conseillère municipale d'opposition

"Il y a un code de la commande publique, il doit être respecté", tacle la conseillère municipale d'opposition Sandra Paire. "Je suis contente qu'un conseil municipal ait lieu, j'attends maintenant de voir les délibérations."

Enquête de la PJ

Sandra Paire a également saisi le procureur de la République sur la base de l'article 40 du Code de procédure pénale pour des faits de favoritisme et de prise illégale d'intérêt.

"Il n'y a aucune prise illégal d'intérêt", se défend Stéphanie Jacquot. "Au moment du vote, je n'y ai vu aucun mal, si ce n'est le bien de la ville et de vouloir redorer ces jardins."

Contacté, le Parquet confirme avoir transmis ce signalement à la PJ de Nice, qui a ouvert une enquête.

L'ex-candidate à la mairie de Menton réclame également "le remboursement des sommes irrégulièrement versées". Sur ce point, la mairie donne une fin de non-recevoir. "L'argent déjà versé a été utilisé, investi et exploité pour restructurer les jardins. Ce qui a été fait a été fait", explique un proche du maire.

Que va-t'il se passer pour le personnel et les jardins ?

L'association de sauvegarde des jardins compte une vingtaine de salariés, dont 5 agents mis à disposition par la mairie dans le cadre de cette convention. "Si l'ASJEM ne veut pas se dissoudre, elle peut tout à fait continuer avec d'autres chantiers", poursuit-on à la mairie. "Quant aux 5 agents concernés par la subvention, ils seront réintégrés au sein du personnel municipal."

Du côté des jardins, la mairie va donc mettre en place une délégation de service public (DSP) avec appel à candidatures et trouver de nouveaux financeurs. En attendant, ce sont les jardiniers de la ville qui assureront l'entretien des lieux.

Objectif pour la municipalité : retrouver le label "Jardins remarquables" d'ici 2026 et obtenir celui de "Jardins botaniques".

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