Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin fait état de 400 enquêtes sur des réseaux de faux pass sanitaires en France. Une quinquagénaire décédée de la Covid à l'hôpital de Garches s'était procuré son faux document après d'un médecin niçois. Elle n'est pas un cas isolé. On fait le point.
Joint par téléphone, l'époux d'Aïcha, cette mère de famille de 57 ans décédée d'une forme grave de Covid-19 à l'hôpital de Garches dans les Hauts-de-Seine, est effondré. "J'ai tout fait. J'ai tout tenté pour qu'elle soit vaccinée".
Ma femme m'a dit : tu ne dis surtout pas que je ne suis pas vaccinée.
Lors de son admission à l'hôpital Raymond-Poincaré, début décembre, elle avait assuré être vaccinée en présentant un faux certificat acheté à un médecin en août.
Cette fausse déclaration a induit en erreur l'équipe médicale, qui n'a pu lui prodiguer le traitement adéquat à temps dans son cas :
"Compte-tenu de son âge, de la sévérité et de la rapidité de l'aggravation de son état, on aurait bien évidemment administré les anticorps monoclonaux neutralisants", explique le professeur Djillali Annane, chef du service de réanimation de l'hôpital Raymond-Poincaré de Garches.
La patiente est décédée ce vendredi 10 décembre.
Si cela peut avoir un impact sur les gens qui se baladent avec un faux certificat et sur les collègues qui délivrent de faux certificats, ce sera une bonne chose, parce que c'est une histoire bien triste.
Pr Djillali Annane, hôpital de GarchesFranceinfo
La malade aurait acheté pour 200 euros son faux pass sanitaire au mois d'août auprès d'un médecin niçois, dans le but de conserver son emploi d'hôtesse d'accueil malgré son refus de se faire vacciner.
Ce médecin exercerait au sein du centre de vaccination du Palais des Expositions de Nice. Le fameux "vaccinodrome" du centre-ville.
Il assure avoir été victime d'une usurpation de carte professionnelle. Auprès de nos confrères de BFMTV, la conseillère presse du maire de Nice a confirmé qu'il y avait eu "plusieurs dizaines d'usurpations avec sa carte, mais aussi avec celles d'autres médecins".
Avec d'autres confrères, il aurait porté plainte. Une enquête est en cours.
400 enquêtes sur des réseaux de faux pass en France
Invité du Grand jury RTL-Le Figaro-LCI ce dimanche, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a affirmé que "plusieurs milliers" de faux pass sanitaires avaient déjà été détectés en France.
Nous avons à peu près 400 enquêtes sur des réseaux de faux pass sanitaires, parfois malheureusement en lien avec des professionnels de santé.
Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur
Il y a, selon le ministre, déjà eu des interpellations, et les peines encourues sont "extrêmement fortes, cinq ans de prison" pour les organisateurs de ces réseaux. S'il s'agit d'un professionnel de santé, il risque en prime la radiation.
Si l'hypothèse d'une fraude volontaire de certains professionnels de santé attirés par le gain ou anti-vaccin n'est pas à exclure, la piste d'usurpations et de piratage informatique semble la plus courante.
Invité du 12/13 de France 3 Côte d'Azur ce lundi 13 décembre, Raphaël Gigliotti, secrétaire de l'Union régionale des professionnels de santé Pharmaciens PACA, a lui aussi fait ce constat :"On se fait pirater nos comptes."
Chaque pharmacien dispose d'une carte professionnelle dématérialisée, carte ICPS qui lui permet notamment de valider les pass sanitaires. Une cible facile pour les hakers. "Nous sensibilisons l'ensemble des professionnels de santé et des pharmaciens pour qu'ils signalent lorsqu'ils voient qu'ils se font pirater".
Aux urgences, des patients arrivent avec de faux pass chaque semaine
A l'hôpital d'Antibes dans les Alpes-Maritimes, les médecins confirment que ces dix derniers jours, quatre patients Covid sont arrivés au service des urgences munis d'un faux pass.
Dans le service hospitalier, la gravité de leur état pour leur âge a créé la suspicion. Les tests sérologiques ont permis de confirmer l'absence de charge vaccinale.
On a des patients de 35 ans, avec de faux pass sanitaires, qui sont dans des états catastrophiques, qui finissent en réa, et qui le regrettent. Nous aussi, on le regrette. On incite tout le monde à se faire vacciner, il n'est pas trop tard.
Dr Benjamin Verrière, président de la Commission médicale du Centre hospitalier d'Antibes
Selon les médecins de l'hôpital, 9 personnes sur 10 arrivant aux urgences pour un cas grave de Covid ne sont pas vaccinées.