On le connait héros de guerre, mais saviez-vous que Jean Moulin avait été galeriste à Nice afin de couvrir ses activités clandestines de résistant ? Alors que l’on commémore la Victoire du 8 mai 1945, une exposition est à découvrir rue de France non loin de là où il avait implanté sa galerie d’art. À voir jusqu'au 15 septembre.
C’est en 1943 et au 22 de la rue de France que Jean Moulin avait acquis la galerie Romanin. Même s’il était amateur d’art moderne, cette dernière lui servait surtout à couvrir ses nombreux déplacements. Il appelle la galerie Romanin, car c’est le nom sous lequel il produisait dessins et aquarelles étant adolescent. Une passion pour ce haut fonctionnaire. "Enfant, Jean n’était vraiment sage que lorsqu’il avait un crayon à la main. Il était très doué", témoigne sa sœur, Laure Moulin à France Culture.
Romanin est le nom d'un château des Alpilles.
Je ne savais pas que c’était si simple de faire son devoir quand on est en danger
Jean Moulin
Cette idée d’une simplicité exemplaire consistait à faire appel aux plus grands peintres. Avec sa complice Colette Pons, ils sollicitent les plus grands comme Henri Matisse ou Pierre Bonnard pour des exhibitions.
Il réunissait dans ce lieu ses deux passions, l'art et le défense de la France.
Jean-Marc Giaume Adjoint maire en charge des commémorations- ville de Nice
La première exposition a lieu le 9 février 1943 et réunit des peintres comme Raoul Duffy ou Suzanne Valadon. Un moment extraordinaire durant lequel un événement très surprenant se serait produit.
Le portrait du général Pétain se serait effondré sur le sol avec fracas ! Légende urbaine ou vrai moment historique, nous ne saurons jamais.
Jean-Marc Giaume, adjoint maire en charge des commémorations de la ville de Nice
Non seulement cette galerie d'art lui permettait de faire des connaissances dans le monde de la résistance, mais en plus, en tant qu'ancien artiste, elle avait une réelle légitimité.
Parmi les invités du vernissage, certains connaissaient les tenants et les aboutissements de cette vaste illusion, et il y avait surtout les autres, aveuglés par le voile opaque qu'avait su créer Jean Moulin autour de cette structure.
Un plan frôlait la perfection
Au-dessus de la galerie, l’appartement du 22 rue de France à Nice servait de planque aux activités clandestines du général de Gaulle. La galerie et l’appartement comportaient plusieurs issues et c’est pourquoi Jean Moulin pouvait s'y rendre tous les mois, en toute sécurité.
Né à Béziers en 1899, celui qui fut le plus jeune préfet de France de l’époque, en étant nommé préfet de l’Aveyron à seulement 38 ans, se faisait également appeler Rex, un nom qui circulait dans les couloirs de la résistance mais aussi dans ceux de la Gestapo. Tout comme Joseph Mercier, un nom qu'il avait choisi afin de garder les mêmes initiales.
C’est au lors d’une nouvelle exposition présentant notamment les œuvres de Picasso ou des dessins de Renoir que Jean Moulin brilla par son absence. Et pour cause, il avait été démasqué.
Il aurait appelé son associée et amie Colette Pons et lui aurait dit ce mot fatidique "vendez". Un message codé qui signifiait que sa couverture était compromise. Colette va fermer le local et mettre à l'abri les œuvres.
Loin de tout savoir sur la vie de Jean Moulin, mais pressentant le danger, cette dernière s'était exécutée sur le champ en mettant la clef sous la porte.
C'était une période sombre de l'histoire de Nice mais qui avait également valu les honneurs aux Niçois qui avaient su se montrer solidaires.
Jean-Marc Giaume, adjoint maire en charge des commémorations.
En mai 2013,
Rex, Romanin, Mercier, Moulin... a été arrêté en le 21 juin 1943 à Caluire près de Lyon.
80 ans après sa mort, des hommages
Le Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation de Lyon lui consacre une grande exposition à travers des témoignages de ses proches et de ses partisans, appelée Les voies de la liberté.
On y découvre des invitations et des affiches aux expositions qui se tenaient à la galerie Romanin de Nice.
Ou des lettres envoyées à sa famille. Des documents très personnels qui nous permettent de mieux cerner ce héros de guerre, premier président du Conseil National de la Résistance.
Comme celle-ci, faisant référence à sa maison à Saint Andiol dans les Bouches-du-Rhône (devenue un musée) :
Jean Moulin est mort le 8 juillet 1943 près de Metz à la suite de tortures dans un convoi à destination de l'Allemagne. Un calvaire qu'il avait subi en compagnie de plusieurs de ses camarades.
L'exposition en plein air est à découvrir place de la Croix de marbre à Nice.