Sa famille maternelle vivant dans un des dix départements français occupés par les Allemands entre 1914 et 1918, s'est trouvée affectée par les conséquences de cette occupation. C'est l'histoire d'une famille de la Meuse, réfugiée dans l’arrière pays niçois que nous vous racontons.
Claudie Lefrère-Chantre peut en parler pendant des heures tant l'histoire lui tient à coeur. "Ma famille maternelle a vécu dans un des dix départements français occupés par les Allemands entre 1914 et 1918. C'est la mémoire des populations civiles et non uniquement militaires que je veux raconter".
Cette universitaire à la retraite est animée par le devoir de transmission et sa passion de l'histoire-géographie qu'elle a enseigné aux plus jeunes. Pour elle, les hommages du Centenaire de l'armistice de 194-1918 "sont trop militaires. "Il ne faut pas oublier qu'au-delà du nord et de l'est de la France, c'est tout le pays qui a été touché et la population dans son ensemble."
Emilienne, née en 1901
Emilienne Richard est née en 1901. Grand-mère de Claudie Lefrère-Chantre, cette orpheline de père est issue d'une famille modeste installée dans la Meuse. "Des gens simples, dont la vie va basculer avec la germanisation de leur village".
"Ma grand mère qui avait 13 ans au début de la guerre a été "bloquée" par les Allemands, raconte Claudie. Elle a travaillé pour eux dans une ferme. Elle n'a pas réussi à empêcher le départ imposé de sa mère et du reste de sa famille".
En effet, lors de la première guerre mondiale alors que les frontières nationales s’effacent et que s’installe le front, plus de 12 millions d'Européens se trouvent à un moment donné amenés à fuir la guerre, à devenir des « réfugiés ». Cela sera le cas pour 2 millions de Français éloignés des zones de combat" ils étaient devenus une gêne pour les Allemands".
Des populations installées dans une frange du territoire national allant du Nord-Pas de Calais aux Ardennes.
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Emilienne se retrouve seule, sans sa famille, dans son village de Jonville en Woëvre dans la Meuse entre 1915 et 1917. "Si elle ne part pas de suite, c'est qu'elle pouvait être une main d'ouvre intéressante pour les Allemands. "Ils se débarrassaient des "bouches inutiles" c'est à dire des enfants de moins de 13 ans, des "vieillards" et des malades ou handicapés."
Les Français alors expulsés des régions occupées par les Allemands, rejoignaient la France par la Suisse selon un itinéraire d'évacuation organisé. "Ma grand mère a finalement aussi vécu ce périple à partir du 12 février 1917 date à laquelle elle quitte son village. Elle sera après un voyage par la Suisse réfugiée à Annemasse en passant par Evian."
Si Claudie connaît avec précision l'histoire de son aïeule, c'est "parce qu'elle a laissé un petit journal. Quelques mots simples, ceux d'une jeune fille qui n'avait pas beaucoup fréquenté l'école communale".
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"Ces Français (souvent des ruraux) quittaient leurs villages pour la première fois de leur vie et se retrouvaient dans des régions françaises dont ils ignoraient tout. Pour ma grand-mère ce fut une grande découverte aussi. Elle n'avait jamais quitté son village. La foule, le bruit, d'autres paysages et odeurs... C'était comme une aventure pour elle", souligne Claudie.
Tous les départements français libres ont participé à l'accueil de ces réfugiés.
"Maman est à Villars"
Le voyage d'Emilienne va s'achever dans les Alpes-Maritimes. Elle va y revoir sa mère. Sans nouvelle de sa famille de 1914 à mars 1917, elle retrouve une partie des siens à Villars sur Var.
Elle se mariera avec un garçon rencontré dans l'arrière pays niçois. Lui aussi était un "rapatrié". Lucien Walaine avait également quitté sa Meuse natale. Le couple après quelques années dans le sud s'est ensuite installé en Picardie.
Leur histoire commune a aussi donné naissance à un livre écrit par leur petite fille : Claudie Lefrère-Chantre.
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