La broderie n'est pas qu'un loisir créatif à la mode, c'est aussi une activité industrielle méconnue, qui se développe avec une constance sereine, profitant des progrès technologiques et de la nécessaire proximité avec les clients. Exemple avec une petite entreprise de six salariés dans la zone industrielle de Carros, près de Nice.
Une immense boîte métallique flotte dans les airs. Elle pèse plus de 3 tonnes et mesure plus de 7 mètres dans sa longueur. Sa petite sœur - 1 tonne et demi à peine - attend sagement son tour à l'arrière du camion. Ces boîtes mystères contiennent des... machines à broder. Énormes, certes. Mais des machines à broder tout de même...
"Ce sont des machines multitêtes, capables de réaliser douze broderies identiques en même temps, pour la plus grosse, avec une douzaine de couleurs différentes." Voilà un enchevêtrement de fils qu'il s'agit de démêler en compagnie d'Olivier Cetra, fondateur de la société Globe Brodeurs.
Pour cette PME de taille modeste (six salariés en plus du patron), ces deux nouvelles machines représentent un investissement conséquent : 250.000 euros. Un tiers du chiffre d'affaires annuel. Mais selon Olivier, il s'agit d'un risque calculé. "En fin d'année dernière nous avons eu du mal à honorer toutes les commandes... J'ai senti qu'il fallait prendre les devants et investir avant d'être trop à l'étroit."
La broderie a, en effet, le vent en poupe
Le pédégé optimiste - et heureux - voit plusieurs raisons à cela... L'essor de nombreux secteurs gros consommateurs de broderies, tels que les vêtmements sportifs, le tourisme ou l'événementiel, d'un côté.... les progrès techniques, qui rendent la broderie de plus en plus compétitive, de l'autre. Enfin, et c'est un argument de taille : l'absence de menace de délocalisation. La personnalisation textile concerne des volumes de 10.000 pièces au maximum : un aller-retour en Chine, par exemple, ne serait pas rentable.
Les impressions et sérigraphies, jadis une concurrence déloyale, ont obligé le secteur à se réinventer dans les années 80. Désormais, il est possible de broder à peu près n'importe quel support, pour un prix relativement raisonnable, avec une qualité et un rendu nettement supérieurs. Casquettes, doudounes, sacs de golf... Tout y passe. Même l’ensemble des tenues des lycées et collèges d’État de Monaco !
Pour autant, la broderie, ce n'est pas vraiment le métier auquel on pense quand on est petit garçon... "C'est à un ami que je dois cette idée un peu baroque..." affirme Olivier. "On se baladait à Saint-Tropez, on était marins à l'époque. Et en allant faire quelque polos et casquettes, il m'a dit, j'ai trouvé le métier que tu feras plus tard : tu seras brodeur. "
Il a commencé dans sa chambre il y a 28 ans, et, de fil en aiguille, il est maintenant à la tête de six employés. Car il faudra toujours une intervention humaine sur les machines, malgré les progrès techniques.
"C'est un métier passionnant, il y a à la fois un côté artistique et industriel. Le textile a toujours revêtu une place importante dans l’inconscient collectif et dans la tradition industrielle français." Pendant le confinement, Olivier s'était lancé dans l'impression de portraits et d'œuvres d'art. Un secteur qui reste encore à développer.
De toute façon, les opportunités ne manquent pas : de nombreuses entreprises de broderie de toutes tailles sont installées sur tout le territoire, y compris dans la zone industrielle de Carros.