Autorisé à exercer la profession d'avocat après une décision du barreau de Nice, Anthony Borré est soupçonné par un conseiller municipal d'opposition d'avoir bénéficier d'un traitement favorable dans cette procédure. Dans le cadre d'une enquête préliminaire, la police a mené ce jeudi 29 juin plusieurs perquisitions visant à vérifier la régularité de la procédure.
Y a-t-il eu conflit d'intérêts dans la décision de l'ordre des avocats d'autoriser Anthony Borré, premier adjoint au maire de Nice, à porter la robe noire sans avoir passé le certificat d'aptitude à la profession d'avocat ?
C'est ce que cherchent à déterminer les policiers qui ont procédé à des perquisitions au domicile d'Anthony Borré et dans les bureaux niçois d'Adrien Verrier, bâtonnier de l'ordre des avocats de Nice, ce jeudi 29 juin.
Celles-ci ont eu lieu dans le cadre d'une enquête préliminaire ouverte après un signalement déposé auprès de la justice par Jean-Christophe Picard, conseiller municipal d'opposition EELV à Nice.
Révélé par Nice-Matin, ce signalement émis le 5 mai 2023 par l'ancien président d’Anticor (entre 2015 et 2020), l’association de lutte contre la corruption en politique, pointe le rôle qu'aurait joué Adrien Verrier, le bâtonnier de Nice, également avocat de la ville dans certains dossiers, dans une décision du conseil de l'ordre des avocats de Nice.
"Mon signalement a eu son petit effet. Je m'en félicite. Si je saisis le procureur, c'est pour qu'une enquête soit ouverte", a réagi Jean-Christophe Picard au micro de BFM Côte d'Azur ce jeudi 29 juin.
L'élu écologiste estime qu'Adrien Verrier ainsi que l’ex-bâtonnier Thierry Troin, qui a été l’avocat de la Semiacs, une instance liée à la Ville, "ont incontestablement pesé sur l’avis favorable accordé par le conseil de l’ordre à Anthony Borré".
Une passerelle légale
Car le premier adjoint de Christian Estrosi a obtenu des avocats du barreau de Nice le droit d'exercer la profession d'avocat, alors qu'il ne dispose pourtant pas du diplôme adéquat : le certificat d'aptitude à la profession d'avocat (CAPA).
Pour cela, Anthony Borré a formulé une demande de dispense de la formation théorique et pratique du CAPA (sur le fondement des articles 98-4 du décret du 27 novembre 1991). Cette procédure de dispense impose notamment d'avoir exercé pendant au moins huit ans des fonctions à caractère juridique. Pour la valider, Anthony Borré s'est prévalu devant le conseil de l'ordre d'avoir été entre 2011 et 2020 directeur de cabinet du maire de Nice.
Il lui a ensuite fallu obtenir l’aval du conseil de l’ordre, qu'il a obtenu le 5 décembre 2022, avec 12 votes pour, 2 contre et 5 abstentions en faveur de sa prestation de serment. Enfin, Anthony Borré a dû se confronter à un examen de contrôle de ses connaissances en termes de matière déontologique et de réglementation professionnelle. Il a réussi cet examen le lundi 17 avril 2023, à Marseille.
Plusieurs contestations
Cette passerelle légale pour accéder à l'avocature a servi à de nombreuses personnalités politiques avant Anthony Borré : Jean-François Copé, Dominique de Villepin, Noël Mamère ou encore François Hollande...
Pourtant, Maître Valentin Cesari, ex-bâtonnier du barreau de Nice, juge lui aussi "inqualifiable" la position du bâtonnier en titre. Dans un courrier en date du 28 avril dernier, Me Césari s'adresse à Adrien Verrier et s’étonne "vivement" que le bâtonnier en titre ait "présidé l’instruction de la requête visant à bénéficier de la dispense de formation et de diplôme (...), sans vous déporter en raison du manque d’indépendance qui peut vous être reproché, étant l’un des conseils de la Ville de Nice, dont M.Borré n’est rien de moins que le premier adjoint".
En mars dernier, Maître Henri-Charles Lambert, l'un des 1.200 avocats du barreau de Nice, s’est lui aussi tourné vers la justice pour contester l'admission d'Anthony Borré au conseil de l'ordre. Auprès de la cour d'appel d'Aix, celui qui fut l’avocat de Jacques Médecin a demandé au tribunal d’annuler la délibération du barreau de Nice. Son recours de maître sera examiné en octobre 2023.
"Tout a été fait dans les règles"
D'autre part, Marc Concas, avocat et élu de la ville de Nice en charge de l'éthique, estime qu'"il ne peut y avoir de conflit d'intérêts car la décision du conseil de l'ordre est collective et qu'elle a été parfaitement exécutée car conditionnée à un examen oral que Anthony Borré a réussi".
Mis en cause, Maître Adrien Verrier souligne lui que bien qu'il le préside, il n'est pas membre du conseil de l'ordre et ne peut donc voter : "je ne prends aucune décision, ce n'est pas moi qui ai décidé du rapporteur ni instruit le dossier". Il réfute toute situation de conflit d'intérêts et indique à France 3 Côte d'Azur n'avoir eu qu'un rôle purement "administratif".
Nous restons tout à fait serein sur l'issue de cette procédure pour laquelle l'ordre des avocats se situe au milieu d'un conflit politique qui lui échappe. Les services de police se sont présentés ce matin et ont demandé la communication du dossier professionnel de Monsieur Borré que nous avons communiqué en copie. Puis, ils sont partis.
Me Adrien Verrier, bâtonnier au barreau de Nice.France 3 Côte d'Azur.
C'est le conseil d'Anthony Borré, Me Xavier Cachard, qui a commenté dans un communiqué ce 29 juin l'affaire. Il précise que "cette perquisition intervient dans un moment classique de la procédure et permettra aux enquêteurs de démontrer la probité et l'intégrité de mon client dans l'affaire qui l'oppose à Monsieur Picard".
Me Cachard assure aussi que son client a accédé à la profession d'avocat après une procédure respectant la réglementation, après notamment "un examen de contrôle de connaissances".