Discutée depuis plus de 30 ans, la construction d'un nouvel établissement pénitentiaire à Nice semble toujours plus incertaine au fil du temps. Au point de susciter la désillusion du personnel carcéral.
Elle n'en finit pas de se faire attendre. À Nice, le projet de nouvelle maison d'arrêt piétine depuis de nombreuses années et l'ambition de sa livraison avant fin 2027 paraît de moins en moins réaliste. Pourtant, les 650 places de prison que devrait contenir ce nouvel établissement font partie intégrante des 15 000 places supplémentaires promises dans le plan d'action pour la justice présenté ce jeudi 5 janvier 2023 par le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti.
Lors d'une conférence de presse à Paris, le garde des Sceaux s’est engagé à porter le budget de la Justice de 9,6 à 11 milliards d'euros en 2027, ce qui représente une enveloppe supplémentaire de 7,5 milliards d'euros sur cinq ans. Ce budget doit notamment financer les embauches déjà annoncées de 10 000 fonctionnaires de justice, dont 1.500 magistrats, ainsi que la construction des 15 000 places de prison.
554 détenus pour une capacité de 363
Et ces places manquent cruellement. Dans un récent diagnostic, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté faisait état d'une situation dans les prisons "de plus en plus effrayante". Ceci est en partie dû à une surpopulation carcérale criante. La France comptait environ 73.000 détenus en novembre 2022, pour 60.000 places dans les prisons, soit un taux de densité carcérale de 120%.
Les chiffres azuréens sont encore plus inquiétants. Toujours en novembre 2022, le taux d'occupation de la maison d'arrêt de Nice a atteint 152,6%, avec 554 détenus pour une capacité de 363. L'établissement se classe ainsi parmi les 56 prisons françaises les plus surpeuplées, qui dépassent le seuil de 150%.
L'agglomération niçoise a donc bien besoin d'une nouvelle prison... qui n'arrive pas.
L'actuelle maison d'arrêt est en cœur de la ville construite entre 1887 et 1888 par l'architecte Dieudé-Defly :
En octobre 2018, la ministre de la Justice de l'époque, Nicole Belloubet inaugurait la maison d'arrêt de Draguignan et parlait d'une nouvelle prison à Nice en... 2022 !
"C'est un serpent de mer"
"Ce projet est au fond d'un tiroir, il est très hypothétique", déplore Nordine Souab, secrétaire local du syndicat UFAP UNSa de la prison niçoise. À contre-courant du projet du gouvernement, son syndicat ne revendique pas une seconde maison d'arrêt, comme celle qu'il existe déjà à Nice.
À la place de cet établissement qui n'accueille que des personnes en attente de jugement ou dont la peine est inférieure à deux ans, il souhaite que le nouveau bâtiment construit soit un centre de détention, pour les peines moyennes et longues. "Mais je sais que c'est une utopie", reprend Nordine Ouab, "s'ils font une maison d'arrêt, ce sera déjà pas mal. Mais pour l'instant, on n'a plus de son plus d'image depuis 2020".
Mêmes doutes pour son collègue de FO :
Ce projet, c'est un serpent de mer. On a des belles paroles, mais rien de concret.
Philippe Abime, secrétaire interrégional Force Ouvrière pénitentiaire PACA-Corse.
Il nous explique que "le problème, c'est le foncier".
La ville de Nice ne disposerait pas d'espace propice à la construction d'une telle structure, tandis que les communes environnantes montreraient une réticence prononcée à l'idée d'accueillir un lieu de détention sur leur territoire.
Résultat, rien ne bouge. "On n'est absolument pas confiant. On ne voit pas l'aboutissement. Je partirai à la retraite sans l'avoir vue, cette nouvelle maison d'arrêt !", confie Philippe Abime, surveillant depuis 1999.
Des pistes, mais pas plus
Pourtant, ce n'est pas faute d'avoir essayé. Depuis de nombreuses années, plusieurs pistes de lieu ont été évoquées : sur le site de La Lare à Peillon, à Saint-Laurent-du-Var, sur le plateau Tercier à La Trinité, quartier Saint-Roch ou encore à la place de la caserne Auvare de Nice.
Sans suite.
En 2021, le député LR Eric Ciotti, le président du département Charles Ange Ginésy, les maires de Nice et de Grasse Christian Estrosi et Jérôme Viaud, s’étaient mis d’accord pour proposer une réhabilitation de la prison actuelle de Nice et une extension de celle de Grasse pour créer 500 places supplémentaires. Ils avaient alors suggéré cette idée à Eric Dupond-Moretti dans une lettre.
Là encore, aucune décision ne semble avoir été prise par le garde des Sceaux. Contacté, le ministère de la Justice n'a à ce jour, vendredi 6 janvier 2023, pas donné d'explication. Dans un article de 20 minutes en date du 22 septembre 2022, la porte-parole du ministère de la Justice a affirmé « qu’aucun terrain n’avait été déterminé », que « plusieurs terrains sont à l’étude et tout est fait en concertation avec les communes », mais que :
Tout cela prend du temps, car c’est une zone dense et un projet très conséquent où énormément de paramètres rentrent en compte.
Le ministère de la Justice en septembre 2022.
Du côté de la mairie de Nice, on dit seulement que tout ceci relève du ministère. Décidément, cette nouvelle maison d'arrêt...Voilà donc 30 ans qu'on en parle, sans jamais vraiment trouver de solution.