Nice, la ville que les Ukrainiens réfugiés ont choisie pour s'installer en attendant des jours meilleurs

Le département des Alpes-Maritimes est un point d’entrée majeur pour les Ukrainiens fuyant la guerre. Nice est située sur l’axe Sud qu’emprunte, via les Balkans, une population qui, pour certains, y avait déjà passé des vacances. L’image de carte postale mémorisée par ces personnes fait de Nice l'une des villes ayant accueilli le plus grand nombre de réfugiés.

L’Office français de l’immigration et de l’intégration est formel, c’est dans la région Île-de-France que l’on retrouve le plus grand nombre d’Ukrainiens, immédiatement suivi par la région PACA.

À peine plus de 2.600km séparent l'Ukraine de Nice. Un trajet réalisable en une trentaine d'heures de route pour un véhicule automobile classique. 

Rien d'étonnant à ce que les Alpes-Maritimes soient devenues une des terres de transit, ou d'asile, de la population ukrainienne. 

Selon la préfecture, plus de 28.000 ressortissants ukrainiens ont été recensés comme étant passés par ce département. La plupart ont poursuivi leur route vers d'autres destinations en France ou dans des pays européens. 

Iryna Bourdelles est Présidente de l’Association Franco-Ukrainienne Côte d’Azur, créée en 2016. Elle est arrivée en France, en 2003, comme jeune fille au pair, pour apprendre le français, puis, après une licence d’histoire de l’art et la rencontre de son futur époux, elle décide de s’installer définitivement en Côte d’Azur. Pour Irina, trois raisons ont conduit ses compatriotes au choix de Nice : "D’abord, la région est accessible par transport, en voiture, ou en avion en partant de la Pologne. Ensuite, à Nice il y avait déjà une petite communauté ukrainienne. Enfin, beaucoup connaissent de la France, Paris et la Côte d’Azur…"

Créée, au départ, essentiellement à but culturel, l’AFUCA s’est trouvée en première ligne dès le début du conflit. "Des familles, une dizaine, étaient en vacances ici et n’ont pas pu repartir vers l’Ukraine, explique sa présidente. On s’en est occupé. Tout de suite, le 24 février et les jours suivants, nous avons initié des manifestations, puis nous sommes passés à l’organisation logistique des convois humanitaires et à l’accueil des réfugiés sur place."

Pres de 12.000 Ukrainiens sont officiellement recensés dans les Alpes-Maritimes (3.319 familles et 2.490 personnes seules). 

Leur localisation est mouvante au gré des hébergements, mais les grands foyers urbains de la Côte d'Azur, et donc tout particulièrement Nice, sont particulièrement prisés.

Nous avons placé, bénévolement, plus d’une dizaine de traductrices, 7/7, à la Maison d’accueil des victimes. En mars, avec l’ouverture du Hub, c’était plus facile à gérer, mais jusqu’à juillet dernier, on a été très chargé. D’ailleurs, 5 de nos traductrices travaillent toujours, 7/7, non-stop, pour le Hub.

Iryna Bourdelles, Association France Ukraine Côte d'Azur

Un peu d’histoire de France et d'Ukraine

La France et l’Ukraine ont des routes qui se croisent dès le XXe siècle avec les massacres de la fin du tsarisme et la Révolution de janvier 1905. À cette époque, les premiers émigrés ukrainiens apparaissent dans l’Hexagone, bientôt rejoints par ceux qui fuient l’entre-deux-guerres. Impossible de déterminer un nombre exact tant, à l'époque, les émigrés ukrainiens et les émigrés russes sont confondus.

Entre 1917 et 1922, c’est la guerre d’indépendance ukrainienne et l’instauration de la République socialiste soviétique d’Ukraine. La France récupère une nouvelle vague d’émigrés, surtout composée d’anciens militaires et de militants politiques.

Entre 1945 et 1991, la population française et la population ukrainienne sont de tailles comparables. La France a, de son côté, connu le baby-boom et, l'Ukraine, l’afflux d’ouvriers et de cadres russes venus pour remettre en état les industries du Donbass et des grandes villes.

Dans les années 2000, selon l’INSEE, le nombre d’émigrés ukrainiens augmente encore et avoisine les 24.700 âmes. En 2021, l’OFPRA, l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides, reçoit une demande d’asile de 2.100 ukrainiens.

Le 24 février 2022, le début de la guerre russo-ukrainienne génère le plus grand mouvement de réfugiés en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.

En mars 2022, le Conseil de l’Union européenne active un mécanisme d’urgence afin d’offrir, dans les Etats membres, une protection temporaire aux personnes déplacées d’Ukraine (octroie d’un droit temporaire de séjour et de travail). Celui-ci est renouvelable en France tous les 6 mois, et pour une durée de trois ans.

Le ministre de l’Intérieur français, Gérald Darmanin, indique alors que tout le monde ne sera pas accueilli, mais que la France prendra sa part.

Depuis 1 an, c’est la Pologne qui demeure le premier pays d’accueil des réfugiés ukrainiens dans l’Union européenne. Huit millions d'Ukrainiens ont quitté le pays depuis le début de l'invasion russe, environ 100.000 d'entre eux résident actuellement en France.

Nice, terre d'asile

À la préfecture des Alpes-Maritimes, les Ukrainiens, sont venus, en masse, dès le début du conflit, chercher le précieux sésame "autorisation provisoire de séjour". Face au flot des nouvelles demandes quotidiennes à traiter, la préfecture est passée de 25 à 50 agents d’accueil pour délivrer les fameuses APS.  

Beaucoup d'Ukrainiens ont spontanément été accueillis par des particuliers. Mais, la solidarité s’érode vite et, face à l’afflux de réfugiés, Nice a dû s’organiser dans l’urgence. La ville a mis en place des structures d'accueil pour éviter d'être débordée.

La Maison d’accueil des victimes (créée après l’attentat du 14 juillet 2016), trop petite pour recevoir tous les demandeurs en quête d'une solution d’hébergement, s’est vu adjoindre les locaux désaffectés de l’ancien hôpital St Roch.

Puis, dans le cadre du Schéma national d'accueil mis en place par le gouvernement, un Hub inter-régional, dans un boulodrome couvert, a succédé aux solutions d’urgence. Des box, pour un peu d'intimité, équipés de lits de camp, offrent aux familles, pour une nuit ou plus, une solution d'attente.

Romain Gitenet est le Directeur opérationnel de l'Agence de sécurité sanitaire, environnementale et de gestion des risquesr. Il se souvient du guichet unique mis en place le 1er mars à la Maison d’accueil des victimes pour accompagner les réfugiés. Puis du transfert au Hub, inauguré le 24 mars 2022. "Très vite, raconte-t-il, on a compris qu'on était parti pour durer, alors, on a tout fait pour recruter et stabiliser avec des horaires de cantines, d'hébergement, de la sécurité, même si le Hub est ouvert H24."

L'infrastructure du Hub 

"L’idée du Hub n’était pas que les réfugiés y restent, explique son directeur. Le but était de répartir la prise en charge des déplacés sur plusieurs départements français puisque, très vite, on a atteint une saturation immobilière sur Nice. Toutes les régions ont été appelées à prendre leur part, notamment les villes moyennes et les zones rurales. Les premières vagues de réfugiés qui sont arrivées étaient issus des classes moyennes et aisées. Ces personnes connaissaient déjà la Côte d’Azur et donc ne voulaient pas la quitter. D’une manière générale, l’Ukraine est un pays industrialisé. Ces gens qui avaient un confort de vie s’attendaient à retrouver ce confort de vie."

Cette infrastructure regroupe de nombreux équipements : 

  • Un espace hébergement temporaire de 165 lits avec sanitaires et douches
  • Une cantine
  • Un centre médical et un appuie psychologique
  • Des distributions de biens de première nécessité
  • Un recensement des hébergements disponibles dans les autres départements et un transfert par véhicule vers ces hébergements.
  • 22.029 nuitées fournies par le HUB au 16/02/2023
  • 66.421 repas servis
  • 3.260 réfugiés transférés dans d’autres départements

Des Ukrainiens et Ukrainiennes arrivent encore un an après le début du conflit, ici à Nice, à proximité du Palais Nikaïa. 

À présent, les choses ont changé. Ceux qui arrivent, en bus ou par eux-mêmes, ne connaissent pas la région, mais, eux, ils ont connu la guerre. Ils ont des séquelles physiques et psychologiques. Ce n’est pas du tout le même profil et il y a beaucoup plus d’hommes qu’avant. On n’a pas à contrôler s’ils ont fui le combat ou si leurs critères de sortie d’Ukraine sont respectés. La plupart de ceux-là acceptent d’aller dans d’autres régions. Actuellement, nous faisons des transferts sur des zones, éloignées de Nice, comme le Jura par exemple.

Romain Gitenet, Directeur opérationnel de l'Agence de sécurité sanitaire, environnementale et de gestion des risques

Iryna Bourdelles, continue, avec l'Association Franco-Ukrainienne Côte d'Azur, à aider ses compatriotes. Le dévouement de ses membres est sans bornes. "Ils sont très investis et très sérieux, explique Romain Gitenet, mais ils n'ont plus de vie tant les bénévoles d'AFUCA en font."

Irina le confirme : "On envoie toujours des dons en Ukraine. Depuis le début du conflit, ce sont 29 semi-remorques qui sont partis d'ici. Les derniers avaient, à leur bord, nourriture et médicaments, mais plus rare, 30 lits médicalisés qui sont allés sur Odessa, un énorme groupe électrogène et un cabinet dentaire cédé par un dentiste niçois qui changeait d'équipement." 

Cette mobilisation qui ne faiblit toujours pas se traduit aussi par des rassemblements. "Samedi matin, à 11h, nous serons sur la promenade des Anglais, au niveau du Negresco, pour une manifestation pacifique et, le soir, à 18h, nous organisons, au Parc Phoenix, un grand concert caritatif avec des musiciens ukrainiens et l'orchestre symphonique de Vence." explique Iryna Bourdelles. Pour plus d'informations quant à ces rendez-vous, il est possible de contacter l'AFUCA au 07.82.22.61.80.

Quelques chiffres en France

  • 100.000 déplacés : c’est le nombre d’Ukrainiens arrivés en France depuis le début du conflit, dont près de 80% de femmes.
  • 87.928 (146.000 si l’on prend en compte les renouvellements) : c’est le nombre d’autorisations provisoire de séjours délivrées, valables 6 mois renouvelables. Elles comprennent notamment le droit au travail, aux services de santé, à la scolarisation des enfants...
  • 500 millions d’euros : c’est le cout de l’accueil des réfugiés ukrainiens en France

    Dans les Alpes-Maritimes, la population ukrainienne bénéficie d'une prise en charge spécifique coordonnée entre les services de l'Etat, les collectivités territoriales et leurs établissements, le réseau associatif et des particuliers volontaires.

    Le directeur opérationnel du Hub le confirme : "Le flux des réfugiés ukrainiens a baissé depuis 1 mois et demi à peu près. Ceux qui sont là doivent se résigner à avoir un mode de vie diffèrent pendant 1, 2 ou 3 ans, le temps que la guerre finisse et qu'ils puissent rentrer chez eux. Parce qu'ils ont tous cette volonté, rentrer chez eux. Certains sont même déjà repartis... et revenus. Les mouvements de guerre sont moins fort actuellement, mais quand on sortira de la période de froid, on verra s'il y a de nouvelles vagues de population vers l’extérieur. On aura sans doute encore de quoi faire cette année 2023." 

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