À la peine pour recruter les assesseurs de ses 255 bureaux de votes pour les élections législatives du 30 juin et du 7 juillet, la mairie de Nice promet de les rémunérer 190 euros par tour de scrutin. Seul bémol : c'est interdit par la loi.
La dissolution surprise de l'Assemblée nationale par Emmanuel Macron, le 9 juin, a plongé les municipalités dans l'urgence de l'organisation des élections législatives anticipées, qui se tiendront le 30 juin et le 7 juillet.
Les mairies doivent préparer le scrutin en vingt jours – le minimum permis par la constitution –, ce qui n'est pas sans causer des problèmes logistiques.
À Nice, le manque d'assesseurs de bureau de vote se fait sentir. La municipalité de Christian Estrosi (Horizons) est à la peine pour dénicher le millier de personnes dont elle a besoin pour tenir ses 255 bureaux de vote. La mairie a donc publié un appel à candidature sur son site, promettant de rémunérer les assesseurs volontaires 190 euros brut par tour de scrutin. Les volontaires ont jusqu'au vendredi 28 juin pour s'inscrire en ligne.
Seul bémol : payer les assesseurs est interdit par la loi. Si les présidents et secrétaires de bureau de vote peuvent être payés, "les assesseurs ne sont pas rémunérés", énonce sans ambiguïté le Code électoral.
Manque cruel de volontaires
Dans les colonnes du Figaro, ce mardi 25 juin, la municipalité niçoise assume cet écart par rapport aux règles. "Cette pratique est rendue strictement nécessaire par le défaut de membres des bureaux de vote désignés par les candidats et les partis politiques. Les communes ne sauraient être mises en cause pour la totale inadaptation de cette disposition", lance un membre du cabinet de maire de Nice.
Afin d'assurer le bon déroulé du vote, les partis politiques sont normalement tenus de proposer des assesseurs à la collectivité. Mais, dans le contexte exceptionnel de cette campagne électorale express, ceux-là ont eu du mal à mobiliser leurs bénévoles. "Ils ne sont pas en capacité de fournir les assesseurs politiques en nombre suffisant. C’est le point central, le reste n’est que la conséquence", se justifie la même source à la mairie.
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L'Association des maires de France (AMF), présidée par l'édile de Cannes David Lisnard, prévenait déjà que "l’organisation matérielle des élections représente une charge importante pour les communes, dont l’exécutif ne semble pas avoir pleinement conscience", dans une déclaration au lendemain de la dissolution.
L'AMF faisait aussi part des "difficultés que rencontrent les communes à pourvoir les bureaux de vote en assesseurs en raison du désengagement massif des candidats et des partis politiques à proposer des personnes".
Le risque de sanction est faible
Si le Code électoral proscrit la rémunération des assesseurs, le risque de sanction ou d'annulation du scrutin pour non-respect du droit électoral est faible, compte tenu des circonstances exceptionnelles et du délai historiquement court pour l'organisation de ces élections.
Des précédents ont d'ailleurs été enregistrés dans d'autres communes, comme à Rennes pour les élections départementales de 2021, où la pratique était assumée. Le pas de côté de la municipalité rennaise était resté sans conséquence. Aucun maire n'a d'ailleurs jamais eu à se défendre pour ce motif devant un tribunal. "Il n'existe pas de jurisprudence, c'est une question qui n'a pas été tranchée par les tribunaux", explique Louis le Foyer de Costil, avocat spécialisé droit électoral.
L'idée d'une autorisation formelle de ces rémunérations fait même son chemin au Parlement, le sénateur (Union Centriste) du Doubs Jean-François Longeot en ayant fait la demande expresse au ministre de l'Intérieur en janvier dernier.
À Nice, la pratique serait ancienne, un ancien assesseur, inscrit sur les listes électorales de la ville a confirmé à France 3 avoir été payé lors d'une élection "il y a 20 ans !"
Contactée ce 27 juin, la mairie de Nice a précisé à France 3 Côte d'Azur dans un mail que "faute pour les communes de disposer réellement de volontaires suffisants pour tenir les bureaux de vote, de très nombreuses collectivités font le choix de recourir à leur personnel inscrit sur la liste électorale et de rémunérer les membres des bureaux de vote ou de permettre la récupération des heures effectuées. La jurisprudence électorale tolère explicitement cette organisation (Conseil d'État, 7ᵉ et 2ᵉ chambres réunies, 2 décembre 2022, n°461276)."
Quand on détaille cet article R44, on peut lire que : "des assesseurs supplémentaires peuvent être désignés par le maire parmi les conseillers municipaux dans l'ordre du tableau puis, le cas échéant, parmi les électeurs de la commune. (..) Les assesseurs ne sont pas rémunérés."
La mairie ajoute : "Aujourd’hui, les 1 024 postes nécessaires à la tenue des bureaux de vote sont pourvus. La Ville de Nice précise que cette organisation, très ancienne (mise en place avant les années 2000), n’a jamais fait l’objet d’une remarque du Service des Élections de la Préfecture et d’aucune décision contraire du juge électoral comme du juge administratif.
Cette pratique est rendue strictement nécessaire par le défaut de membres des bureaux de vote désignés par les candidats et les partis politiques et qu’elle est courante dans de très nombreuses communes, en particulier dans les plus grandes villes de France (Toulouse par exemple).
Les communes ne sauraient être mises en cause pour la totale inadaptation de cette disposition alors même qu’elles assument, avec un soutien financier de l’État qui demeure faible, l’organisation des scrutins politiques, en général, et de ces élections législatives imprévues, en particulier, dans le respect des principes constitutionnels d’égalité, d’universalité et de secret du suffrage. La jurisprudence du Conseil d'état le traduit d’ailleurs parfaitement."