Le risque d’être infecté par le VIH est neuf fois plus élevé chez les travailleurs et travailleuses du sexe. À Nice, pour lutter contre cette surexposition, l'association Aides va à la rencontre des prostituées pour leur donner des préservatifs et leur proposer un dépistage.
Ce soir-là, elle entre dans le camion de l'association Aides, conduit par Nina et Lisa. La nuit est tombée depuis un petit moment au-dessus de Nice et la jeune femme risque de manquer un client. Mais, cette fois, ce sera sa santé avant tout : "je dois faire attention. Je me fais dépister tous les trois mois."
Vêtue d'une jupe pailletée et d'une courte veste en fausse fourrure noire, elle boit un café pour se réchauffer puis elle s'installe sur la petite banquette bleue du véhicule. "Des fois, je souffre d'accidents. Les préservatifs se cassent", confie cette travailleuse du sexe aux deux militantes de l'association.
Au même moment, l'une d'elles lui prélève quelques gouttes de sang au bout du doigt. Trente minutes plus tard, le résultat tombe. Soulagement. Elle est négative.
Surexposition au VIH
En 2022, selon un rapport publié par l'Onusida en août 2024, les travailleurs et les travailleuses du sexe ont neuf fois plus de risques d'être infectés par le VIH que le reste de la population adulte générale dans le monde. Bien que ce chiffre ait baissé de 35 % depuis 2010, l'exposition des prostitués à ce virus est "disproportionnée" pointe Aides sur son site web.
D'après l'association, leur surexposition au VIH comme à l'ensemble des maladies sexuellement transmissible serait particulièrement due à "la criminalisation de certains aspects du travail du sexe, les lois punitives, les violences interpersonnelles ou institutionnelles, la stigmatisation et les discriminations". Sur sa page Internet, Aides assure ainsi que tout cela "constitue des barrières à 'la justice sociale et à l’égalité' pour les TDS et des 'obstacles' aux services de santé (VIH, santé sexuelle et reproductive)."
🚨 Ce 25 juillet, la @ECHR_CEDH a rejeté la requête déposée en 2019 par 261 travailleurs-ses du sexe (#TDS).
— Association AIDES (@assoAIDES) July 25, 2024
🔴 Les risques engendrés par une telle décision sont réels : plus de violences, ainsi qu’une plus grande contamination par le #VIH et les #IST. https://t.co/QeIcgLwL6k
En France, d'après un rapport de Médecins du Monde publié en 2022, la loi du 13 avril 2016 qui pénalise les clients, aurait un impact direct sur la santé sexuelle des travailleuses du sexe. Selon l'association humanitaire, cette loi amènerait les clients à imposer plus souvent et facilement leurs conditions sous prétexte qu'ils prennent plus de risques. Ainsi, des rapports non protégés peuvent être aisément demandés.
"Cette situation les pousse à prendre plus de risques au travail et les impacts sur la santé sont préoccupants. En effet, les entretiens qualitatifs évoquent de manière inquiétante un recul de l’usage du préservatif ainsi que des ruptures de traitement pour des personnes séropositives", est-il précisé dans le rapport.
Apporter de la confiance
Au volant de leur camion, Nina et Lisa vont ainsi au contact des travailleuses du sexe au moins une fois par semaine. "Depuis la loi de 2016, elles se cachent pour pouvoir avoir des clients", souligne l'une d'elles, en tournant son regard de droite à gauche. Depuis que les travailleuses du sexe se cachent davantage, les membres de l'association Aides ont plus de mal à les repérer. Toutefois, leur présence semble toujours appréciée.
"Ça m'apporte de la confiance", assure une des femmes rencontrée sur la route. Elle n'a pas beaucoup de temps. Elle refuse un café, mais prend volontiers le sac donné par Nina et Lisa. Il est rempli de préservatifs, le seul "rempart" — avec le dépistage — contre les infections sexuellement transmissibles, selon Santé Publique France. Les militantes d'Aides en profitent aussi pour discuter avec elle et faire un peu de prévention.
À noter, par ailleurs, que la vigilance face aux maladies sexuellement transmissibles est en baisse de manière générale.
#ENQUÊTE 🔎 | Pour ses 40 ans, AIDES a commandé une étude auprès de l'@IfopOpinion sur l’évolution du rapport de la population française au #VIH.
— Association AIDES (@assoAIDES) September 25, 2024
📊 Résultats : Une méconnaissance du VIH alarmante et une sérophobie encore ancrée dans la société en 2024. https://t.co/RRlbXBI05x
D'après un sondage Ifop pour Aides rendu public le mercredi 25 septembre dernier, 40 % des Français considèrent que les risques d'être contaminés par le sida sont faibles.
Ainsi, l'association souligne qu'actuellement 200 000 personnes vivent avec le VIH, tandis que 24 000 ignorent être infectées.
Puis, chaque année en région Paca, ce sont 300 personnes qui découvrent leur séropositivité.