Face à une réouverture toujours incertaine des lieux de culture, les professionnels du spectacle manifestent pour faire entendre leur voix. Dans les théâtres, certains comédiens maintiennent leur résidence pour ne pas perdre la main. Reportage à Menton, Nice et Cannes.
Une scène d'un autre temps. Imaginez : des gens, assis sur des sièges dans un théâtre. Devant eux, une comédienne sur scène qui joue son spectacle. Certes, c'était une représentation privée, à destination des professionnels de la culture et de la presse. Certes, les mains étaient lavées au gel hydroalcoolique, les noms des spectateurs, écrits sur un registre à l'entrée, la jauge du public, limitée, et le port du masque, obligatoire pendant toute la représentation. Mais quand même.
Jeudi, le théâtre du Lavoir, situé à Menton (Alpes-Maritimes), a repris vie l'espace d'1h10, la durée de la pièce. "La dernière représentation avec du public, c'était le 6 mars 2020", se souvient Mandine Guillaume, la directrice des lieux depuis presqu'un quart de siècle. "Depuis, c'est le grand silence !"
Dans "Métanoïa, le présage du papillon", Mélissa Prat joue le rôle d'une jeune adulte de 20 ans prise dans les tourments d'une relation amoureuse toxique. "C'était une sorte de renaissance", avoue-t-elle.
Sur scène, la comédienne se débat avec des cordes, symboles d'un amour qui emprisonne. Comme un parallèle aussi, avec cette culture qui tente de se débattre des mailles du confinement. "Le spectacle a été créé juste avant la pandémie", précise-t-elle. "Mais en le rejouant un an plus tard, je me suis fait la même réflexion !"
Dans le public, 21 personnes, principalement des programmateurs azuréens. "Je suis venu pour la soutenir et voir les nouveautés qu'elle a mise dans son spectacle", explique Tom Courboulex, du théâtre Anthéa d'Antibes. L'artiste doit s'y produire, si le gouvernement l'autorise, les 25 et 26 mai prochains. "Je suis venue me faire un avis sur le spectacle pour éventuellement l'acheter", poursuit Charlotte Tocut, chargée de programmation artistique à Valbonne.
(Toujours) pas d'annonces
Jeudi soir, lors de la conférence de presse de Jean Castex, beaucoup espéraient une décision définitive pour la réouverture des lieux de culture. En vain.
"Nous avons de vrais motifs d'espoir" et "des perspectives nouvelles s'offrent à nous", a ainsi affirmé le Premier ministre, fixant l'objectif d'"un été le plus normal possible". Jean Castex a annoncé un "nouveau train de réouvertures autour de la mi-mai qui pourrait commencer par les commerces, certaines activités culturelles et sportives et les terrasses". Mais une annonce "sous réserve" et au conditionnel.
On en a marre de vivre au conditionnel, j'attends qu'il parle au présent !
"Si la situation épidémique le permet, à la mi-mai, nous sommes en position de rouvrir les lieux de culture", a ajouté ce vendredi matin Roselyne Bachelot chez nos confrères de BFMTV. Mais la ministre de la Culture n'a pas donné plus de précisions sur les modalités de cette réouverture.
Manifestations musicales
Résultat, des lieux de culture continuent d'être occupés, comme le Théâtre national de Nice (TNN). Ce vendredi, comme un peu partout en France, un concert de soutien s'est déroulé place Masséna. Au total, 50 musiciens et 20 chanteurs issus de l'opéra de Nice, des orchestres de Cannes et de Monaco et des indépendants se sont produits pendant une heure.
Avec le monde de la culture, des arts, aujourd'hui à #Nice06. Plus fortes que les prises de paroles, plus puissantes, les voix et les notes qui s'élèvent.
— Hélène Granouillac NiceCôteAzur élue écologiste SE (@HGranouillac) April 23, 2021
Ecoutez-les, entendez-les.#occupationTNN #occupationodeon @TheatredeNice @NiceEcologique @F3cotedazur @francebleuazur pic.twitter.com/JMT2o58xuc
À Cannes, une centaine de professionnels du spectacle, du tourisme et de l'événementiel a réinterprété le tube de Queen pour crier "Nous sommes tous essentiels !"
"Ce sont nos droits à travailler, à exister, qu'on défend", explique Yann Rodriguez Lopez, le référent de l'action cannoise. "On demande aussi la reconduction de l'année blanche jusqu'à la reprise totale de l'activité."
Contrairement à d'autres secteurs où le CDI est la norme et où le chômage partiel prend le relais, nous, les travailleurs et travailleurses de l'ombre en CDDU, les intermittents, nous devons crier, hurler, batailler pour avoir de quoi survivre simplement. Ce qui nous rassemble aujourd'hui, c'est la peur, putain ! La peur de disparaître, tout simplement !
Un milieu de la culture qui se dit prêt à relancer la machine dès que le feu sera au vert. "Nous avons une programmation qui va jusqu'en juin", détaille Tom Courboulex, du théâtre Anthéa d'Antibes. "Mais il nous faudra sans doute 3 semaines pour qu'on puisse s'organiser. Et répartir les abonnés qui ont réservé leurs places en fonction de la jauge du public qu'on nous donnera."