L’histoire pourrait être banale à pleurer, mais c’est le destin tragique du dossier judiciaire de la garde d’Alexandro qui erre, depuis presque 10 ans, de juridiction en juridiction, entre la France, Monaco et l’Angleterre. Derniers rebondissements, des publications sur Instagram de la soirée des 70 ans de son beau-père, célèbre milliardaire britannique, John Caudwell.
Pour des raisons de confidentialité, le prénom de l’enfant a été modifié. Son papa sera nommé Monsieur. Sa maman, Madame.
Comme dans toute histoire, il y a un début, un milieu et une fin. Mais dans celle d’Alexandro, un jeune garçon de 11 ans, il n’y a toujours pas de fin.
Depuis plus de 9 ans, ses parents se livrent une lutte acharnée pour obtenir sa garde.
Il était une fois...
Tout avait pourtant bien commencé. Le père et la mère biologique de l’enfant se rencontrent, par le plus grand hasard, dans une rue de Vintimille. Coup de foudre.
Elle, cycliste lituanienne de haut niveau. Lui, italien, majordome sur le territoire monégasque avec logement de fonction et bien évidement également passionné de cyclisme.
Le 1er octobre 2011, ils se marient. De cette union, nait, le 2 février 2012, un petit garçon : Alexandro.
Comme beaucoup d’histoire moderne, peu de temps plus tard, en août 2013, le couple se sépare et entame une procédure de divorce, prononcé à leurs torts partagés en décembre 2016.
Selon les conseils des deux parties : "Monsieur pour des violences, qu’il a toujours niées." Et "Madame, pour avoir quitté le domicile conjugal avec l’enfant sans donner de nouvelles pendant des semaines, puisque, selon ses dires, elle était terrorisée".
Une garde alternée contestée
Suivant le jugement du Tribunal de première instance rendu le 15 décembre 2016, confirmé par arrêt du 9 octobre 2018, le divorce des époux a été prononcé et la résidence habituelle de l'enfant a été fixée chez la mère, le père se voyant accorder un droit de visite et d'hébergement habituel.
L’histoire aurait pu s’arrêter là. Mais,4 ans plus tard, le petit Alexandro ne sait toujours pas avec qui, où et comment il vivra ses prochaines années.
Nous ne cessons de crier qu’Alexandro serait plus entouré et plus pris en charge s'il vivait avec son père. Sa maman ayant choisi une vie qui ne nous semble pas adaptée à la vie d’un enfant
Joëlle Fitoussi, avocate de Monsieur.
"C’est un conflit qui dure depuis leur séparation. Il a été porté devant diverses juridictions en France et à Monaco, au pénal comme au civil. Nous ne cessons de crier qu’Alexandro serait plus entouré et mieux pris en charge s'il vivait avec son père. Sa maman ayant choisi une vie qui ne nous semble pas adaptée à la vie d’un enfant" raconte Joëlle Fitoussi, avocate de Monsieur.
L’avocate fait référence à la vie mondaine de la maman depuis qu’elle est devenue la compagne du milliardaire britannique John Caudwell, patron de l’empire Phones 4u, vendu en 2006.
Le père d'Alexandro a une pathologie mentale. C’est un pervers narcissique. Il ne supporte pas que son ex-épouse ait pu refaire sa vie
Frédéric De Baets, avocat de Madame.
"C’est une histoire de conflit parental qui dure depuis très longtemps. (...) Si elle a déménagé en Angleterre, c’est parce qu’elle se sentait constamment harcelée, dénigrée, insultée. La maman s’occupe de son enfant à sa manière. Ce n’est pas de sa faute si son ex-mari est totalement archaïque et rétrograde quant à la vision de la place des femmes dans la société" relate Frédéric De Baets, avocat de Madame.
Pas moins de 54 procédures en dix ans
Depuis 2013, année de la séparation des jeunes parents, pas moins de 54 procédures ont été initiées dans cette affaire de garde d’enfant.
"Pour la plupart, initiées par Monsieur, selon les avocats de Madame. Je suis atterré par la multiplication des procédures initiées par le père. C’est de l’acharnement procédural qui, me semble-t-il, sert plus à régler des comptes avec l’ex-épouse que l’intérêt bien compris de l’enfant" se souvient Gérard Baudoux, ancien avocat de Madame.
Qu’est-ce qu’il a tant fait ce père pour qu’on l’empêche de voir et prendre soin de son fils ?
Maître Fitoussi
Une durée procédurale et des rebondissements que ne comprend pas Joëlle Fitoussi, l’avocate conseil de Monsieur : "Depuis 2016, je n’ai pas trouvé, une seule fois la possibilité de négocier dans ce dossier. Même les tentatives de médiation ont échoué. C’est la première fois que je vois ça dans ma carrière de 32 années au Barreau. Nous menons un combat qui n’aboutit pas. Jamais. Il s'agit ici de protéger un petit garçon sur lequel nous avons attiré l'attention de nombreuses juridictions depuis plusieurs années. Plusieurs signalements ont été effectués également par des personnes extérieures, comme le directeur de l'école, des proches... Ce qui est surprenant, c’est qu’au fil de ces années, à chaque fois qu’on a l’impression d’avancer et d’être entendus, soit par des professionnels de santé, soit par des instances de toutes sortes, au dernier moment, la situation se retourne contre nous et mon client se retrouve au banc des accusés, comme si c’était un harceleur, un fou. Je ne comprends pas".
Elle en veut pour preuve le rapport médical du 6 septembre 2018 de l’hôpital Lenval de Nice : "Inquiet des propos tenus par son fils, mon client l’a fait hospitaliser aux urgences pédiatriques où il a séjourné durant 4 jours. La synthèse de la prise en charge de l’équipe de pédopsychiatre de l’UPRTS de Lenval est la suivante :
L’enfant a pu confirmer ses idéations suicidaires avec risques de passage à l’acte dans un contexte de conflit familial
Synthèse de la prise en charge de l’équipe de pédopsychiatre de l’UPRTS de Lenval - 06 septembre 2018
Interrogé à ce sujet, Frédéric De Baets, avocat de Madame affirme : "Chacun des signalements de Monsieur, concernant la soi-disant maltraitance de son fils, a été suivi d’enquêtes. En France ou à Monaco, à chaque fois, il y a un classement sans suite systématique depuis 10 ans".
Et Maître Fitoussi d'ajouter : "Mais qu’est-ce qu’il a tant fait ce père pour qu’on l’empêche de voir et prendre soin de son fils ? Et qu’a fait ce petit pour qu’on l’empêche de voir son père".
Il y a un enfant en état de souffrance. Je pense que la maman n’a pas compris le désespoir de son fils d’être loin de son père.
Maître Joëlle Fitoussi
Conflit de loyauté ?
Selon les différents rapports des instances judiciaires consultées, l’enfant ne serait pas en danger. Il s’agirait d’un "conflit de loyauté", qu’exprimerait Alexandro.
Des observations que Joëlle Fitoussi, avocate de Monsieur, ne peut entendre : "C’est facile de dire ça. On ne peut pas se contenter de ce constat. Il y a un enfant en état de souffrance. Je pense que la maman n’a pas compris le désespoir de son fils d’être loin de son père. Le papa est lui meurtri de retrouver son fils de plus en plus désespéré quand il lui revient. Mon client se bat, encore et toujours, pour le bien de son enfant et pas seulement pour sa garde".
Des photos d’Alexandro sur Instagram et Facebook
La publication de photos de mineurs, sur quelques supports que ce soit, est soumise à réglementations. La loi s’applique aussi aux parents divorcés.
Ainsi, selon l’ordonnance de la chambre des familles du tribunal des affaires familiales de Stoke-on-Trent, au Royaume-Uni, datée du 11 juillet 2022, le tribunal précise aux deux parents "qu’aucune des parties ne devait publier des images d’Alexandro sur des plateformes publiques de réseaux sociaux sans le consentement de l’autre partie".
"Une recommandation tenue en partie par Madame, qui régulièrement poste des photos d’Alexandro sur son Instagram ou celui de son compagnon. Parfois, c’est vrai, en masquant le visage de son fils ainé par un petit cœur, parfois, pas. Je n’ai rien d’autre à ajouter. Les faits parlent pour mon client." ajoute le conseil de Monsieur.
Les posts Instagram et Facebook du 7 octobre 2022
Le 7 octobre dernier, Alexandro apparait sur plusieurs photos postées sur les comptes Instagram et Facebook de sa maman et de son beau-père, John Caudwell, qui, ce soir-là, célèbre ses 70 ans à bord de Ponant’s Le Lyrial.
Ces photos ont été floutées par la rédaction de France 3 Côte d'Azur pour préserver l'identité des enfants.
Une soirée d’anniversaire dont le thème est "cuir et dentelles". Et John Caudwell d’ajouter dans son commentaire Facebook : "Et même notre brillante tête d'affiche Nicole Scherzinger est entrée dans l'esprit du code vestimentaire. Les amis et les abonnés de longue date se souviennent peut-être que j'avais le même thème pour mon 55e anniversaire. Quinze ans plus tard, je rentre toujours dans la tenue - à peu près !" .
Présents parmi les nombreux invités, Alexandro et son petit-frère (né de sa maman et de John Caudwell) participent à la soirée.
Une soirée qui, selon Joëlle Fitoussi, avocate de Monsieur, reste gravée dans la mémoire d’Alexandro : "Le fils de mon client a posé plein de question à son père lors de ses dernières vacances avec lui, mi-octobre. C’est quoi cette grande poupée en plastique ? Les grands, ils faisaient des trucs bizarres. Ils s’embrassaient tous sur la bouche, ils m’ont obligé à jouer avec la grande poupée. Tout le monde était tout foufou, comme quand on boit trop".
Un récit qui bouleverse le père d’Alexandro, qui décide alors de porter plainte fin octobre et saisit, le 3 novembre, par le biais de son avocate, le parquet de Monaco.
Autre décision du papa d’Alexandro : ne pas rendre son fils à sa mère conformément aux décisions de l’ordonnance de la chambre des familles du tribunal des affaires familiales de Stoke-on-Tent du Royaume Unis du 11 juillet 2022.
Un père en garde à vue
N’ayant pas de nouvelle de son fils et n’arrivant pas à joindre son ex-époux, Madame, décide de porter plainte contre lui, en France et à Monaco, le lundi 7 novembre 2022.
Mercredi 9 au matin, selon Maître Fitoussi, "Monsieur reçoit un appel téléphonique de la police monégasque. Il annonce aux forces de l'ordre qu’il se rendra au commissariat, en scooter, dès qu’il aurait déposé son patron puis ramené sa voiture chez lui. La police l’attendait en bas de chez lui, et lui a passé les menottes comme s'il était un dangereux délinquant. Et, malgré la plainte que j'ai déposée le 3 novembre au parquet de Monaco, l'enfant a été rendu à sa mère".
Monsieur est alors placé et maintenu en garde à vue durant 24 heures. Le lendemain, il est déféré par le parquet monégasque pour "non présentation d’enfant".
Son jugement, pour cette dernière affaire, est porté au 24 janvier 2023.