De Fréjus à Nice, le difficile sauvetage des palmiers face au charançon

La Croisette ou la Promenade des Anglais sans palmier, ce n'est pas pour demain: Cannes et Nice replantent à tour de bras les arbres tués par le charançon rouge. Mais l'insecte menace toujours, et un arrêté controversé laisse la prévention au bon vouloir des villes.

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Le changement de réglementation date du début de l'été et concerne les 10 départements méditerranéens, dont la Corse, où les ravages de ce scarabée, arrivé dans les années 2000 dans des cargaisons de palmiers à bas prix en provenance d'Egypte, sont déjà avancés.

Depuis le 25 juin, les propriétaires ne sont plus tenus de faire appliquer des traitements préventifs "sauf dans les communes qui auront pris des engagements de lutte sur leur propre territoire", explique à l'AFP le ministère de l'Agriculture, auteur de l'arrêté qui abroge un précédent texte de 2010. Seule la destruction des végétaux contaminés continue de s'imposer partout.
  
"Que le ministère abandonne les traitements préventifs sauf pour les communes volontaires, c'est mortifère", reproche Daniel Chabernaud, vice-président du Collectif méditerranéen pour la sauvegarde des palmiers (CMSP) et de l'association ProPalmes83.

À Fréjus et Saint-Raphaël, la communauté d'agglomération s'organise depuis 2016 contre cet insecte dont les larves, de la taille d'un pouce, rongent le palmier de l'intérieur. Environ 5.500 palmiers, à plus de 80% chez les particuliers incités à adhérer à la prévention, seront traités cette année par injection.

Voici les coupables, les terribles larves du charançon : 
 

 

 "Mais si les communes avoisinantes ne le font pas, nos palmiers seront automatiquement attaqués! A la limite, cet arrêté est pire que le précédent !", se désole Daniel Chabernaud, vice-président du Collectif méditerranéen pour la sauvegarde des palmiers (CMSP) et de l'association ProPalmes83.

  
Le député LR des Alpes-Maritimes Bernard Brochand dénonce lui aussi les errements du gouvernement: l'arrêté "ne peut conduire qu'à un échec".

"La lutte contre un organisme nuisible, prolifique et destructeur tel que le charançon rouge du palmier requiert une volonté politique affirmée et l'organisation d'une lutte collective, associant les propriétaires publics et privés", ajoute-t-il auprès de l'AFP. 
 
 

Déjà trop tard ?


Or, sauf autour de Fréjus et dans le pays de Vence (1.100 palmiers traités dont 80% privés), il n'y a pas d'exemple vertueux de lutte collective en France selon lui. 
    
"La France n'était pas obligée de maintenir un arrêté de lutte et celui de juin a le mérite d'exister. Ca permet aux communes motivées de faire des traitements préventifs", nuance-t-on à la direction régionale de l'Agriculture
  
L'Union européenne a en effet abrogé la lutte obligatoire au 1er octobre 2018, estimant que le Rhynchophorus ferrugineus, de son nom latin, était désormais si répandu qu'il s'avère "impossible d'empêcher la poursuite de son introduction et de sa propagation dans la majeure partie du territoire de l'Union".

Des villes comme Grasse aident financièrement les particuliers à traiter leurs palmiers comme le montre ce reportage tourné en 2018 :
 


Qui pour poursuivre la lutte ?

    
Quelles communes seront volontaires pour poursuivre la lutte préventive ? Pour l'instant, aucune n'a déposé de dossier auprès de l'administration : 

A Cannes, où la mairie a négocié des tarifs réduits sur les kits de piégeages pour les particuliers, "la réflexion en cours". A Nice, où l'on ne jure que par des méthodes 100 % naturelles, la municipalité "attend les préconisations".
  
Visée par une plainte, la ville assure que ses traitements à base du champignon Beauveria donnent des résultats encourageants, avec seulement 15 palmiers publics perdus cette année contre 879 les cinq années précédentes.

Elle s'apprête à planter 1.600 palmiers sur la Promenade des Anglais, issus d'essences moins sensible au charançon. Un palmier neuf coûte entre 500 et 1.000 euros.
 

    
L'an dernier, dans un avis qui avait fait grand bruit, l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) avait estimé qu'il était trop cher de traiter préventivement tous les palmiers de la zone méditerranéenne déjà contaminée.
    
Traiter un palmier infesté revient 350 à 1.000 euros suivant la taille et les difficultés d'accès, rétorque M. Chabernaud. 
    
Mais l'abattage coûte pas loin du double, jusqu'à 2.000 euros pour les grands palmiers patrimoniaux, sans compter le dessouchage, les travaux de génie civil, la replantation et la perte patrimoniale. L'agglomération de Fréjus estime ainsi avoir économisé plus d'un demi-million d'euros depuis 2016 en sauvant ses palmiers.
 
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