Dans son rapport rendu ce mardi 5 octobre, la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Eglise (Ciase) établit qu'il y aurait eu en l'espace de 70 ans près de 3 000 prédateurs pour un nombre de victimes de plus de 216 000. Une pédocriminalité accablante pour l'épiscopat français.
C'est une déflagration dans le milieu catholique en France. Etabli par une Commission indépendante sur les abus dans l'Église (Ciase) qui a enquêté sur la pédocriminalité dans l'Eglise de 1950 à nos jours, le rapport Sauvé livre des chiffres vertigineux.
Le nombre de prédateurs est évalué, entre 2.900 et 3.200. Quant au nombre de victime, le chiffre donne le tournis : 216 000 personnes de moins de 18 ans auraient été l'objet de violences ou d'agressions sexuelles pendant leur minorité de la part de clercs ou de religieux catholiques.
Le nombre de victimes grimpe à "330.000 si l'on ajoute les agresseurs laïcs travaillant dans des institutions de l'Eglise catholique".
Des chiffres minimalistes pour une victime
Thomas Bidart habite Marseille et il a 45 ans. Il n' avait que 13 ans quand il passe un week-end à Auron avec le prêtre-aumonier Schoepff, alors curé de la paroisse du port de Nice. Il explique avoir été victime d'attouchements (ce que l'homme d'église nie) et il a porté plainte mais les faits sont prescrits. Les chiffres annoncés par le rapport ne l'étonnent en rien.
Ca ne m'étonne pas du tout. Le Pape parle de crise mondiale, quand de tels agissements perdurent pendant 70 ans, il ne s'agit pas d'une crise mais de faits alimentés et protégés. Et ils ont détruit la vie de futurs hommes en se taisant. Et les chiffres vont gonfler car suite à ce rapport, la parole va se libérer.
Thomas Bidart attend le procès de cet ecclésiastique "avec un tout petit espoir". Il y a contre lui d'autres plaintes, et deux ne sont pas prescrites. Mais Thomas Bidart craint d'être déçu. Pour lui, le triptique "enfants objets" "lenteur de la justice" et "omerta de l'église" complique tout. Il considère que l'Eglise est cynique en promettant des décisions, car il y a toujours un supérieur qui était au courant et qui n'a rien dit, ce qui le révolte.
Une culture du silence de l'Eglise
Et décidemment, les histoires se ressemblent.
Sébastien Liautaud habite Antibes, il est scolarisé dans une école privée. Il suit les cours de catéchisme et il a 11 ans quand lors d'un pélerinage à Rome, il dit avoir subi des attouchements sexuels là encore de la part du père Schoepff, le curé de sa paroisse. Il est atterré par le nombre d'enfants victimes avancé dans le rapport. Quand on se sait victime, quand on est victime et qu'on fait la démarche d'aller parler, juste avant, on pense qu'on est tout seul. Là, de se dire qu'on est autant dans la même institution, c'est un choc ! Ca veut dire que juste après la famille, la deuxième institution qui abiuse de mineurs c'est l'Eglise !
Il y a une responsabilité de nous laïcs par rapport à la sacralisation du prêtre, qui n'est "pas un pêcheur" comme nous. On lui attribue une toute puissance.
Un abus sexuel, c'est très compliqué à surmonter
Des procédures très longues
Lui aussi déplore la lenteur de l'Eglise et de la justice."Au départ, il y a des rumeurs, puis il y a des faits mais il ne faut pas que ça fasse de bruit. On décharge un prêtre de sa mission, puis on le déplace... Ce n'est pas la solution", conclut-il.
Faut-il une reconnaissance financière suite à ce rapport ? Il explique que l'argent n'est pas une motivation première. Pour autant, les victimes pour s'en sortir psychologiquement ont du faire appel à des professionnels à leurs frais.
Pour lui, l'Eglise doit a minima les rembourser à hauteur des frais engagés.
Désormais, Sébastien vit dans le Var, à la Motte. Il précise qu'il écoutera avec attention les réactions de l'Evêque de Nice et du Pape. Il estime que les chiffres du rapport donnent raison à tous ceux qui se sont éloignés de la religion ou qui ont perdu confiance en l'institution.
Et à 36 ans, il reste croyant. Il reste opposé au mariage des prêtres et il estime que le pardon est possible.