La capitale azuréenne a repris son train-train habituel ce lundi matin. Les élections n'ont pas changé la face de la Promenade des Anglais... À peine peut-on sentir un soupçon d'inquiétude pour l'avenir du pays qui s'annonce ingouvernable. Et l'on sait déjà qu'en coulisses les armes sont affûtées pour la prochaine élection municipale de 2026.
Lendemain d'élections sur la Prom'. Le soleil a du mal à se frayer un chemin au travers de gros nuages... Ce lundi matin, on n'y voit pas beaucoup plus clair sur l'avenir du pays... mais les coureurs et les baigneurs ont déjà repris leurs rituels, presque comme si de rien n'était.
"Did it go badly?" demande un joggeur, manifestement britannique, en réponse à nos interrogations. Est-ce que ça s'est mal passé ? C'est justement la question qu'on se pose ! "It went surprisingly !", pourrait être la réponse.
Beaucoup de surprise et de déception, après ce second tour des élections législatives, selon, évidemment, le point de vue où on se place.
"Dès que je peux, je quitte la France"
Christian, par exemple, est dépité. "Moi, dès que je peux, je quitte la France. Je suis restaurateur, et si la gauche impose son programme, je mets la clé sous la porte ! Le SMIC à 1600 euros, c'est n'importe quoi ! On va encore augmenter nos charges, et on n'en peut plus !" Christian semble pressé, sur son vélo électrique, mais le sujet lui tient à cœur : "C'est toujours la même chose avec les Français, ils râlent sans arrêt, mais au moment de voter, ils font n'importe quoi."
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Visiblement, Christian est sympathisant des idées défendues par l'alliance entre le Rassemblent National et Les Républicains d'Éric Ciotti.
"Les immigrés, il y en a bien assez comme ça. On n'a déjà pas de quoi se loger nous-mêmes !" Quelques vociférations contre "un fiché S à l'assemblée" (en référence à Raphaël Arnault, militant antifasciste élu dans la 1ère circonscription du Vaucluse) et l'antisémitisme de La France Insoumise. Et le voilà reparti, à bicyclette.
Une dizaine de mètres plus loin, Franck et Aïcha sont venus admirer la mer de bon matin. Calme plat. "Ça ne va rien changer du tout, malheureusement, que ce soit au niveau local ou national" confie le premier. "Peut-être, mais je suis soulagée," nous dit sa collègue. "Je suis d'origine maghrébine, et on se dit que c'est mieux pour nos enfants que l'extrême droite ne soit pas au pouvoir."
Calmer le jeu
Éric, lui aussi, a le sourire. Cet enseignant fait une pause pendant son footing matinal, et met en pause pour nous son podcast France Cullture. "On est passé très très près ! Et le score de la gauche est une très bonne surprise !" Il se dit soulagé également que cette campagne se termine enfin : après les Européennes, la dissolution et ces législatives improvisées, il espère un peu de répit. "Les mots ont été très durs ces derniers jours. Maintenant il faut se calmer. Former un gouvernement s'annonce suffisamment compliqué comme ça !"
Ylan est du même avis : "L'ambiance générale m'a beaucoup embêté." Le trentenaire restaurateur le reconnaît sans ambages : "J'ai voté blanc. Pourtant j'attends du changement, mais là, aucune proposition ne me convenait !" Rien de nouveau sous le soleil, ou plutôt : sous les nuages. D'ailleurs, ils sont nombreux (les électeurs, pas les nuages) à ne plus prendre la peine de se positionner.
Zoé a 19 ans. Elle ne s'est même pas inscrite sur les listes électorales. Mais ça ne l'empêche pas d'observer attentivement. "Je ne me sens pas représentée, ni par la droite, ni par la gauche. J'irai voter un jour, je me laisse un peu de temps, mais j'aimerais le faire par conviction : je ne veux pas voter par défaut."
Changement de génération, direction le Cour Saleya où s'installe doucement le marché des Antiquaires. "Le SMIC à 1600 euros, on n'aurait rien contre", rigolent Ginette et Christian, brocanteurs. "Notre retraite est indexée dessus : au moins on aurait plus besoin de venir bosser !" Ginette a 74 ans. "Mais ça fait bien longtemps que je ne crois plus à ce qu'ils nous promettent ! Des gouvernements j'en ai vu passer !"
Guerre fratricide
Étrange absence de ce pot-pourri : Éric Ciotti fait pourtant carton plein à Nice, avec l'élection de Christelle D'Intorni dans la 5ᵉ et Bernard Chaix dans la 3ᵉ, et la sienne bien sûr. Mais son pari (son putsch) sur Les Républicains ne semble pas émouvoir les Niçois. En terres estrosistes, Ginette se veut fataliste. "Il n'y a jamais vraiment de suspense chez nous. C'est droite ou droite."
La guerre fratricide s'annonce féroce pour les prochaines municipales. Mais deux ans, c'est encore long. Corinne ("Jésus Marie Joseph, vous voulez me mettre en retard avec vos questions ?") commence tout juste à installer son stand. "Je suis contente que Ciotti ait poussé sa démarche jusqu'au bout. Il a au moins le mérite d'essayer. Si on peut faire bouger un peu le système Estrosi, ce n'est pas plus mal." Et c'est une spécialiste des antiquités qui le dit.
Ça y est. Le jour est levé. Mais le soleil n'a toujours pas percé les nuages.