Coaraze est situé au cœur de la zone placée en "crise" par le dernier arrêté préfectoral lié aux restrictions d'eau. En quête d'un troisième point de forage pour alimenter la commune, la mairie est contrainte de mettre "tous les projets en stand-by" tant que cette problématique n'est pas résolue.
La région des Paillons est en crise. C'est ce qu'indique le dernier arrêté préfectoral, pris le vendredi 11 août dans les Alpes-Maritimes, concernant les restrictions liées à la sécheresse et à la consommation d'eau.
Certains habitants de Coaraze ont pris l'habitude de se laver avec une bassine, limitent le nombre de douches chaque semaine ou sacrifient leur potager assailli de soleil et délaissé par les pluies.
La commune n'est qu'à quelques kilomètres de la mer, mais la localité située au nord-est de Nice manque désormais cruellement d'eau. Elle a lancé un audit pour forer un troisième puits de pompage, mais les travaux vont prendre des mois et la situation est déjà critique.
Investissement de plusieurs millions d’euros
Pour un village, un nouveau point de pompage est un investissement de taille. Il va vampiriser tous les autres investissements dans la durée. Plusieurs millions d'euros sont nécessaires, à terme, pour trouver une solution pérenne en matière d'alimentation en eau.
On est très tributaire du niveau du Paillon.
Monique Giraud-Lazzari, maire de Coaraze
Pour la maire de la commune (sans étiquette), Monique Giraud-Lazzari, "Tous les projets sont en stand-by". La résolution de l'accès à la ressource est prioritaire et tous les efforts financiers doivent être fléchés dans cette direction.
Source d'inquiétudes
En ville, les fontaines de ce village de 800 âmes ne fonctionnent plus depuis longtemps. Le premier point de captage de l'eau est tari. Dans la source du Peuil, gravitaire, "il n'y a plus rien du tout" se désole la maire de la commune.
Coaraze s'est donc branchée au Paillon de Contes. Une solution de repli qui montre, elle aussi, ses limites.
"On commence à réellement manquer d’eau. C'est en train de descendre à une vitesse assez affolante d’ailleurs. C’est la première fois que cela nous arrive, que le Paillon descend aussi vite. On se retrouve presque dans l'incapacité de pouvoir pomper et de pouvoir transporter l'eau pour pouvoir la boire", confie Sébastien Suche, le fontainier de Coaraze.
Depuis un an et demi, les pompes prélèvent 180 mètres cubes par jour. L'équipe municipale, par la voix de son premier adjoint, a déjà épuisé beaucoup d'options.
Pour l'instant, on n'a pas d'autres solutions puisque celle-là, c'est notre plan D. Ce n'est même pas le plan B, ni le plan C ! On a déjà brûlé quatre étapes qui étaient nécessaires.
Gérard Saramito, premier adjoint au maire de Coaraze
"Au bout du bout"
Comme si un malheur ne venait jamais seul, c'est une eau trouble et impropre qui jaillit parfois des profondeurs. "Si le Paillon est plutôt bas, on est en alerte pollution, car forcément, il y a de la turbidité. J'ai constamment un agent et un élu qui, tous les jours, sont là à veiller que tout se passe bien", explique la maire.
Des bouteilles d'eau sont stockées dans un local de la municipalité et la maire de la commune recherche une autre denrée rare : un camion citerne pouvant livrer de l'eau, "impossible à trouver" selon elle.
On ne compte que sur nous-mêmes, vous imaginez que le travail qui est fait au niveau du pompage marche forcément à l'électricité. On a pris une belle facture pour la commune de Coaraze : fois trois ! L'achat d'eau, c'est pour la commune. Au niveau financier, on n'est pas tellement aidés, c'est assez clair.
Monique Giraud-Lazzari, maire de Coaraze
Recherches de fuites, "modérées mais à surveiller", travaux à la station de pompage pour améliorer son efficacité... Autant de batailles à mener sans pour autant pouvoir en assurer le financement.
"Ce qui est très bizarre, c''est qu'il faut être sur une liste noire pour bénéficier des aides de l'agence de l'eau. Il faut vraiment être au bout du bout pour que l'on puisse prétendre à avoir de l'aide. C'est surprenant", assure le maire.
Si une enveloppe financière leur est octroyée, il faudra certainement attendre octobre, le temps que les démarches administratives soient effectuées.
"On garde toute la flotte, on ne jette rien"
Du côté des habitants, les réflexes économes ont pris le dessus. Dans le hameau de La Parra, l'eau manque depuis bien longtemps et l'alimentation des habitations dépend d'imposants réservoirs en plastique. Ici, l'eau n'arrive plus depuis mars 2022.
Mathé Bréchard y réside. La précieuse ressource, elle a appris à la stocker : "On se lave dans une petite cuvette, on garde l'eau pour mettre dans les toilettes. Les douches, on se les autorise une fois par semaine, mais vite fait. On garde toute la flotte, on ne jette rien".
Frugalité dans le potager et système D
Pour les habitants de l'arrière-pays, le potager permettait de pouvoir se sustenter sans trop passer au supermarché, mais là encore, il a fallu trouver des solutions.
Pour abreuver leurs cultures et autres plants, la population a trouvé certaines astuces, décrit l'édile : "Les arrosants sont au courant. On communique depuis très longtemps, ils savent très bien que la propriété est d'avoir de l'eau pour les gens. Ça ne les empêche pas un peu de grogner, mais en même temps, ça les oblige à trouver des solutions. Dans le village, il y a un lavoir, ils récupèrent cette eau et s'en servent".
Des techniques, plus artisanales, ont été remises au goût du jour. "D'autres ont fait des oyas, des vases pointus que l'on met dans la terre et qui conservent l'humidité. Certains ont été imaginatifs. Maintenant cela va se corser davantage."
Si d'imposantes pluies ne surviennent pas d'ici à quelques semaines, Coaraze va devoir faire preuve d'encore plus d'imagination pour assurer un avenir pérenne dans cette vallée.