Au tribunal de Nice, le parquet a requis la relaxe mercredi 30 mai Martine Landry, 73 ans. Cette militante d'Amnesty International est poursuivie pour son assistance à deux mineurs guinéens en 2017. Le jugement a été mis en délibéré au 13 juillet.
"Il y a toute une série de manoeuvres pour faire croire que les mineurs étaient déjà sur le territoire (...) Toutes leurs tentatives pour venir en France avaient échoué et c'est pour ça qu'on a voulu qu'ils soient transférés en France de façon plus tranquille", a affirmé la représentante du parquet Valentine Vinesse, dans un réquisitoire choc.
La procureur n'a requis aucune peine contre Mme Landry, estimant qu'elle était "le dernier maillon de la chaîne" contrairement à "des acteurs qui ont participé à ces manoeuvres et pas présents au tribunal".
"Le parquet aurait intérêt à des poursuites pour faux, usage de faux et tentative d'escroquerie", a-t-elle menacé, après deux heures d'audience au cours desquelles la bénévole aux cheveux blancs a été soumise à un feu roulant de questions sur l'horodatage des emails, des fax, des accusés réception et autres preuves des démarches entreprises pour les deux jeunes migrants avant leur arrivée au poste-frontière de Menton le 28 juillet 2017.
Martine Landry, observatrice à la frontière avec l'Italie depuis 2011, a répété qu'elle avait recueilli au panneau France les deux Guinéens sans les convoyer à pied depuis l'Italie comme cela lui était reproché. Elle a rappelé que les deux migrants avaient été interpellés avec des adultes lors d'une perquisition chez le militant Cédric Herrou dans la vallée de la Roya, puis renvoyés vers l'Italie, ce qu'a contesté le parquet.
A sa sortie du tribunal, où elle était entrée sous les encouragements de plusieurs dizaines de militants, Mme Landry s'est étonnée du réquisitoire: "Pourquoi aurions-nous monté tout un stratagème pour ces deux mineurs, alors qu'il y en a des dizaines qui passent toutes les semaines à cette frontière ?!", a-t-elle interrogé, déplorant "des suspicions reposant sur des élucubrations".
"Il y a une politique générale pour intimider tous ceux qui portent assistance aux migrants et c'est pour ça que nous demandons l'abolition du délit de solidarité", a-t-elle revendiqué.
Reporté à trois reprises, le procès est une première en France contre une membre d'Amnesty, également bénévole de l'Association nationale d'aide à la frontière pour les étrangers (Anafé).
Son avocate, Me Mireille Damiano, a annoncé qu'elle allait saisir l'ordre des avocats pour dénoncer les attaques lancées par la procureur: "Après que la cour d'appel d'Aix a dit "attention, les solidaires si vous agissez pour des causes militantes, on ne vous applique pas l'exception humanitaire", on vient nous dire "attention la défense, si vous dites des choses qui nous ennuient fortement, on va vous casser aussi!"", a-t-elle dénoncé.
Depuis 2015, au moins douze militants associatifs, dont Cédric Herrou, ont été condamnés à Nice ou à Aix-en-Provence à des peines d'amende,
ou de prison avec sursis tandis que les autorités tentent de juguler l'afflux de migrants arrivant d'Italie au prix d'irrégularités combattues par les associations, condamnées au tribunal administratif et objets de rappels à l'ordre de la part du Défenseur des droits.