Depuis 2018, l'existence de Corinne est soumise, chez elle, aux rigueurs des températures hivernales, à Contes, un village à 18 km de Nice. Sans chauffage ni eau chaude, son quotidien s'apparente à un enfer, malgré les nombreux appels à l'aide lancés à son bailleur social. Handicapée et déficiente visuelle, la locataire se bat avec ce qui lui reste de forces, alors que tous se rejettent les responsabilités.
Le thermomètre affiche 9 degrés dans l'appartement, situé au rez-de-chaussée de l'immeuble du Moulin, à Contes. Emmitouflée de la tête aux pieds, figée dans un fauteuil roulant électrique, quasi aveugle, Corinne Urios subit cette froidure depuis plusieurs années. La situation revient chaque hiver : pas de chauffage et pas d'eau chaude.
Maintes fois, elle a alerté la mairie de Contes et son bailleur social 3F. Des visites ont eu lieu, et malgré plusieurs interventions techniques, les problèmes se répètent sans cesse.
"On m'a dit que j'étais une menteuse, raconte Corinne, que tout allait bien dans cet appartement, qu'il n'y avait pas de problème. Maintenant c'est marque noir sur blanc que cet appartement est insalubre avec ce rapporte de l'ARS. Donc, c'est bel et bien insalubre et ça date depuis 2018."
Désespérée, à bout de force, Corinne a fini par ne plus sortir de la chaleur de son lit, et ne plus s'alimenter. Elle a jeté une ultime bouteille à la mer en nous contactant. Nous l'avons rencontré, il y a 3 semaines, le 27 janvier, pour constater sa situation. Ce jour-là, nous avions croisé un agent de l'ARS, l'Agence Régionale de Santé qui venait de faire une inspection.
Le verdict est tombé cette semaine :
- Vu le rapport établi... mettant en évidences un danger imminent manifeste dans un local à usage d'habitation dépourvu de chauffage et d'eau chaude - Considérant que ce rapport constate que le local est insalubre et qu'il présente notamment un danger ou un risque imminent manifeste pour la santé ou la sécurité physique des personnes...
L'ARS de Provence Alpes Côte d'Azur.
La fontaine face à la mairie est recouverte d'une couche de glace.
Sur l'herbe, face à l'immeuble de Corinne, le givre résiste encore à 11h du matin. Les conditions de vie sont épouvantables. Une toilette de chat quand elle est chez elle, davantage quand des amies l'accueillent.
La fuite des responsabilités
Chacun se rejette les responsabilités. Maurice Tujague, le maire communiste de Contes, affirme n'être au courant de rien et n'avoir aucune responsabilité.
Pourtant, le garde champêtre est venu, plusieurs fois, constater les problèmes du logement de l'administrée comtoise. Il faut dire que "la visite a eu lieu en plein mois d'aout" explique Corinne. Evidemment, pas de problème de chauffage à cette période ! L'indignité a des saisons plus propices... Le village ne fait partie d'aucune des deux grandes métropoles qui l'entourent. Du coup, Corinne n'a plus accès aux activités des établissements spécialisés que ses handicaps nécessitent. Elle ne peut circuler sur les routes de la commune avec son fauteuil électrique et sa cécité galopante l'empêche de conduire depuis un long moment. À son appartement glacé, il faut ajouter une solitude implacable.
Le bailleur social 3F, lui, affirme étrangement ne pas avoir reçu de courrier de la Préfecture des Alpes-Maritimes.
Il explique également avoir diligenté un prestataire de services de réparations, chaque fois que la locataire a signalé un problème de chauffage et d'eau chaude.
Florence Riera, la gérante de l'agence 3F Nice explique, avec un calme que rien n'ébranle : "Nous faisons intervenir systématiquement, à demande, les entreprises qui doivent intervenir dans ce logement. Si il y a un problème, il va être réparé. A vu d'œil, je ne peux pas vous dire si il y a de l'insalubrité ou pas. Je vais attendre de recevoir le rapporte de l'ARS."
3 ans que Corinne Urios subit cette situation ou tous se renvoient la balle. 3 ans que ses forces s'épuisent en vaines démarches. 3 ans que son état de santé se dégrade.
Pourtant, le calvaire de Corinne continue. Le sol, affaissé, a détérioré une grande fenêtre qui laisse désormais passer la pluie, la boue et les courants d'air. "J'ai peur des représailles de la commune et de l'agence parce que je me suis tellement battue depuis des années. Et je suis à jour de tous mes règlements de loyers. Ce que je souhaite c'est avoir un logement décent pour vivre."
Il fut un temps où, valide, Corinne enchainait les pas de danse. Aujourd'hui, elle vit toujours dans une solitude glacée et espère que la vie lui fera le cadeau de retrouver un logement digne et adapté à ses handicaps.