DATA. Le système judiciaire en alerte rouge dans les Alpes-Maritimes

En grève cette semaine dans le cadre d’un mouvement de protestation national, les professionnels azuréens de la justice dénoncent une surcharge ‘inabsorbable’ de travail et des réponses gouvernementales insuffisantes.

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Ils étaient une petite centaine sur le parvis du palais de justice de Nice mardi 22 novembre. Presque autant devant le tribunal judiciaire de Grasse. Magistrats, avocats, greffiers, les professionnels du secteur de la justice ont répondu présents à l’appel national lancés par plusieurs syndicats pour dénoncer un cruel manque de personnels et la dégradation de leurs conditions de travail.

Un épuisement général qu’a déploré Hicham Melhem, vice-président du tribunal judiciaire de Nice et délégué du syndicat Unité Magistrats FO : "On ne peut pas s’empêcher de penser au Titanic, on est vraiment en train de couler. Et les commandants qu’est-ce qu’ils font ? Ils sont en train de s’auto-congratuler et font comme si de rien n’était", regrettait-il au micro de France 3 Côte d’Azur.  

18 mois pour un divorce

Il faut dire que la situation est critique sur la Côte d’Azur. Au tribunal de Nice, le délai moyen de jugement d’une affaire civile est de 800 jours, contre 600 au niveau national en 2020. 

Un chiffre déjà très en deçà de la moyenne européenne établie à un peu moins de 250 jours. Dans la capitale azuréenne, une procédure de divorce dure généralement 18 mois. 

En cause, selon Côme Jacquemin, l’abandon de la justice civile au profit de la justice pénale : "Un nouveau poste sera créé en 2023 au tribunal correctionnel pour répondre à la volonté de développer le nombre de comparutions immédiates. Sauf que ces dernières demandent beaucoup de moyen : du temps de greffe en amont, parfois trois juges au lieu d’un nécessaire, ou deux audiences au lieu d’une, s’inquiète le membre du Syndicat de la magistrature (SM). Ce n’est pas en faisant la course à la procédure rapide que nous allons répondre au malaise des professionnels ni aux attentes des concitoyens.

En amont de cette protestation, un communiqué signé de plusieurs syndicats a été publié pour une justice de qualité.

Pour l’année 2022, lors des dialogues de gestion, les chefs de juridiction et de cour ont demandé la création de 4.991 postes supplémentaires sur tout le territoire français. Seuls 289 emplois ont été octroyés selon l’Union syndicale des magistrats (USM)… aucun pour Grasse.

"Entre les postes non pourvus et les arrêts maladies longue durée, nous fonctionnons avec 25% de greffiers en moins. Actuellement, nous faisons face à une surcharge ‘inabsorbable’ de travail", alerte Nathalie Marie, co-déléguée de la section locale USM du tribunal judiciaire grassois.   

Réveil trop tardif ?

La mobilisation interprofessionnelle de ce mardi était aussi l’occasion de faire le bilan sur l’évolution du secteur depuis la publication, il y a un an dans Le Monde, d’une tribune signée par 8.000 magistrats, auditeurs de justice et greffiers (3.000 à l’époque), dénonçant une "justice au rabais". Un bilan largement en demi-teinte.  

En effet, si le gouvernement s’est engagé à recruter 8 500 magistrats et personnels de justice supplémentaires d’ici à la fin du second quinquennat d’Emmanuel Macron, et a annoncé pour 2023, une troisième hausse successive de 8 % du budget annuel du ministère de la Justice, le retard risque d’être difficile à rattraper. Une augmentation qui, cette année, compensera tout juste l'inflation.

La France, mauvais élève européen

Publié en juillet dernier, le rapport des États généraux de la justice évoquait un "état de délabrement avancé" de l’institution judiciaire française, se basant sur les données chiffrées de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (Cepej).

  • Budget annuel moyen (€) de la justice par habitant en Europe (source : Cepej) :

D’après le Conseil de l’Europe, la France alloue toujours moins de crédits à la justice que ses voisins européens. En 2020, elle y consacrait 72,50 euros par habitant contre 140,70 en Allemagne. La moyenne européenne étant de 78,09 euros. Concernant les effectifs, la situation est encore plus alarmante. A titre d’exemple, pour 100.000 habitants, le territoire français compte 3 procureurs, contre 11 en moyenne en Europe.

  • Ressources humaines des systèmes judiciaires européens :

De son côté, Côme Jacquemin se dit pessimiste quant à une évolution favorable à court terme : "Les réponses gouvernementales ne sont pas à la hauteur et j’ai de grandes incertitudes en la capacité du ministère de la Justice à recruter, former et intéresser autant de personnel supplémentaire en moins de cinq ans", conclut le juge niçois.    

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