L’annonce était attendue par la communauté scientifique. Elle est, aujourd’hui, confirmée. Après des mois de présentation de dossiers, de jurys et de préparation, le président de la République Emmanuel Macron a confirmé, la création d'un pôle d’excellence nationale en santé respiratoire à Nice avec la réalisation d'un institut hospitalo-universitaire baptisé RespirERA.
Le Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Nice, l'Université Côte d’Azur, l'Inria et l’Inserm ont été choisis et primé à hauteur de 20 Millions d’euros, par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) pour la création d’un Institut Hospitalo-Universitaire (IHU) à Nice, dans le cadre du plan France 2030.
Il sera dédié à plusieurs pathologies respiratoires : les cancers pulmonaires, la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), les fibroses interstitielles du poumon, la mucoviscidose et les allergies respiratoires, comme l'asthme.
Cette décision fait suite à un appel à projets lancé par le gouvernement français et s’inscrit dans le cadre du plan France 2030.
Dans le cadre de ce plan, le gouvernement a alloué 1 milliard d’euros pour renforcer la recherche médicale, avec un appel à projets doté de 300 millions d’euros pour la création de jusqu’à six nouveaux Instituts Hospitalo-Universitaires (IHU) en France.
"Avec la création du nouvel IHU RespirERA, Nice est amenée à devenir un pôle d'excellence en matière de recherche et d'innovation médicale sur les pathologies respiratoires. C'est une excellente nouvelle et la démonstration du dynamisme des projets menés par les chercheurs, cliniciens et entrepreneurs, au bénéfice de l'amélioration de la santé des patients. L'État se tiendra résolument aux côtés de Nice et de ses équipes pour relever ce défi et inventer dès aujourd'hui la santé de demain" explique François Braun, Ministre de la Santé.
Nom de code : RespirERA
Baptisé RespirERA, le nom de ce projet n'est forcément pas le fruit du hasard. Avec une telle équipe de savants, nul doute, qu'ils y ont bien réfléchi ! Ainsi, nous l'explique le professeur Charles-Hugo Marquette, pneumologue et cancérologue au CHU de Nice qui est porteur du projet RespirERA avec le professeur Paul Hofman, à l’origine de la découverte d’un test de dépistage précoce du cancer du poumon et responsable du laboratoire de pathologie clinique et expérimentale au CHU de Nice.
RespirERA c'est "il respirera" mais l'on peut également dire que c'est l'air de la respiration ou encore que c'est l'ère de la respiration, une nouvelle ère qui va s'ouvrir pour la respiration ! Voilà l'origine du nom de ce projet ! Astucieux non ?
le professeur Charles-Hugo Marquette, pneumologue et cancérologue au CHU de Nice.
Les trois mots clés de RespirERA
- Intelligences artificielles : avec le développement de programmes d'intelligences artificielles en partenariat avec l'Inria à Sophia Antipolis ;
- Impact de l'environnement : avec l'impact mesuré et la prévention de la pollution atmosphérique, quelle que soit la saison ;
- Vieillissement de la population : avec des essais cliniques sur la personne de plus de 65 ans.
Le trépied qui porte RespirERA
- Optimisation du soin et du parcours du soin du patient ;
- L'enseignement d'excellence, avec des masters internationaux qui vont se mettre en place avec l'université Côte d'Azur ;
- La recherche translationnelle et fondamentale. Ainsi, quinze équipes de recherche travailleront ensemble sur la pathologie respiratoire. Ces équipes ne seront pas forcément situées géographiquement à Nice. Une synergie se créera entre le Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Nice, l'Université Côte d’Azur, l'Inria et l’Inserm et différents établissements de santé comme l'hôpital Cochin de Paris, l'Institut Bergonié à Bordeaux et le Centre de lutte contre le cancer de Dijon.
Un IHU dédié à la santé respiratoire, ça change tout !
L'idée d'un IHU ce n'est pas, est-ce que je vais changer ma façon de travailler demain matin ? Est-ce que je vais changer mes traitement la semaine prochaine ? Un IHU ça a pour vocation, dans un domaine de la médecine ou de la science médicale, d'imaginer la médecine de demain, voire d'après-demain !
Professeur Charles-Hugo Marquette
Selon le professeur Charles-Hugo Marquette, "c'est une démarche intellectuelle qui est tout à fait particulière et c'est ça qui sous-tend la construction des IHU. Quand vous activez ce type de projet, vous ne dites pas, je ne suis pas trop mauvais, et je vais être encore un peu meilleur. Ça, tout le monde essaie de le faire. L'équipe qui est derrière un IHU se dit, compte tenu des connaissances de la médecine et compte tenu de ce qu'on va acquérir comme connaissances dans les années qui viennent, dans dix ans, voilà le pari qu'on fait. Alors, c'est vrai, on peut se fourvoyer totalement. Mais, nous sommes suffisamment nombreux pour éviter que nos cerveaux fassent de gros délires individuels."
Dans ce pôle d'excellence nationale va s'inventer la médecine de demain. Grace à cette mutualisation des moyens et des compétences, tout devrait être plus rapide et certainement mieux. Et surtout, on va développer, finalement, la médecine de demain !
Professeur Paul Hofman
Et d'ajouter : "Ce sont des projets où il faut avoir une vision à dix ans. En fait, il nous faut anticiper la médecine de demain et d'après-demain même ! Par exemple, éviter des réhospitalisations abusives en gardant les patients à domicile. Aujourd'hui et demain, plus encore, on sait que nous pourrons aussi très bien soigner à domicile. L'Hôpital ne pourra pas accueillir tout le monde dans les prochaines années et à domicile l'on pourra aussi éviter des infections nosocomiales. C'est donc aussi tout un projet économique et social qui se dresse en filigrane et qui finalement est au cœur de ce projet."
Des exemples concrets
Afin d'appréhender les applications concrètes que peut apporter le projet RespirERA, quelques exemples concrets s'imposent.
Il y a dix, quinze ans, la mucoviscidose était la maladie génétique le plus fréquente qui détruisait les poumons des enfants et des adolescents dans le monde. Aujourd'hui, on ne meurt plus de la mucoviscidose. Et selon certaines projections médicales, dans cinq ans cette maladie n'existera plus. Une raison à cela. Il y a dix ans, des scientifiques ont été suffisamment novateurs pour imaginer un traitement complètement sensationnel. Un traitement qui, aujourd'hui, est en train d'être affiné. "Ce genre de miracle, parce que je considère qu'on est proche du miracle, existe" selon le professeur Charles-Hugo Marquette. Et d'ajouter : " Nous, on se dit que si ça a été fait dans la mucoviscidose, pourquoi pas, ne pas l'imaginer dans un autre domaine, comme le cancer du poumon."
En effet, au cours des quarante dernières années, les progrès médicaux ont été colossaux. C'est le cas de l'immunothérapie qui consiste à restaurer la capacité des cellules immunitaires à détruire les cellules cancéreuses et les traitements ciblés qui sont des petites molécules qui vont aller taper sur le talon d'Achille de la tumeur du patient. Un vrai début de révolution médicale, mais qui a ses failles. Certains patients ne répondent pas à certains de ces traitements.
Notre idée c'est que dans dix ans, quand quelqu'un souffrira d'un cancer du poumon, y compris avec métastases, on pourra dire : c'est tel comprimé qu'il vous faut pour cibler le mal
Professeur Charles-Hugo Marquette
Notre idée, c'est que dans dix ans, quand quelqu'un souffrira d'un cancer du poumon, y compris avec métastases, on pourra dire : c'est tel comprimé qu'il vous faut pour cibler le mal dont le malade est atteint, et cela, sur la base de l'étude de ses cellules cancéreuses et sur la base de ses marqueurs (que l'individu aura dans sa prise de sang). Le futur, celui qu'on espère, ce sont des traitements extrêmement personnalisés du cancer du poumon".
L'allié de la médecine prédictive
Autre domaine d'application dans lequel RespirERA pourrait peser dans l'appréhension du cancer du poumon, la médecine prédictive. Si l'on en croit les statistiques, 15 à 20 % des personnes atteintes d'un cancer du poumon ne fument pas.
Selon le professeur Charles-Hugo Marquette, "la médecine de demain, pourrait, dans ce cas, intégrer le concept que la maladie résulte, certes, de notre patrimoine génétique, transmis par nos parents, mais aussi par la vie que nous menons, où nous sommes exposés à toutes sortes de polluants, de toxiques, de carcinogènes, par notre métier, notre lieu d'habitation, notre activité et/ou notre nourriture. Donc, si on associe des compétences en biologie, en épidémiologie et en intelligence artificielle, on pourrait cerner la population qui serait le plus à risque de développer, par exemple un cancer du poumon. Et cela, par le fait de joindre le patrimoine génétique et ce à quoi les individus sont exposés et d'étudier les conséquences de ces interactions. Ainsi, nous médecins, nous serons en capacité de dire à notre patient, que comme ils ont été exposés à tel ou tel toxique au cours de la dernière année, ils pourraient être susceptibles de développer un cancer du poumon. En cernant, de la sorte, la population à risque, nous pourrons proposer un dépistage précoce de la malade et donc mieux l'éradiquer puisqu'un cancer de stade 1 est entièrement guérissable."
En cernant, de la sorte, la population à risque nous pourrons proposer un dépistage précoce de la malade et donc mieux l'éradiquer puisqu'un cancer de stade 1 est entièrement guérissable.
Professeur Charles-Hugo Marquette
L'union unique d'une expertise nationale et internationale
Ce sera la 1ʳᵉ organisation française et européenne regroupant sur un même site une expertise nationale et internationale unique en recherche fondamentale, translationnelle et clinique, pour la formation, l’innovation et le soin dans le domaine des maladies respiratoires liées au vieillissement.
Ce pôle devrait réunir plus de 600 personnes, médecins, chercheurs, industriels et rassemblera une dizaine de laboratoires de dimension nationale et européenne.
Je me réjouis que l’excellence hospitalo-universitaire Niçoise soit aujourd’hui reconnue à un tel niveau
Christian Estrosi, maire de Nice et président du Conseil de surveillance du CHU de Nice
Autre bonne nouvelle pour la région PACA, la ville de Marseille vient d'être sélectionnée pour la création d’un biocluster dédié au développement des traitements de demain, contre les cancers, les maladies auto-immunes, ou encore les maladies infectieuses.
Près de 100 millions d’euros d’investissements sont décrochés par la région, en faveur de ce projet exceptionnel porté par l’Université d’Aix-Marseille, l’Assistance Publique – Hôpitaux de Marseille, l’Institut Paoli-Calmettes, l’INSERM, le CNRS, Eurobiomed, et un grand nombre d’industriels et de biotech de ce secteur.