Confier ses biens privés à des agences immobilières sociales, une solution à la crise du logement ?

Alors que la région a été épinglée pour sa production trop faible de logements sociaux, la mobilisation du parc locatif privé pourrait être une solution à la crise du logement. Peut-on convaincre les propriétaires ?

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Le constat est simple, quoique paradoxal. Les inégalités s'accroissent sur tout le territoire français et il n'y a jamais eu autant de demandeurs de logements sociaux. Pourtant, il n'y a jamais eu aussi peu de logements sociaux produits. 

Dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, plus de 200 000 ménages souffrent de mal-logement, selon les derniers chiffres de la préfecture. En 2023, seule une demande d'attribution de logement social sur huit a été satisfaite – ce niveau de tension est le troisième plus élevé de France, après Mayotte et l'Île-de-France. 

Malgré cette situation, 95 % des communes de la région PACA concernées par la loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU) n’ont pas respecté leurs engagements de production de logements sociaux sur la période 2020-2022, selon un rapport de la Fondation Abbé Pierre. Parmi les mauvais élèves, on retrouve des grandes villes comme Nice et Toulon. Au niveau régional, le parc social représente 14 % du parc résidentiel, contre plus de 17 % pour la moyenne nationale. 

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Pour rappel, l'article 55 de la loi SRU adoptée en 2000 impose aux communes les plus peuplées de disposer d'une part minimale de 25 % de logements sociaux au sein de leur parc résidentiel – cette part descend à 20 % si la tension sur le parc social est plus basse –, afin de "garantir la mixité sociale et la solidarité territoriale"

Un manque de volonté politique

La conjoncture économique de ces dernières années, qui a nettement freiné la construction, n'est pas la seule raison à ces mauvais chiffres. La fondation Abbé Pierre épingle aussi le "manque de volontarisme" de certains élus locaux, comme une "politique gouvernementale très défavorable au logement social".

Si le parc social public est saturé, mobiliser le parc privé à des fins sociales pourrait-il être l'une des solutions à la crise du logement ? C'est ce que font les agences immobilières à vocation sociale (AIVS). 

Comme des agences immobilières standards, elles gèrent des biens privés. À la différence qu'elles louent ces logements à des populations en difficultés financières et sociales, auxquelles elles vont offrir un accompagnement social renforcé. Les AIVS jouent d'ailleurs un rôle d'intermédiaire entre le propriétaire et l'occupant de son logement – autrement dit, ce sont d'abord elles les locataires du bien.

Louer son bien moins cher, mais louer social

"Les AIVS ne produisent pas que du logement social au sens réglementaire du terme, mais du logement abordable", note Marc Esponda, directeur général de l’AIVS varoise Le Toit, fondée en 1993. Celle-ci gère 500 logements sur le département, en particulier sur Draguignan et l'aire urbaine toulonnaise. 

Le loyer est donc plafonné. Cela veut dire que les propriétaires doivent louer leur bien à des prix de 15 à 45 % inférieurs à ceux du marché. Les propriétaires ont néanmoins quelques avantages comme une réduction fiscale et des primes, même si les bénéfices tirés sont moindres qu'en "louant les biens en Airbnb ou en meublé étudiant", concède Marc Esponda, qui est aussi directeur de la maison départementale de l'habitat, de SOLIHA et de l'Agence départementale d'information sur le logement (ADIL)

"Je gagne moins [qu'en louant aux prix du marché], mais c'est le prix de la sérénité. J'ai la conscience tranquille d'un appartement qui est loué correctement", assure Vanessa. Depuis 2010, elle loue à l'AIVS niçoise Agis06 son appartement dans le centre historique de Grasse. Avant cela, elle a dû faire face seule à une locataire qui ne payait pas ses loyers. 

Aujourd'hui, elle a l'assurance de savoir que, même si l'un des occupants de son bien ne paie pas son loyer, l'Agis06 versera l'argent à sa place. "Sans eux, j'aurais été complètement perdue", abonde-t-elle. "Là, on sait que la gestion est carrée."  

La garantie d'un loyer stable

"On va voir deux types de propriétaires" qui louent leurs biens aux AIVS, note Marc Esponda : "des personnes qui n'espèrent pas forcément un revenu locatif élevé, mais stable" (ce profil se retrouve surtout hors des zones tendues) et "des propriétaires voulant profiter des subventions pour les travaux"

De plus en plus de propriétaires investisseurs font ainsi appel aux AIVS lorsqu'ils souhaitent, par exemple, réhabiliter un immeuble : en contrepartie de plus d'aide, ils s'engagent à les louer pour au moins six ans à des foyers modestes et très modestes. 

"Il y a aussi une fibre sociale chez certains propriétaires", souligne Marc Esponda, qui cite "des retraités qui ne dépendent pas forcément des rentrées locatives et veulent faire bénéficier de leur patrimoine". Vanessa confirme : "C'est bien d'aider des personnes qui ont des difficultés pour se loger, et c'est encore mieux de le faire sans risque." 

À noter que si le propriétaire paie des frais d'agence, c'est l'État qui finance l'accompagnement social des locataires.

Être plus incitatif pour massifier le recours aux AIVS

Les trois-pièces et les studios sont les biens qui sont les plus recherchés par les AIVS. "Les logements qu'on capte sont des logements décents", insiste Marc Esponda. "On travaille sur l'insertion par le logement, donc les locataires doivent vivent dignement." 

L'avantage des AIVS, c'est qu'elles "utilisent des logements déjà existants", continue Marc Esponda. De nouveaux logements sociaux peuvent ainsi être créés malgré la crise de la construction. Par ailleurs, on maintient sur place une population qui est déjà présente. On ne génère rien de nouveau, on met juste en place quelque chose de mieux géré". 

Le directeur général du Toit reste néanmoins lucide sur les limites du dispositif. "Si on veut vraiment que la mobilisation du parc privé puisse être significativement utile pour augmenter le parc social, il faut être plus incitatifs pour les propriétaires, avec par exemple de plus grandes déductions d'impôts fonciers ou des primes." Des considérations qui sont décidées au niveau étatique. 

On a affaire à un paradoxe : on demande aux acteurs privés de faire le job de la puissance publique.

Marc Esponda, directeur général de l’AIVS Le Toit

à France 3 Côte d'Azur

Les collectivités locales doivent elles aussi s'impliquer plus, estime le directeur général du Toit. En finançant et en faisant appel aux médiations locatives, comme les AIVS, elles auraient d'abord "une meilleure maîtrise de l'attribution des logements sociaux"

Elles pourraient aussi produire plus de logements abordables et classés en logement social sur le territoire, ce qui les aiderait à atteindre les quotas de la loi SRU. Et donc ne plus avoir à payer ou moins payer, du moins les pénalités pour le non-respect de ce dispositif, qui peuvent se chiffrer à plusieurs millions d'euros. 

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