Procès de l'attentat de Nice : "Pire que la peur, j'ai découvert la haine", le combat de Juliette contre ses démons

Elle n’a que 22 ans, mais la maturité d’une jeune fille qui a brutalement quitté l’insouciance de l’adolescence le soir du 14 juillet 2016. Ce mardi 4 octobre, Juliette C. a raconté comment, six ans après avoir échappé de peu à la mort sur la Promenade des anglais, elle lutte contre la peur et la haine.

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De ses premiers mots, déborde déjà une colère froide : 

Le terroriste est mort : il ne pourra jamais souffrir autant qu’il nous a fait souffrir. A cause d’une personne, et peut-être d’autres présentes dans la salle, il y a trois minutes de ma vie qui sont omniprésentes et qui sont impossibles à oublier.

Juliette C.

Juliette C. est en vie, elle n’a perdu aucun proche. Et pourtant, à la barre, elle va raconter ses deuils blancs : d’abord le deuil d’elle-même, cette jeune ado enjouée et optimiste, adepte des sports extrêmes.

J’étais vraiment sociable et heureuse, j’avais beaucoup d’amis (…) J’étais persuadée que je pouvais changer le monde avec de belles idées, j’avais foi en l’être humain, j’en suis revenue.

Juliette C.

Elle raconte aussi le sentiment d’avoir "perdu" sa petite sœur, pourtant belle et bien là, à ses côtés. "Avant, elle incarnait la joie de vivre", décrit-elle. "Aujourd’hui, elle est renfermée sur elle-même, on ne peut pas la toucher sans qu’elle sursaute."

Des bribes de souvenirs

Coline avait 10 ans au moment de l’attentat. À côté de sa grande sœur aux cheveux longs et à la parole aisée, Coline, coupe courte, phrases courtes, semble vouloir disparaître dans son grand sweat à capuche. Elle donne l’illusion d’avoir traversé l’attentat, dont il ne lui reste que des bribes de souvenirs, sans grand traumatisme.

Je ne me sens pas vraiment légitime d’être ici quand j’entends des gens qui ont perdu des proches, des blessés physiques ou même psychologiques comme ma mère et ma sœur, qui souffrent de crises d’angoisse et d’hypervigilance.

Coline

Elle n’a pas tous ces symptômes, mais sa mère et sa grande sœur sont persuadées qu’elle a tout verrouillé en elle. Coline l'avoue elle-même : "J’avais 10 ans, je n’avais pas les mots, je n’avais pas le mot attentat dans ma tête".

Avancer sur son projet professionnel, coûte que coûte

Juliette, elle, aimait déjà les mots. La jeune fille veut devenir professeur d’histoire. Après cet été noir, elle retourne au lycée, et s’interdit toute souffrance. Car une autre jeune fille, qu’elle connaît, ne fera pas sa rentrée. C’est Laura Borla, décédée sur la promenade des Anglais.

"J’ai passé l’année à donner le change, à rigoler, à manger rapidement et m’enfermer dans les toilettes pour pleurer", explique Juliette. Tant bien que mal, la jeune fille continue d'avancer vers son but professionnel, travaillant d’arrache-pied pendant trois ans en classe préparatoire, avant de poursuivre ses études à Paris.

Mais à la barre, elle tient à dresser "la liste un peu pathétique" de tout ce qui l'angoisse depuis six ans. Le permis voiture qu’elle n’arrive pas à passer "parce que j’ai l’impression de porter une kalach, à chaque faux mouvement je peux répandre la mort".

Elle se sent en permanence comme une cible potentielle. "Si vous voulez vous échapper", dit-elle au président de la Cour, "demandez-moi, je sais exactement par où".

Dans une rame de métro sans lumière, j’ai cru que j’allais mourir. Sur les Champs-Elysées, une voiture est arrivée trop vite : je suis rentrée chez moi en courant.

Juliette C.

Elle poursuit : "je fais attention de ne pas avoir un sac trop lourd, je marche très vite, je fais attention à la manière de m’habiller, pour pouvoir m’échapper".

"Je me dégoûte"

Parce qu’elle a l’impression que la mort lui colle à la peau, quand elle est avec ses proches, elle ne peut pas s’empêcher de penser qu’elle va les perdre, par sa seule présence à leurs côtés. 

Mais, pire que la peur, j’ai découvert la haine, et il n’y a rien de pire que la haine.

Juliette C.

La haine envers le terroriste, mais aussi la haine envers elle-même, "parce que mon premier réflexe a été de penser qu’il fallait aider le camion, parce que je me suis enfuie, je ne suis pas allée aider, et s’il devait y avoir un autre attentat, je chercherais d’abord à sauver ma peau. Je me dégoute."

Et de conclure : "j’ai peur de pas pouvoir oublier la haine, le camion ne m’a pas tuée mais j’ai parfois l’impression qu’il a écrasé mon humanité".

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