Jusqu'ici accaparé par ses fonctions de président, Emmanuel Macron accélère sa campagne en présentant son programme. Il y a un an, des chercheurs de Nice avaient envisagé son discours la présidentielle grâce à l'intelligence artificielle. Alors ? L'IA avait raison ?
Ce jeudi 17 mars, à seulement trois semaines du premier tour de l'élection présidentielle, Emmanuel Macron a présenté son programme et en tête des intentions de vote au premier tour.
Bousculé par l'actualité internationale, sa candidature s'est faite attendre.
C'est avec sa "Lettre aux français", publiée dans la presse quotidienne régionale qu'il a officialisé son entrée dans la course à l'Elysée.
En mai dernier, un livre, publié par un chercheur du CNRS azuréen décryptait les habitudes sémantiques du président de la République. Un travail réalisée avec le concours de l'intelligence artificielle (IA). C'est elle qui écrivait alors le discours d' investiture, à partir de l'analyse des prises de parole du président.
Sans surprise, les deux textes, celui de l'IA et le celui de 2022 sont bien différents.
"L'IA, n'a d'intelligent que le nom, précise Damon Mayaffre, chercheur du CNRS, au laboratoire BCL de l'Université Côte d'Azur. Elle reste soumise aux données rentrées et elle ne peut pas prédire l'actualité."
Derrière les mots
L’algorithme, créé par le chercheur et Laurent Vanni (ingénieur de recherche à l'Université Côte d'Azur) n'a pas pu prévoir la guerre en Ukraine, mais il a su "parler comme" le candidat Emmanuel Macron.
"Emmanuel Macron aime utiliser des mots avec le suffixe en "tion", "qui marquent le résultat d'un processus. Il a l'obsession de se montrer comme un homme en mouvement".
L'IA avait entre autre choisis des mots comme: "transformations", "reconstruction ", "émancipation", dans son discours le candidat aura choisi "transformations", "transitions", "innovation".
Pour le chercheur, cette analyse pointue n'est pas anodine.
Le combat politique se joue aussi sur les mots, qui vont décrire le monde comme le voit le candidat et définir son programme.
Selon le chercheur et l'ingénieur de recherche Laurent Vanni
L’algorithme aurait même réussi à trouver la lettre préférée d'Emmanuel Macron : le r en début de mot.
"Cette lettre contient tout le Macronisme : il utilise des mots de gauche, en mettant un préfixe réactionnaire, pour plaire à la droite."
Voilà, à quoi pourrait devait ressembler le discours d'Emmanuel Macron selon l'IA :
Chères concitoyennes, chers concitoyens
Les transformations profondes que j’ai souhaitées en 2017 ont changé la France et l’Europe. Elles demandent aujourd’hui à être renforcées afin que la reconstruction engagée porte désormais ses fruits au bénéfice de toutes et de tous. J’ai entendu vos inquiétudes, parfois vos colères, et je partage votre impatience.
Face aux nationalistes, au populisme, à la tentation du repli, qui ne signifient rien d’autre que l’immobilisme, je veux incarner le choix de l’espoir, du progrès et de la réconciliation. Je veux porter le projet d’une société nouvelle dans laquelle la libre expression des talents, l’égalité entre les femmes et les hommes et les mobilités sociales assureront l’émancipation véritable.
Au cœur des territoires, les innovations technologiques, l’intelligence artificielle et le numérique offrent aux acteurs, entrepreneurs, chefs d’entreprise ou salariés, une liberté historique et concrète de s’épanouir, sous condition d’une démocratie renouvelée dans laquelle l’ordre, le dialogue réel et la pleine concertation seront les meilleurs gages de notre renaissance. C’est en profondeur que je veux refonder l’agora et le pacte social pour que le projet qui est le nôtre advienne sans peur, sans jalousie, ni tabou.
Des idéologies mortifères et des violences ressurgissent partout en Europe espérant étouffer les solutions que nous allons mettre en œuvre tous ensemble de manière pragmatique, loin des dogmes et des fondamentalismes, chacun et chacune prenant sa part, chacun et chacune saisissant sa chance.
C’est pourquoi je vous appelle à porter en avant ma candidature, parce que je veux que le travail et l’innovation soient enfin récompensés […]
Un outil démocratique ?
Le processus d'analyse est maintenant étendu aux 8 principaux candidats à la Présidentielle. L’algorithme analyse les mots, leur répétition, leur place dans le discours, leur articulation grammaticale pour évaluer les thèmes mis en avant par chacun, mais aussi si leur position : plus de droite ou de gauche.
Un site accessible au grand public a même été créé, "le discours est un moment démocratique essentiel, il y un risque de manipulation rhétorique, alors la machine peut éclairer les prises de parole sans être partisane."
Faire écrire les discours par l'IA
L'objectif serait même de faire créer le discours d'investiture de chaque candidat par l’algorithme, nourrit par les prises de parole publique.
Il y a cependant une limite reconnait le chercheur : "Alors que le débat présidentiel est normalement un moment d'exhibition des différences, avec la guerre en Ukraine il y a un consensus."
Les chercheurs et les élèves doivent donc sélectionner les discours pour ne pas saturer la machine, qui analyse tout, sans prendre en compte l'actualité.
Si les algorithmes ne semblent pas encore remplacer les communicants, l'analyse des habitudes linguistiques des candidats en dit beaucoup sur leur vision politique.