A 51 ans, Sylvain Schaeffer, sapeur-pompier professionnel à Nice, souffre d'un cancer de la vessie. Son témoignage vient éclairer les raisons de la grève entamée par la profession le 8 février. Son principal syndicat réclame notamment un meilleur suivi médical et une reconnaissance de certaines maladies professionnelles.
Nous l'avons rencontré à Nice, dans l'enceinte de la caserne Magnan, son lieu de travail et aussi son lieu de résidence. Nice, et avant cela Strasbourg. Sylvain Schaeffer a derrière lui 35 ans de carrière parmi les sapeurs-pompiers. Il y a quatre mois, les médecins lui ont annoncé qu'il souffrait d'un cancer de la vessie.
Une tumeur agressive. Il a été opéré et est aujourd'hui sous chimiothérapie. Sylvain Schaeffer a entamé des démarches auprès de la médecine du travail pour que son cancer soit reconnu comme maladie professionnelle.
Un mouvement de grève touche actuellement les sapeurs-pompiers professionnels. Ils dénoncent un manque de protection et de suivi médical face, notamment, aux fumées toxiques.
Comment votre cancer a-t-il été détecté ?
Sylvain Schaeffer : "Lors d'un test d'urine que j'ai réalisé à titre privé. En 48 heures, ma vie a basculé. Échographie, scanner... et le diagnostic est tombé. Je me suis rendu compte de ma maladie dans le cadre de ma vie privée, et je le regrette. J'aurais voulu que ce soit décelé lors de ma visite médicale professionnelle. La dernière en date a eu lieu seulement quelques mois avant. Si, à ce moment-là, on m'avait fait un test simple, comme une bandelette pour les urines, on aurait détecté plus tôt la maladie dont je souffre."
Êtes-vous sûr que votre maladie est liée à votre activité professionnelle ?
Sylvain Schaeffer : "À l'époque, je ne m'intéressais pas forcément au sujet. J'étais la tête dans le guidon, j'exerçais mon métier. Mais avec le recul, et après toutes ces années de service, j'en ai pris conscience.
Pour moi, c'est évidemment lié à mon métier. Nous les sapeurs-pompiers, nous sommes soumis tout au long de notre carrière à beaucoup de produits toxiques, des fumées notamment.
Sylvain Schaeffer
Que ce soit lors d'incendies d'habitation ou en milieu naturel, nous y sommes soumis, et pas seulement par les voies respiratoires, il y a aussi d'autres voies de pénétration.
Et puis il y a ce phénomène dont on parle beaucoup moins : lorsqu'on est sur un incendie, nos affaires absorbent énormément de fumée. Si vous rentrez dans une caserne de sapeurs-pompiers et que vous vous rapprochez des casiers où sont stockées nos affaires de feu, vous vous rendrez compte très vite qu'il y a une forte odeur, qu'on respire pendant toute notre carrière. Cette odeur typique, c'est probablement un des facteurs de ces maladies."
L'institution prend-elle suffisamment en compte cette exposition au risque ?
Sylvain Schaeffer : "il y a eu quelques avancées, différentes selon les départements. Ici nos casiers sont désormais obligatoirement ventilés. C'est très bien, mais ce n'est pas suffisant. Nous avons également des sacs étanches pour mettre nos affaires de retour du feu, mais encore une fois ça ne suffit pas. À mon sens, je le redis, le plus important, c'est le suivi médical du sapeur-pompier."
Comment vivez-vous le fait d'être malade, alors que vous avez sauvé des vies ?
Sylvain Schaeffer : "j'ai évidemment un petit sentiment de frustration. Être sapeur-pompier, c'est une vocation. On a envie d'aider les gens, on a ça dans le sang. Quand on tombe malade, on n'a pas envie que les gens s'apitoient, mais on attend un peu de reconnaissance. Ça passe par la reconnaissance comme maladie professionnelle à partir du moment où on fait un lien évident, ce qui aujourd'hui, pour nous, est le cas. Nous les pompiers, nous jouissons d'une bonne réputation. Les gens nous aiment. J'estime que quand on aime quelqu'un, on le protège."
Rédaction Jacqueline Pozzi avec Ali Benbournane.