Nice : Dans l'exigu centre de rétention, l'attente angoissée des migrants

Promiscuité, oisiveté, anxiété: tel est le lot des "retenus", ces migrants en transit au centre de rétention administrative (CRA) de Nice, visité pour la première fois par une élue PS et exceptionnellement par deux journalistes, dont une de l'AFP.

Le centre est installé depuis 1986 dans la caserne Auvare où se trouve notamment la PJ de Nice, dans des locaux construits il y a plus d'un siècle pour l'armée. "Un bâtiment pas adapté à notre mission", déplore le capitaine Cécile Bataille, chef du centre.
De fait, ce qui frappe d'abord c'est l'étroitesse des lieux : il est souvent difficile de se croiser de front dans les couloirs exigus aux peintures qui s'écaillent. 
"Et 38 places, c'est trop petit pour un département frontalier comme les Alpes-Maritimes, confronté aux flux migratoires venus d'Italie, il en faudrait 80", estime Didier Martin, le directeur départemental de la police aux frontières (PAF).

Quasiment jamais d'asile politique :

Bien que ce responsable insiste sur le fait que le CRA n'est "pas un lieu de détention", qu'on n'y pratique pas la fouille au corps, que la circulation y est relativement libre, la claustrophobie gagne rapidement le visiteur, derrière les fenêtres grillagées à barreaux. L'impression est accentuée par le son de haut-parleurs qui de temps
en temps hurlent les noms des personnes convoquées par l'administration au rez-de-chaussée.
Ce centre de 1.000 m2, contrairement aux deux autres CRA de la région (Marseille et Nîmes), ne reçoit que des hommes majeurs, installés par quatre ou six dans des chambres rudimentaires.
Il s'agit à 90% de Maghrébins, Tunisiens pour la plupart, les Alpes-Maritimes étant "une terre d'immigration tunisienne" depuis des décennies, souligne Jehan-Eric Winckler, directeur de cabinet du préfet.
"La durée de rétention moyenne tourne autour de 5-6 jours ici. On va rarement jusqu'à 45 jours", la durée légale maximale, précise M. Martin. A l'issue de leur rétention, 70 à 75% des personnes sont "éloignées" (vers leur pays d'origine ou le pays d'admission dans l'espace Schengen). Mais si leur Etat ne les reconnaît pas -ce qui est souvent le cas pour les délinquants sortant de prison-, ils sont remis en liberté avec obligation de quitter le territoire. Quasiment aucun n'obtient l'asile politique.

En 2011, au moment du "printemps arabe", 1.807 personnes sont passées par le CRA de Nice. L'an dernier, ils furent 1.759

Quarante-deux agents de la PAF travaillent dans ce centre, dont une vingtaine au maximum en même temps. Et ils ne sont que quatre la nuit.
Un médecin et une infirmière, des membres de l'association Forum Réfugiés qui aide les "retenus" à faire valoir leurs droits, des agents de l'Office de l'immigration et de l'intégration viennent compléter le dispositif dans ce bâtiment flanqué d'une cour de promenade minérale, ceinte de hauts murs et de barbelés.

Souplesse pour garder la paix sociale :

Malgré la promiscuité, la vétusté des locaux, ce CRA connaît peu de dysfonctionnements graves, selon la direction: aucun suicide n'a été rapporté jusque là et les fuites sont rares (une seule durant l'année écoulée). Les bagarres aussi.
Pour "garder la paix sociale, on est très souple avec le règlement: les heures de visite qu'on essaie d'adapter, la cigarette", explique le capitaine Bataille.
Les problèmes au quotidien relèvent plutôt du désoeuvrement, de la polytoxicomanie fréquente ou des automutilations. Beaucoup de Tunisiens se scarifient, repoussant ainsi de quelques jours leur "éloignement".
Ahmed, un Tunisien de Kairouan de 29 ans, issu d'une fratrie de neuf enfants, est arrivé au CRA il y a trois semaines. Il a payé 1.500 euros pour passer en 2006 vers Lampedusa en bateau. Il n'a "plus un centime" après avoir été arrêté par la PAF dans un train venant de Vintimille. Mais il pense qu'il va être relâché et rêve d'un travail à Marseille, explique-t-il. "De toutes façons, je ne peux pas rentrer chez moi: je me ferai engueuler par ma mère", lâche-t-il, angoissé. 
A l'issue de la visite qui aura duré plus de deux heures -avec interdiction d'enregistrer, photographier ou filmer, et possibilité limitée dans le temps pour parler aux "retenus"-, l'eurodéputée PS Sylvie Guillaume qui a déjà visité plusieurs CRA en France et en Grèce, estime que le centre de Nice n'a "rien de scandaleux", mais qu'il n'est "pas très propice à la rétention" de par "la contrainte des bâtiments très pesante à la fois pour l'administration et pour les retenus".
En participant à la campagne européenne "Open access now", qui vise à faciliter l'accès de la presse aux CRA, elle espère pouvoir "faire évoluer la situation à l'intérieur" de ces centres.
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