Pourquoi la région Provence-Alpes-Côte d'Azur est celle où l'on fume le plus en France ?

D'après une étude de Santé Publique France, près de 30% des habitants de Provence-Alpes-Côte d'Azur sont des fumeurs quotidiens. C'est un record national, qui s'explique, selon l'addictologue Faredj Cherikh, par des critères sociaux, la proximité avec l'Italie, où le tabac est moins cher, et une mauvaise connaissance du réseau d'accès aux soins.

Un million de fumeurs en PACA selon une récente étude de Santé Publique France : c'est un record dont on se serait bien passé, à quelques jours de la journée mondiale sans tabac : Selon les auteurs de l'étude, en PACA, près d'un habitant sur trois allumerait une cigarette au moins une fois par jour. C'est chez les hommes que les disparités sont les plus marquées : 33,2% de fumeurs quotidiens en PACA contre 24,1% en Ile-de-France.

Comme partout ailleurs, le facteur socio-économique est décisif, même s'il n'explique pas tout.

Ce sont souvent des ouvriers, qui sont au chômage ou en recherche d'emploi, avec de bas salaires.

Faredj Cherikh, psychiatre, chef de service addictologie CHU de Nice

Le tabac à rouler plutôt que les cigarettes

Un profil type qui semble mettre à mal les discours sur l'effet dissuasif des hausses de prix du tabac. En réalité, l'addictologue niçois, qui est aussi président d'ARCA SUD (association régionale de coordination en addictologie) constate souvent un recours au système D, notamment pour les patients qui ont une addiction très forte.

On appelle cela le "craving" : "plus il est élevé, plus il traduit une envie impérieuse et incontrôlable de fumer". Et quand le paquet de cigarettes coûte trop cher, le fumeur se rabat sur le tabac à rouler, moins cher, qu'on peut doser à sa guise, et dont la consommation est difficile à évaluer.

Les patients qui viennent dans mon service me disent : j'ai pas trop les moyens, j'ai un gros besoin, donc j'ai recours au tabac à rouler"

Faredj Cherikh, psychiatre, chef de service addictologie CHU de Nice

Des cigarettes moins chères en Italie

Mais cette tendance, liée au statut socio-économique des fumeurs, ne suffit pas, selon les auteurs de l'étude, à expliquer le particularisme de PACA. 

Dans les trois régions où les différences persistaient après ajustement sur les principaux facteurs de risque sociodémographiques (...) il existait donc des spécificités régionales (...) culturelles (image du tabagisme), liées à des facteurs socio-économiques non pris en compte dans les analyses (conditions de vie, sociabilité, facilité d’accès à du tabac moins cher…)

Analyse régionale du tabagisme quotidien des adultes en France en 2021

Santé Publique France

L'accès à des cigarettes moins chères en Italie serait donc un facteur aggravant. Selon le Dr Faredj Cherikh, 4 cigarettes sur 10 qui sont achetées dans notre région le sont hors de nos frontières ou dans des réseaux de contrebande. Le second mauvais élève du classement, l'Occitanie, a, elle, une frontière commune avec l'Espagne et Andorre. Le phénomène risque-t-il de s'aggraver ?

Depuis le 29 mars dernier, pour se mettre en conformité avec le droit européen, la France a supprimé la limite de 200 cigarettes, soit une cartouche, qu'un fumeur était autorisé à ramener d'un autre pays de l'Union européenne.  

Des fumeurs moins motivés qu'ailleurs pour s'arrêter

Autre spécificité régionale relevée dans l'étude de Santé Publique France : on fume beaucoup et on ne compte pas s'arrêter. Seul un fumeur sur deux se dit prêt à se sevrer, contre 65% en Ile-de-France. Est-ce parce que la prise en charge y est moins efficace ?

Nous avons les mêmes protocoles qu'ailleurs : on fait de la prévention, nos équipes sont motivées. Nous sommes aussi bons qu'ailleurs mais il y a un problème d'accès aux soins.

Faredj Cherikh, psychiatre, chef de service addictologie CHU de Nice

Dans les Alpes-Maritimes par exemple, il existe 13 CSAPA : des centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie. Certains sont hospitaliers, d'autres associatifs. Tous assurent une prise en charge gratuite. Parfois même, la carte vitale n'est pas demandée. Mais il y a une méconnaissance de ce réseau, et parfois un manque d'accompagnement du médecin traitant, qui reste le premier professionnel de santé à consulter dans ce parcours de sevrage. "Le médecin traitant doit assurer un conseil minimal en posant deux questions : est-ce que vous fumez ? Est-ce que vous souhaitez arrêter ? Ce sont des entretiens motivationnels a minima qui devraient être pratiqués systématiquement" estime l'addictologue.

Et de rappeler ce chiffre : chaque année en France, 75 000 fumeurs décèdent d'une pathologie liée au tabac, 10  à 15 ans plus tôt que s'ils n'avaient pas fumé. Même si le nombre d'accros à la nicotine n'a cessé de diminuer depuis les années 50, le tabagisme reste la première cause de mortalité évitable. 

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