Le musée d’Art Naïf Anatole Jakovsky a donné carte blanche à Ben, l'artiste niçois qui fêtera ses 88 ans en juillet. L'occasion de créer de nouvelles œuvres et un résultat joyeusement fourre-tout qui met en lumière une vie de travail et de souvenirs.
"On est tous fous !" : c'est sous ce titre que Benjamin Vautier, alias Ben, expose pour un an à Nice, plus de 500 pièces. Des œuvres dont certaines ont été créées sur place. L'artiste niçois a en effet été en résidence pendant 3 mois au sein même du musée de l'avenue Fabron.
Ben y fait découvrir aussi de nombreuses œuvres issues de sa collection personnelle, signées Combas, ou par de parfaits inconnus. Des découvertes exposées dans plusieurs centaines de mètres carrés, jusque dans les jardins du musée, avec des sculptures ou des installations, comme ce ring appelé à accueillir des débats.
Cette folie créatrice qui le caractérise, Ben la tourne aisément en dérision, et s'en amuse. "Si l’on prend la politique internationale, j’ai l’impression que l’on est tous fous. Si on prend l’art, on est aussi tous fous, parce que les artistes, qu’est-ce qu’ils font ? Ils cherchent du nouveau, ils cherchent la vérité.", explique-t-il au micro d'Olivier Orsini, journaliste de France 3 Côte d'Azur, ce vendredi 12 mai.
Sa démarche artistique qui se moque volontiers de l’ego des artistes pour celui qui fêtera ses 88 ans en juillet prochain. "Je voudrais faire une sculpture de 12 mètres de haut sur l’ego, car l’ego est partout."
Marque de fabrique
Connu pour ses fameux slogans rédigés en lettres manuscrites blanches sur fond noir, "Je ne sais pas quoi dire", "Fais moi cygne" ou "Comment savoir si c'est de l'art ou pas ?", qui ont donné lieu à de nombreux produits dérivés, Ben est aussi un des représentants les plus connus du courant d'avant-garde Fluxus depuis sa rencontre à Londres, au début des années 1960, avec le principal fondateur de ce mouvement, George Maciunas.
Un mouvement qui a notamment célébré ses 60 ans en septembre, à Blois, dans le Loir-et-Cher.
Une "expo ratée"
Ben s'amuse encore et toujours. "C'est une expo ratée, j'ai mis tous mes souvenirs de famille au lieu de mettre des chefs-d'oeuvre", a-t-il expliqué à l'Agence France-Presse lors du vernissage.
J'ai raclé mes fonds de tiroir, j'ai trouvé des amis, j'ai trouvé des souvenirs, et je les ai mis dans ce magasin de souvenirs.
Ben, artiste niçoisAgence France-Presse
"Chacun d'entre eux a quelque chose à dire, chacun apporte quelque chose, c'est ça qui m'intéresse, le copieur pur, je l'élimine", a-t-il précisé à l'AFP à propos de cette sélection qui présente notamment le travail des plasticiens Bernar Venet ou Patrick Moya.
Ces oeuvres acquises par Ben côtoient les siennes, plus de 300 au total. Un brin déroutante, cette exposition est complétée par des oeuvres de la collection permanente du musée, celles du Douanier Rousseau notamment.
Dans un cocktail détonant, Ben a choisi de faire cohabiter des artistes comme cet assistant de Buren, qui s'était installé place du Tertre à Montmartre pour gagner sa vie en racontant "qu'être nul, c'est être en avance sur les autres", avec de parfaits inconnus, dont un, bipolaire, qui venait chaque semaine vendre à Ben un tableau, ou au contraire avec des stars hyper cotées comme Robert Combas. "Un des artistes que je préfère", a témoigné l'octogénaire, qui avait acquis plusieurs de ses toiles dans les années 80.
"Après une première expo avec lui dans un autre lieu de Nice il y a trois ans, j'ai voulu qu'il refasse ça ici, dans ce musée d'art naïf, et ce pour une durée d'un an, ce qui est rare aujourd'hui", a expliqué à l'AFP Robert Roux, adjoint au maire de Nice chargé de la Culture.
Ben, c'est celui qui parle le plus d'ego mais c'est aussi celui qui en a le moins, car c'est lui qui met le plus en valeur les autres en les exposant.
Robert Roux, adjoint au maire de Nice chargé de la CultureAgence France-Presse
Une performance
Invité lors du vernissage à réaliser une performance, l'épluchage d'un sac de 10 kilos de pommes de terre, Jean Mas, autre figure de l'école de Nice, a parlé de Ben comme d'un artiste "incontournable".
"On ne peut pas ignorer tout ce qu'il a fait, même si certains disent que c'est le bordel dans l'art, mais ce n'est pas grave, tout est art, et tout est art (NDLR: "tout têtard") devient grenouille", a lancé cet artiste entre deux coups d'épluche-légumes et une tirade en hurlant à réveiller un mort.
Durant cette année d'exposition se tiendront de la sorte différents événements, happenings ou débats, dans la plus pure tradition du mouvement Fluxus où musique, poésie et performances tiennent un rôle central.
- Avec AFP