Procès de l'attentat de Nice : l'ancienne épouse du terroriste ne viendra pas témoigner

Alors que démarre ce mardi la troisième semaine d'audition des parties civiles devant la cour d'assises spéciale de Paris, le président a rendu sa décision : il ne demandera pas de contre-expertise psychiatrique concernant Hajer K. et passera outre son audition.

Elle ne sera donc pas entendue. Pourtant, elle est sûrement l'une de celles qui connait le mieux Mohamed Lahouaiej Bouhlel. Pour le meilleur, et surtout pour le pire, Hajer K. a épousé le terroriste en 2006, 10 ans avant qu'il ne commette l'attentat du 14 juillet, tuant 86 personnes sur la Promenade des Anglais. 

Sa parole était donc très attendue : Hajer K. était initialement convoquée le jeudi 27 octobre 2022, devant la cour d'assises spéciale de Paris qui doit examiner pendant une semaine le parcours du terroriste, de son enfance à son funeste passage à l'acte. 

Plusieurs certificats médicaux et une expertise psychiatrique

Mais, depuis le début du procès, son audition était en suspens. La femme a d'abord produit des certificats médicaux attestant qu'elle n'était pas, psychologiquement, en état de témoigner. L'un des psychiatres évoquait un risque de décompensation de ses troubles psychotiques mettant en péril le suivi de ses enfants.

Le président de la cour a alors ordonné une expertise psychiatrique, aboutissant aux mêmes conclusions, et à l'issue de laquelle Hajer K. a dû être hospitalisée. Il a rappelé, ce mardi matin, qu'elle avait fait l'objet de 204 consultations psychiatriques depuis 2016, et qu'elle suivait un traitement médicamenteux lourd. 

Il faut dire qu'Hajer K. a vécu l'enfer avec son mari : viols, insultes, menaces, humiliations, déviances scatologiques. Aux enquêteurs, elle confiera : 

Il aimait le mal, il aimait me brûler avec des pailles, il me frappait à coups de pied sur la tête car il voulait voir le sang couler. C’était un monstre, même le diable s’est inspiré de lui.

Hajer K. ex-épouse de Mohamed Lahouaiej Bouhlel

Par deux fois, en 2011 et 2014, Hajer K. portera plainte. Mohamed Lahouaiej Bouhlel ne sera jamais réellement inquiété. Au moment des faits, ils sont en instance de divorce.

Des demandes contradictoires

Vendredi 30 septembre, le président de la cour a donc ouvert le débat : faut-il s'en tenir à ce que dit le médecin expert, évoquant des troubles et une grande fragilité psychologique, et renoncer à la convoquer ? Ou faut-il ordonner une contre-expertise comme l'a demandé Me Cathy Guittard, avocate de victimes 

Dans les rangs des parties civiles, hormis quelques rares exceptions, la plupart des avocats ont réclamé cette contre-expertise. "Témoigner devant une cour d'assises n'est pas un choix, ça n'est pas une option", dira une avocate. D'autant que le président de la cour a fait état d'un mail reçu au mois d'avril dernier, qui a jeté le trouble : par l'intermédiaire d'une association d'aide aux victimes, Hajer K. y fait part de son souhait de se constituer partie civile.

Vous imaginez le choc pour les parties civiles d'apprendre une chose pareille ?

Philippe Soussi, avocat de parties civiles

Elle se dit aussi prête à témoigner dans des conditions garantissant son anonymat. Alors, comment expliquer sa volte-face aujourd'hui, et son souhait de se soustraire au regard de la cour ? 

Du côté de la défense, il y a unanimité pour dire à quel point son témoignage est aussi important qu'impossible à recueillir, compte-tenu de son état psychique. 

On nous dit qu'il y a presque des troubles psychiatriques où elle peut croire qu'il est encore vivant, ou qu'il y a des risques de suicide la concernant, et dans cette situation-là, il est très difficile d'imaginer contraindre cette personne à se présenter devant une cour d'assises.

Maître Florian François-Jacquemin, avocat de Chokri Chafroud

Pourtant, les avocats de la défense comptaient sur son témoignage pour asseoir leur stratégie : tenter de prouver qu'en fonçant sur la foule avec son camion le 14 juillet 2016, Mohamed Lahouaiej Bouhlel a agi comme un fou et non comme un terroriste.

L'avocat général, à l'origine de sa convocation, avait lui aussi conclu qu'il fallait s'en tenir à la première expertise et renoncer à son témoignage.

C'est la décision qu'a prise finalement le président de la cour, décidant de passer outre son audition. Aucune des parties du procès ne s'y est opposée ce jeudi matin. 

Une déception pour Stéphane Erbs. Le co-président de l'association "Promenade des Anges" a perdu sa femme Rachel le 14 juillet 2016. Pour lui, ce témoignage était nécessaire à la manifestation de la vérité, pas seulement concernant le parcours du terroriste. 

"Elle aurait pu nous aider à faire la lumière sur les relations qu'entretenaient Mohamed Graïeb et Chokri Chafroud [deux des principaux accusés, NDLR] avec le terroriste. Eux qui disent "on n'était pas au courant, on ne le voyait quasiment jamais". Elle aurait pu éclairer la cour"

Stéphane Erbs, co-président de Promenade des Anges

Il faudra donc se contenter, au mieux, de la lecture des déclarations qu'elle a faites face aux enquêteurs et aux juges d'instruction pour tenter de mieux cerner la personnalité et le degré de radicalisation de Mohamed Lahouaiej Bouhlel. 

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